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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
1 août 2022

Etats-Unis - Chine : La guerre a-t-elle déjà commencé ?

 Nancy Pelosi 3

 C’est une drôle de controverse qui divise les Américains. Elle concerne la possible visite de Nancy Pelosi, « Speaker » de la Chambre des Représentants à Taïwan. Certains sont pour, d’autres sont contre. Mais tout le monde a son opinion et l’a fait connaître, de Joe Biden à Donald Trump…

Habituellement, les déplacements de Mme Pelosi à l’étranger ne font pas les gros titres. Certes, en tant que « speaker », elle est la troisième personnalité la plus importante des Etats-Unis, après le président et le vice-président, mais ses rencontres internationales n’ont pas le même retentissement que les leurs. Cette fois c’est différent. Car les dirigeants communistes de Pékin ont fait bruyamment savoir qu’ils étaient contre une telle visite, laissant même entendre que si l’avion de Mme Pelosi cherchait à se poser à Taipei, il serait abattu !

shooting down pelosi's plane hypothesis

Hu Xijin, un journaliste considéré comme une voix officieuse de l’Etat, a écrit : “Si des avions de guerre américains escortent l’avion de Pelosi à Taiwan, c’est une invasion… ils sont abattus”. De quoi sérieusement pimenter le débat et attirer l’attention sur ce vol. De son côté la voie officielle de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian, s’est montré moins brutal mais tout aussi ferme : "Si les Etats-Unis s'obstinent à défier la ligne rouge de la Chine… ils feront face à de fermes mesures en réaction et devront en assumer toutes les conséquences". Quant au président Xi Jinping, il a déclaré au président Biden à l’occasion d’une conversaton téléphonique de plus de deux heures : « « Qui joue avec le feu, risque de se brûler ».  

Donald TRump and China 1

Nombreux élus, aussi bien Démocrates que Républicains se sont empressés de dénoncer ces propos comme des menaces à peine masquées et totalement inacceptables ! « Personne ne dicte à un élu américain, là où il peut, ou ne peut pas se rendre. » disent -ils  en chœur. Animée par une détestation profonde de Nancy Pelosi (ce qu’elle lui rend bien) Donald Trump s’est prononcé contre son déplacement: « Tout ce qu’elle touche devient de la m…le dossier chinois est le dernier où elle devrait intervenir, elle ne fera qu’envenimer les choses…»  

Le président Biden s’est lui réfugié derrière l’opinion du Pentagone. Il s’est dit contre ce  déplacement parce que l’armée américaine « ne pense pas que ce soit une bonne chose, à l’heure actuelle ».

Joe Biden confused

De sorte qu’à l’approche de la visite en question la tension n’a cessé de monter. Condamnant chaque camp à l’escalade ou à l’humiliation… Si Nancy Pélosi se rend à Taïwan, la Chine perdra la face.  Si Pelosi renonce à s’y rendre, c’est elle qui sera humiliée. Triste épitaphe pour sa carrière politique, car à 82 ans, ses jours au poste de « speaker » sont comptés.

Nancy Pelosi

En cause, bien entendu, le statut  de Taïwan. L’île où les nationalistes chinois se sont réfugiés en 1949, n’est pas reconnue comme un pays indépendant. La Chine communiste, celle de Pékin, considère que Taïwan lui appartient. Elle entend d’ailleurs ramener rapidement l’île et sa population dans son giron. De gré ou de force !

China & Taïwan

En attendant, Taïwan dispose de ses institutions propres, indépendantes de celles de Pékin, et elle s’est développée de façon autonome depuis 1949, en grande partie avec le soutien et la protection des Etats-Unis, son premier allié.  

Voir une guerre des mots éclater entre Pékin et Washington et assister à une escalade des menaces verbales, témoignent d’une préoccupante montée des tensions entre les deux superpuissances. De là à y voir le début de l’inévitable guerre que les géo-politologues nous annoncent - le fameux « piège de Thucydide » qui condamne une puissance établie (les Etats-Unis aujourd’hui, Athènes durant l’antiquité grecque) à contrer militairement une puissance émergente, (la Chine aujourd’hui, Sparte hier) -  il n’y a qu’un pas. D’où l’intérêt des médias et de l’opinion publique américaine pour la question.

tensions China USA Biden Xi

Sans même en connaître l’issue, ce face à face illustre d’abord une posture nouvelle et une ambition désormais non dissimulée de la part de la Chine de Pékin. Elle se sent forte et entend imposer sa loi dans ce qu’elle considère comme son pré-carré. Si les Etats-Unis ne s’y opposent pas, au moins symboliquement, ils perdront non seulement la face, mais tout influence durable dans cette région, la mer de Chine, enjeu stratégique majeur du XXI siècle. La Chine aura gagné la guerre sans même avoir combattu, appliquant à la lettre l’une des maximes du maître à penser en la matière, Sun Tzu, auteur de l’Art de la Guerre.

