Primaires Républicaines: La Valse des Favoris, ou pourquoi il est trop tôt pour avancer un pronostic.

A un mois du premier scrutin des élections primaires chez les Républicains (le traditionnel Caucus de l’Iowa, qui se tiendra le 3 janvier ), il est urgent d’attendre avant de se risquer au jeu des pronostics. 

Les incertitudes sont trop nombreuses. Incertitudes quant aux candidats, dont on ne sait même pas s’ils sont tous déclarés. Incertitude quant à l’économie, qui donne des signes timides mais persistants de redémarrage. Incertitude quant à la crise de la dette  et des banques, qui n’est pas résolue. Incertitude quant à la  situation internationale qui reste délicate au Proche Orient, instable en Afghanistan et en Iraq, et menaçante en Iran. Incertitude quant à l’état d’esprit des Américains, désireux, en ces temps difficiles, de se pencher sur leurs difficultés plutôt que sur celles du monde. De l’évolution de tous ces paramètres, au cours des prochains mois,   dépendra le choix des électeurs.

Ces incertitudes n’ont toutefois pas  empêché  les médias, surtout en France, de désigner régulièrement des « favoris ». Au risque de voir l’élu d’un jour imploser  le lendemain.  Le dernier en date  à connaître ce sort s’appelle Herman Cain. Inconnu  voici trois mois,  il avait été parachuté « front-runner ».  Il faisait la course en tête.  Homme d’affaires afro-américain, aux idées tranchées, on faisait de lui le pendant conservateur d’Obama. C’était  prématuré.  Accusé de harcèlement sexuel par plusieurs de ses anciennes collaboratrices, et convaincu d’avoir entretenu une ou plusieurs relations  extra-conjugales, il a préféré se retirer de la course ce 3 décembre.

Avant lui, Rick Perry, le gouverneur du Texas,  avait connu une ascension fulgurante et une chute spectaculaire.  La chute était survenue en direct à la télévision lors du débat du 9 novembre quand il avait été victime d’un trou de mémoire stupéfiant. Promettant de supprimer « trois ministères », s’il était élu président,  il n’avait pu en citer que deux ( les Départements  du Commerce, et de l’Education, le troisième, celui dont il ne pouvait plus se rappeler, étant l’Energie) ponctuant sa phrase d’un « Oops ! » dévastateur .

Le favori d’octobre était une femme, Michelle Bachmann, largement inconnue du grand public également. Représentante du Minnesota,  soutenue par les  Tea Parties, elle avait obtenu un score plus que flatteur dans un sondage de précampagne. Suffisant pour que les média la placent sur un piédestal  dont ils se sont aussitôt empressés de  la faire tomber.

Encore avant elle il y  avait Mitt Romney. L’ex gouverneur du Massachusetts,  déjà candidat  à la nomination en 2008, et donc connu du public,  avait la nomination quasi acquise, nous disait-on. Géant parmi les nains, il avait l’expérience, l’élégance et l’argent,  trois atouts maîtres pour une  campagne victorieuse. Jusqu’à ce qu’on se souvienne qu’il est Mormon, une congrégation religieuse minoritaire et controversée,  et que ses positions politiques n’ont cessé de changer…

Encore plus tôt un certain John Huntsman avait traversé l’écran. Ancien ambassadeur en Chine et Gouverneur de l’Utah, républicain modéré ayant fait ses classes dans l’administration de Ronald Reagan, on le présentait comme l’homme qui allait ressouder le parti républicain.  Jusqu’à ce qu’on remarque que lui aussi est Mormon.    

Aujourd’hui, les média ont trouvé un nouveau favori,  Newt Gingrich.  Il a fait une percée spectaculaire dans les sondages à la faveur des déconvenues de ses adversaires.  Ancien représentant de Géorgie et Speaker de la Chambre, artisan en 1994 du « Contrat avec l’Amérique », qui avait permis aux Républicains de remporter la majorité pour la première fois en quarante ans, c’est un politicien habile,  brillant et pugnace. C’est aussi un revenant.  Le triomphe de  1994, ( Time Magazine  l’avait désigné Homme de l’Année en 1995) avait débouché sur la disgrâce de 1998. Face à des accusations de manquement à l’éthique, il avait renoncé à son siège de Speaker trois jours après sa réélection… Depuis il a fait fortune comme consultant. S’il déborde d’idées et d’énergie,  Gingrich demeure un électron libre, un homme imprévisible  qui,  dans une campagne,  peut s’avérer son propre pire ennemi. De sorte qu’il est trop tôt pour parier sur lui.

Les élections primaires américaines sont un marathon, ponctué de sprints intermédiaires (voir le calendrier des primaires).  Le premier de ces sprints aura lieu le 6 mars 2012, avec des scrutins dans dix Etats et près de cinq cents délégués à la clé. De quoi éclaircir le champ des prétendants. Celui, ou celle,  qui sortira en tête à l’issue de ce « SuperTuesday »  (on vote en général le mardi aux Etats-Unis) n’aura pas encore la nomination en poche. Par contre les battus auront plus de mal à lever des fonds et poursuivre la campagne.  Le second sprint viendra le 5 avril, avec des primaires dans cinq états dont New York.  Enfin, la Californie votera pour ses 172 délégués le 5 juin, en compagnie de quatre autres Etats. Au soir de ce 5 juin, sinon plus tôt,  on connaîtra le nom du candidat républicain.

 Pour l'heure, il est encore trop tôt pour engager des paris.