Etats-Unis: Quand les Américains votent avec leurs pieds

 

Dans le chaos des premiers mois de l’administration Biden – crise migratoire sans précédent à la frontière avec le Mexique ; crise énergétique précipitée par l’abandon programmé des hydrocarbures, l’arrêt de la construction du pipeline Keystone et le piratage du pipeline Colonial qui a privé plusieurs Etats de carburant pendant des jours ; crise budgétaire avec l’octroi de plusieurs milliers de milliards de dollars de dépenses supplémentaires au nom de la lutte contre le Covid, ou des infrastructures,  qui ont fait explosé le déficit, porté la dette américaine a près de 30 mille milliards de dollars et relancé l’inflation – une information capitale est passée presque inaperçue.

 Il s’agit de la publication des chiffres du dernier recensement. Ces chiffres apportent un éclairage essentiel sur l’état actuel et à venir des Etats-Unis. Or cet éclairage est catastrophique pour les Démocrates. En l’occurrence, le recensement de 2020 indique que les Américains sont en train de « voter avec leur pied » pour rejeter les politiques d’inspiration socialistes des Etats dirigés par des Démocrates. Ces mêmes politiques qui guident aujourd’hui l’action de  l’administration Biden.  En clair les Américains fuient les Etats « bleus » (à majorité et administration Démocrates) pour se réfugier dans les Etats « rouges (à majorité et administration Républicaines) !

 Tous les dix ans le U.S. Census Bureau conduit un recensement complet de la population américaine, Etat par Etat. Le dernier date de 2020. Ses résultats préliminaires ont été publiés le 26 avril 2021. Ils indiquent que la population des Etats-Unis est de 331,5 millions de personnes. Chiffre qui inclut les résidents non citoyens. Cela représente une progression  de 7,5% depuis 2010.  Cette progression n’est toutefois pas également répartie. Certains Etats ont vu leur population augmenter considérablement, d’autres beaucoup moins et certains l’ont vu diminuer.

 Voici les détails et leurs conséquences.  

 Sept Etats se distinguent comme les grands perdants du recensement: la Californie, l’Illinois, le Michigan, l’Ohio, la Pennsylvanie New York et la Virginie de l’Ouest. Ce sont principalement des Etats du Nord-Est.

 Six Etats sortent grands gagnants : le Colorado, la Caroline du Nord, la Floride, le Montana, l’Orgeon et le Texas.  

 Au cours des dix dernières années la Californie a vu sa population passer de 37,2 à 39,5 millions d’habitants. Soit une progression de 6%. Inférieure de 1,5% à la moyenne nationale. La population continue donc d’y progresser mais à un rythme plus lent. Et certains endroits  de cet Etat, notamment San Francisco et sa banlieue, connaissent un exode net, c’est-à-dire une perte de population ; perte qui s’est accélérée récemment.

 Cette tendance est encore plus visible à New York. Cet Etat qui abrite la première métropole américaine, New York City, dix-sept millions d’habitants, a vu sa population progresser de 4% seulement en dix ans et a observé une perte nette de deux cent mille habitants depuis 2018.

En Pennsylvanie la population est restée stable, autour de treize millions de personnes. Idem pour le Michigan, avec dix millions de résidents et une progression inférieure à 1%.

Dans l’Illinois, Etat du midwest dont la principale métropole est Chicago, la population a diminué au cours des dix dernières années. Une perte nette de presque deux cent mille résidents, (12, 6 contre 12,8 millions) qui s’est accélérée au cours des cinq dernières années. Seule la Virginie de l’Ouest, petit Etat pauvre des Appalaches, dont l’industrie principale est le charbon, a perdu une proportion plus importante de sa population.

 A l’opposé le Texas a vu un afflux de quatre millions de personnes, soit une progression de 15%, le double de la moyenne nationale. Le « lone star state », comme les Américains l’appellent, compte désormais vingt-neuf millions d’habitants, contre vingt-cinq millions en 2010. Cette progression est due à la fois à l’immigration, et aux déplacements internes. Situé le long de la frontière mexicaine, le Texas est le premier Etat affecté par l’immigration (clandestine et légale) en provenance d’Amérique centrale. Très étendu (une fois et demi la superficie de la France), riche en ressources naturelles, avec un coût de la vie inférieur à la moyenne nationale, et une législation favorable aux affaires, le Texas connaît une croissance démographique et économique plus forte que la moyenne nationale depuis plus d’un demi-siècle. En 1960 sa population n’était que de dix millions d’habitants !. Il compte désormais deux des cinq plus grandes agglomération américaines : Dallas et Houston, avec plus de sept millions d’habitants chacune. Récemment le Texas est aussi devenu la destination numéro un des citoyens Américains fuyant les Etats progressistes.