Pour bien comprendre les enjeux de ce qui se déroule autour de Taïwan, il faut revenir en arrière, jusqu’à la seconde guerre mondiale.

Mao_Zedong ou Mao Tsé Toung

Le 1er octobre 1949,  Mao Tsé Toung proclame l’avènement de la République populaire de Chine. A la tête du parti communiste il sort vainqueur de quinze ans de guerre civile. Rassemblés derrière le général  Tchang Kaï-chek, les troupes du Kuomintang (Parti Nationaliste) se sont repliées sur l’île de Taïwan, que les occidentaux appellent encore Formose, accompagnés de millions de réfugiés fuyant la répression et les massacres.

Parce qu’il était au pouvoir avant la guerre civile, et parce que ses soldats ont chassé les envahisseurs japonais, c’est le gouvernement de Taïwan qui est alors reconnu comme représentant de la Chine. C’est lui qui hérite d’un siège à l’Onu et c’est lui que des dizaines d’Etats, dont les Etats-Unis, reconnaissent sous le nom de République de Chine. Néanmoins Tchang Kaï Chek se garde de proclamer toute « indépendance », revendiquant au contraire sa souveraineté sur toute la Chine, y compris sa partie continentale, qu’il considère comme temporairement aux mains de rebelles communistes.

Chiang_Kai-shek

Taïwan se lance dans une politique de développement économique rapide, sous la conduite d’un parti unique, en misant sur l’ouverture à l’occident et l’innovation technologique. Cette politique en fera le premier « dragon asiatique », donnant à ses ressortissants un niveau de vie comparable à celui des Européens, Japonais ou Américains en quelques décennies. Ce développement est rendu possible en partie grâce à l’aide et à la protection américaines. Les deux pays signent un accord de défense mutuelle et le président Eisenhower effectue une visite triomphale à Taïpeï en 1954.  L’objectif est déjà de prévenir toute invasion de l’île par les forces communistes continentales.

Richard Nixon in China 1972

En 1972, Taïwan perd sa reconnaissance internationale. La visite du président américain Richard Nixon bouleverse les alliances et scelle la réconciliation entre les Etats-Unis et la Chine communiste. Au nom d’un ennemi commun, l’Union soviétique. Le siège chinois à l’Onu bascule de Taïpeï à Pékin. Taïwan tombe dans une ambiguïté juridique : ni indépendante, ni sujette à l’autorité de Pékin.

Pékin réaffirme néanmoins le « principe d’une seule Chine ». A savoir qu’un seul pays au monde peut s’appeler « Chine » et que ce pays englobe la Chine continentale et Taïwan. En 1979, lorsque les Etats-Unis rétablissent leurs relations diplomatiques avec la Chine communiste, ils reconnaissent ce principe illustré par leur « One China Policy ». Taïwan de son côté le reconnait aussi, mais diffère sur qui, de la République de Chine (eux-mêmes) ou de la République Populaire de Chine (le régime communiste en place à Pékin) représente la vraie Chine.

U

Suite à cette reconnaissance diplomatique, le  président Jimmy Carter, abroge unilatéralement l’accord de défense mutuelle de 1954, qui est remplacé par le « Taïwan relations Act ». Celui -ci ne fait plus référence à l’île sous le nom de « République de Chine », mais simplement « d’autorités de gouvernement à Taïwan ». Et en matière de sécurité il ne garantit plus une intervention armée directe des Etats-Unis au côté de Taïwan en cas d’attaque chinoise. Il  indique simplement que les Etats-Unis fourniront aux autorités « tous les équipements et services nécessaires pour maintenir ses capacités de défense. »   Elle précise que « toute tentative de déterminer l’avenir de Taïwan par d’autres moyens que la négociation sera considérée comme une menace contre la paix et la sécurité de l’ensemble de la région du Pacifique occidental, et une grave préoccupation pour les Etats-Unis. »

