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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
17 août 2018

Barrières Douanières : Quand Trump renoue avec une tradition américaine

 

Trump Tarrifs & Trade

« Notre pays s’est construit grâce aux barrières douanières, et ces barrières douanières vont nous permettre de parvenir à de nouveaux excellents accords commerciaux – à l’opposé des accords abominables et injustes dont j’ai hérités en devenant président. Des pays étrangers ne devraient pas être autorisés à venir chez nous pour voler la richesse du grand pays que nous sommes. C’est fini. »

             Ce tweet est signé du président Donald Trump. Il rappelle son intention d’utiliser les barrières douanières comme un outil de négociation dans les relations commerciales. Et il rappelle que les barrières douanières furent, de la naissance des Etats-Unis à la Seconde Guerre Mondiale, soit pendant plus de cent-cinquante ans, au cœur de la politique commerciale américaine. En renouant avec des tarifs douaniers, Trump renoue avec une tradition américaine.

 Alors que le président Donald Trump est accusé de provoquer une « guerre commerciale » entre les Etats-Unis et ses  partenaires  qu’ils soient alliés, neutres ou hostiles, il importe de rappeler que jusqu’en 1940, les Etats-Unis ont systématiquement imposé des tarifs douaniers élevés sur les produits importés.

U

La question des droits de douanes fut longtemps  une question économique essentielle, qui divisa la société et le monde politique américains. Les candidats à la présidence devaient systématiquement choisir leur camp entre partisans de tarifs élevés, ce qui fut le cas des Républicains,  et,  avant eux,  des Fédéralistes et des Whigs,  et partisans de l’abaissement des barrières douanières, ce qui fut le cas des Démocrates, avant et après la Guerre de Sécession. Même si cela peut surprendre ce sont les partisans de tarifs douaniers élevés qui traditionnellement l’ont emporté.

              .Ces tarifs prenaient la forme d’une taxe à l’importation, qui devait être réglée pour que les produits puissent être déchargés dans un port américain. De la naissance des Etats-Unis à la Première Guerre Mondiale, ces tarifs constituaient l’essentiel des revenus du gouvernement fédéral (contre moins de 2% aujourd’hui). A l’époque l’impôt sur le revenu n’existait pas. Il ne fut créé qu’en 1913. Quelques décennies avant que ces barrières ne tombent…

Alexander Hamilton

             Le premier tarif douanier fut imposé dès 1789 à l’initiative du secrétaire au Trésor Alexander Hamilton ! Ce fut littéralement le premier texte de loi voté par le Congrès, et signé par le président George Washington. Son objectif était double : payer la dette extérieure américaine et offrir une barrière tarifaire pour protéger les produits domestiques.

             Ce second objectif fut invoqué à de nombreuses reprises par la suite pour justifier le maintien de tarifs douaniers élevés. L’idée était que les Etats-Unis se devaient de protéger leurs jeunes industries trop faibles pour affronter la concurrence internationale. Les lois protectionnistes se succédèrent donc les unes aux autres, en 1822, puis 1824 (ces tarifs furent qualifiés par leurs adversaires de  «tarifs d’abomination » tant ils étaient élevés et  l’Etat de Caroline du Sud menaça de quitter l’Union s’ils n’étaient pas révisés à la baisse…) puis en 1842 et encore en 1856.

             Ces tarifs ne satisfaisaient pas tous les Américains. Au contraire. Ils plaisaient aux Etats du nord dont la base industrielle était protégée, mais ils déplaisaient aux Etats du sud, principalement agricoles, beaucoup plus dépendants des importations, et qui voyaient le coût de ces importations se renchérir sans cesse…

             La Guerre de Sécession ne changea rien à cette équation économique. Les barrières douanières continuèrent de protéger le Nord, aux dépens du Sud, et l’industrie aux dépens de l’agriculture.

Tariff poster

             Le débat sur les tarifs douaniers atteint son paroxysme, durant la dernière décennie du XIXe siècle. Les Etats-Unis jouissaient d’un secteur industriel prospère et ils étaient même devenus exportateurs de matières premières et de produits finis.

             William Mc Kinley, candidat du Parti Républicain, à l’élection présidentielle de 1896 défendit la position protectionniste qui était alors celle du parti républicain parce qu’elle avait jusqu’alors garanti « paix et prospérité dans les foyers ». Dans l’esprit de l’époque, protectionnisme et prospérité allaient de pair ! Le libre-échange, disait Mc Kinley,  impose, une pression des salaires à la baisse, alors que le protectionnisme respecte la dignité du travail. Il était lui-même l’auteur d’une loi, le Mc Kinley Act de 1890,  imposant une taxe à l’importation de 50%.