 La Floride attire aussi beaucoup d’Américains, et d’immigrants étrangers pour, à peu près, les mêmes raisons. Cet Etat du sud-Est, connu pour ses plages et son climat subtropical, a vu sa population progresser de 14% en dix ans. La Floride compte une importante communauté hispanique, principalement d’origine cubaine – et anti-communiste – ainsi qu’une forte proportion de retraités. Les plus de soixante ans représentent le tiers des Floridiens et leur nombre augmente plus vite que le reste de la population. Alors que la génération du Baby-Boom (personnes nées entre 1946 et 1964) continue de quitter la vie active, la tendance devrait donc se poursuivre pendant encore près d’une décennie.

 Le Colorado et l’Orégon ont aussi connu une forte progression récemment. Le premier est un Etat des montagnes rocheuses, le second est un Etat rural de la côte ouest. Le premier attire une population plutôt jeune portée sur une vie au grand air. Le second situé au nord de la Californie, bénéficie de l’exode en provenance de cet Etat.

 Ces évolutions, qui changent le visage de l’Amérique, vont avoir une incidence immédiate sur sa représentation politique. Car, à la suite du recensement, le Census bureau établit, tous les dix ans, une nouvelle carte électorale. En effet les 435 sièges de la Chambre des Représentants sont attribués en proportion de la population de chaque Etat. Du fait de leur croissance moindre, ou négative, la Californie, New York, l’Illinois, le Michigan, la Pennsylvanie, l’Ohio et la Virginie de l’Ouest vont tous perdre un siège. A l’opposé, le Colorado, la Floride, le Montana, l’Oregon, la Caroline du Nord vont tous gagner un siège. Le Texas va en gagner deux !

 Parmi les sept Etats perdant un siège, six sont dirigés par des administrations démocrates, et sont allés à Joe Biden lors de l’élection présidentielle de 2020. Inversement parmi les six Etats gagnant un siège ou plus, quatre ont des administrations républicaine et ont voté à une large majorité pour Donald Trump lors des deux dernières présidentielles.

 Ce report de sièges  a donc, au moins, deux conséquences.

 Un, il offre un gain potentiel de cinq sièges à la Chambre des représentants pour le parti Républicain. Sachant que les Démocrates possèdent actuellement une majorité de seulement quatre sièges (222 contre 213) cela signifie que les Républicains sont quasiment assurés d’emporter la majorité lors des élections intermédiaires de 2022.

 Deux, le rapport de force au sein du Collège électoral, rouage déterminant de l’élection présidentielle,  va également évoluer en faveur des Républicains. Dans la nouvelle configuration, Trump aurait remporté trois sièges de plus et Biden, trois de moins. Certes pas de quoi inverser le résultat, mais un avantage certain dans le cadre d’un scrutin serré, ce qui risque d’être à nouveau le cas en 2024.

 Au-delà de ces enseignements purement comptables, le recensement de 2020 peut-être interprété comme un rejet massif des politiques progressistes mises en place par l’administration Biden. Car quatre des Etats les plus touchés par le déclin démographique -relatif ou absolu- à savoir la Californie, New York, l’Illinois et le Michigan, sont des Etats dirigés de longue date par les Démocrates et qui ont déjà mis en place des politiques sociales et fiscales progressistes. Ce sont aussi ceux qui ont le plus diminué les budgets de leurs polices municipales dans la foulée des mouvements Black Lives Matter et Defund the Police. Au passage ce sont également des Etats qui ont imposé les règles de confinement les plus strictes depuis le début de la pandémie de Covid19, alors que les Etats qui attirent le plus, notamment la Floride et le Texas, sont ceux restés le plus ouverts. Cela augure mal de la popularité réelle de la politique de l’administration Biden.

 Le président démocrate, qui avait fait campagne « au centre », gouverne pour l’instant à « l’extrême gauche ». Ses décrets présidentiels, et son plan de relance économique face à la pandémie, ont été de généreux cadeaux à l’aide radicale du parti démocrate, aux syndicats, aux écologistes et aux groupes de pression sexuels et racialistes. Une politique que le résultat électoral de 2020, serré et mitigé pour les Démocrates, ne saurait justifier mais qui peut se comprendre « jusqu’auboutisme » dans la perspective d’une défaite annoncée aux élections de 2022.

 Il n’est d’ailleurs pas étonnant que parmi les dizaines de décrets que Joe Biden a signé depuis son arrivée à la Maison Blanche, l’un  concerne le recensement. Il impose de comptabiliser tous les résidents des Etats, pour le redécoupage électoral. C’est-à-dire, pas seulement les citoyens américains autorisés à voter mais aussi les millions d’immigrants clandestins, sans droit de résidence, mais bel et bien présents. Les clandestins sont plus nombreux dans les Etats « bleus » que dans les Etats « rouges ». En gonflant  ainsi la démographie des Etats Démocrates, Biden veut éviter qu’encore plus de sièges ne leur soient retirés au profit d’Etats Républicains.