Cette nouvelle politique a été qualifiée « d’ambiguïté stratégique ». Son objectif est double : dissuader les autorités de Pékin de toute agression militaire contre Taïwan et dissuader les autorités taïwanaises de déclarer leur « indépendance », ce qui pourrait être interprété par Pékin comme une intolérable provocation justifiant des représailles armées…

taipei1

Car au sein de Taïwan, le sentiment indépendantiste n’a cessé de gagner du terrain. La mort de Tchang Kaï - Chek en 1975 a ouvert la voie au multipartisme et à une démocratisation de la vie politique. Depuis 2016, Taïwan est dirigée par une femme, Tsai Ing-Wen, partisane de l’indépendance, et son parti le Parti Démocrate Progressiste est toujours majoritaire au Parlement. Lorsque Xi Jinping invite Taïwan a réintégrer le giron continental, elle lui rétorque que la décision ne peut venir que des vingt-trois millions de Taïwanais…

TaIwan president

Dans le même temps bien sûr, la Chine communiste s’est aussi beaucoup développée, et a acquis une puissance économique et militaire qui en fait à nouveau un géant régional et potentiellement la puissance globale dominante du XXIe siècle. Pour reprendre l’expression de Napoléon 1er ,  la Chine s’est bel et bien « réveillée »… Et le monde n’en finit plus de trembler.

Dès lors Pékin n’hésite plus à afficher ses ambitions, qu’elles soient économiques ou stratégiques. Réunifier la Chine fait partie de ses priorités.

Hong Kong retrocession

Pékin y est déjà parvenu à Hong Kong. La colonie britannique a d’abord été rétrocédée à Pékin en 1997. Depuis Pékin a imposé par la force son régime et sa définition des libertés. En violation de ses propres engagements écrits. Dans le traité de rétrocession de 1997, la Chine reconnaissait le principe « d’un pays, deux systèmes », accordant à Hong Kong une autonomie politique, et s’engageant à ne rien changer aux institutions hong-kongaises pendant cinquante ans, soit jusqu’en 2047. Il n’a rien été. Dès 2020 Pékin a fait voter une « loi sur la sécurité nationale », imposant son système, et n’hésitant pas à éliminer physiquement toute personne osant s’opposer à ce joug. 

Hong Kong demonstrators beaten by China police

En ce qui concerne Taïwan, Xi Jinping a fait de la réunification un objectif de sa présidence. « Taiwan doit être réunifiée à la Chine, a -t-il dit en 2019, et le sera ». Sous-entendu par la négociation, ou par la force. Faute de pouvoir agir sur l’île, Pékin fait pression sur ses alliés, et sur les entreprises faisant des affaires avec Taïwan. Comme d’obliger les compagnies aériennes internationales à placer leurs vols pour Taïwan au sein de la destination « Chine ». Et puisque Pékin considère que Taïwan lui appartient, toute interférence extérieure dans les affaires de l’île est considérée comme une ingérence dans ses affaires intérieures. D’où son opposition farouche à la venue de Mme Pelosi.

Ce dernier point est néanmoins un objet de contentieux car Taïwan ne reconnait pas cette mainmise et rejette la notion « d’un pays deux systèmes ». Surtout à l’aune des événements récents à Hong Kong.

Taïwan prepares agains ta chinese invasoin

Dès lors pour les Etats-Unis la question devient celle de savoir quel rôle ils entendent jouer dans les décennies à venir. Se plier aujourd’hui au diktat chinois reviendrait à abdiquer tout leadership dans la région et même au-delà. Passer outre les mises en garde serait au contraire une affirmation que les Etats-Unis ne sont pas près d’abandonner le leadership du monde libre, et à se laisser dicter leur politique par un tiers, aussi puissant fut-il.

Dans le contexte des engagements américains vis-à-vis de l’Ukraine et de l’Otan, opter pour la première solution n’est tout simplement pas envisageable.

 

 

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Commentaires
N
Comme d’habitude, un très bon résumé de l’actualité politique. Merci encore. PS: j’ai aimé le précédent article au sujet de la récession. Bravo
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