             Les démocrates étaient, au contraire, opposés aux barrières douanières. En 1892 le président Grover Cleveland, en croisade pour le libre-échange, avait été réélu à la Maison Blanche sur la promesse de réduire les tarifs douaniers. Ce qui fut fait en 1894. Mais en 1896, le candidat démocrate, William Jennings Bryan, fut battu, et Mc Kinley imposa immédiatement un relèvement des barrières douanières.

teddy Roosevelt as a rough rider on horseback

             Avec le tournant du XXe siècle, l’unité des Républicains derrière le protectionnisme commença de se fissurer. Théodore Roosevelt, successeur de Mc Kinley, croyait également à la « sagesse de barrières protectrices »  affirmant déjà que  la prospérité américaine s’était construite sur  les tarifs douaniers. Toutefois il avait engagé un combat contre les « trusts », ces nouvelles sociétés, à tendance  monopolistique, qui profitaient largement des barrières douanières et n’hésitaient pas à soudoyer le monde politique pour les voir maintenues. Au nom de la lutte contre la corruption, les droits de douane avaient cessé de faire l’unanimité.

             Il faudra néanmoins plus de trente ans, et une crise économique sans précédent pour que les barrières douanières tombent véritablement.

             La dernière loi imposant des tarifs douaniers est le Smoot-Hawley Act. Cette loi, imposant une taxe de 60% sur les produits importés, fut votée et signée en 1930, peu après le krach de 1929,  pour protéger les emplois des Américains et s’avéra au contraire aggraver encore la crise économique naissante. Une crise dont les Etats-Unis ne sortiront vraiment qu’avec la seconde guerre mondiale ! Aujourd’hui les « experts » débattent encore des conséquences de Smoot-Hawley. Pour certains ces tarifs ont véritablement précipité les Etats-Unis et le monde dans la « Grande Dépression ».  Pour  d’autres, le mal était fait et la loi n’eut que peu d’incidence… Quoi qu’il en soit  après Smoot-Hawley il n’a plus été question de tarifs jusqu’en 2017 et la présidence de Donald Trump.

Smoot-Hawley act

             Durant cette période, au contraire, il n’a été question que de libre-échange et d’accords bi-latéraux, puis multi-latéraux sous les hospices du GATT – General Agreement on Tariffs & Trade  - puis de l’OMS, Organisation Mondiale du Commerce. Et les tarifs américains sont tombés, en moyenne,  de 60% en 1934 à 2,5% en 2013.

             Vu la croissance de l’économie américaine et mondiale durant cette période l’argument économique en faveur du libre-échange semble imparable. Mais c’est faire abstraction du contexte politique. Car de 1945 à 1989 le libre-échange fut plus qu’une relation commerciale, ce fut une idéologie, celle du monde « libre » combattant l’idéologie communiste du monde sous emprise soviétique. Multiplier les échanges ne servait pas qu’au commerce, cela servait à consolider les liens avec les alliés de son propre camp, dans un affrontement économique à mort.

             Et c’est précisément depuis la fin de cette Guerre Froide, et l’arrivée d’un participant au commerce international capable d’en retourner les règles à son avantage, à savoir la Chine, officiellement communiste, mais adepte du capitalisme d’Etat, que certains questionnent à nouveau les conséquences d’un libre-échange sauvage.

             Prise dans son ensemble, l’histoire des relations commerciales américaines se résume donc à 150 ans de tarifs – de 1789 à 1940 – et 77 ans de libre-échange. Par sa volonté de protéger les emplois américains et les industries américaines, Donald Trump renoue avec une tradition américaine. Le protectionnisme a été de règle pour deux fois plus longtemps que le libre-échange. Et avec lui une forme de patriotisme économique a toujours primé.

President_George_Washington

 Washington se vantait de consommer de la bière et du fromage exclusivement « fabriqués en Amérique ». Il affirmait par ailleurs que pour être véritablement indépendante, une nation se devait de produire par elle-même tous les éléments nécessaires à sa prospérité, en particulier son armement.

Thomas Jefferson

             Thomas Jefferson, troisième président,  invita ses concitoyens à préférer un produit fabriqué aux Etats-Unis,  à chaque fois que cela était possible, même si cela signifiait de payer plus…

             Tout au long du XIXe siècle le « libre-échange » fut même dénoncé comme une tentative de recolonisation de l’Amérique par les Anglais. Le président Monroe estimait que protéger les producteurs américains de la concurrence internationale était « un  devoir ». Le président Andrew Jackson  voyait dans le libre échange « le chemin le plus sûr vers la pauvreté » et Henry Clay, qui ne fut jamais président, mais plusieurs fois candidat,  affirmait même que « les conditions nécessaires à des échanges libres et justes n’existent pas et n’existeront jamais » !

Andrew_Jackson

             Enfin difficile d’envisager une proclamation plus protectionniste que celle d’Abraham Lincoln : « donnez-moi des barrières douanières et je construirai la plus grande nation du monde » !

Abraham Lincoln

 

             

 

 

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