La bataille pour le Congrès, l'autre duel du 5 novembre,
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Alors que les médias sont focalisés sur le duel entre Donald Trump et Kamala Harris pour la présidence des Etats-Unis, ce mardi 5 novembre les Américains ne voteront pas seulement pour élire un président. Ils voteront aussi pour renouveler l’ensemble de la Chambre des Représentants et un tiers du Sénat.
L’enjeu de ce mardi ne concerne pas que l’appareil exécutif. Il concerne aussi l’appareil législatif, rouage essentiel des institutions américaines.
De la composition de l’appareil législatif dépendra la capacité du prochain locataire de la Maison Blanche à mettre en place son programme. Historiquement, il est plutôt rare que ces trois institutions – présidence, Chambre des Représentants et Sénat – soient toutes les trois aux mains du même parti. Cela s’est produit brièvement à trois reprises pour les Démocrates récemment : de 2021 à 2023 sous Joe Biden, de 2009 à 2011 sous Barack Obama et de 1977 à 1981 sous Jimmy Carter. Pour les Républicains, George W. Bush eut pendant les six premières années de ses deux mandats (2001 à 2007) un congrès à sa couleur. Ce n'est donc pas un gage de succès mais cela facilite la tâche du président.
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Le Congrès se compose de la Chambre des Représentants, qui est l’assemblée du peuple et du Sénat, qui est l’assemblée des Etats.
La Chambre compte 435 députés, provenant des cinquante Etats et répartis en fonction de la population de chaque Etat. La Californie, qui compte 38 millions d’habitants, dispose de 52 députés. Le Wyoming qui rassemble un demi million d’habitants n’a qu’un seul élu à la Chambre. Les représentants sont élus pour deux ans. Depuis les élections intermédiaires de 2022 les Républicains détiennent une infime majorité de 220 sièges contre 212 aux Démocrates, avec trois sièges vacants.
Ce 5 novembre les Républicains espèrent conserver, voire étendre, cette majorité. Ce n’est pas acquis. .
Lé Sénat compte cent élus, deux par Etat, quel qu’en soit la population. La Californie compte deux sénateurs, tout comme le Wyoming et les quarante-huit autres Etats. Cette représentation qui peut apparaitre anti-démocratique, est en fait le reflet de la nature fédérale de la République américaine.
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Comme leur nom l’indique les Etats-Unis sont une « union d’Etats » et lors de la rédaction de la Constitution en 1787 les Pères Fondateurs ont eu pour souci (entre autres) de préserver un équilibre entre les pouvoirs du gouvernement fédéral et les pouvoirs de chaque Etat. Au point d’ailleurs de consacrer quatre des sept articles de cette Constitution à la relation entre Washington et les Etats. Les trois premiers articles de la Constitution, définissent les institutions républicaines : l’article 1 est consacré au Congrès, l’appareil législatif, l’article deux à la présidence, l’exécutif, et l’article 3 à la Cour Suprême, l’appareil judiciaire. Les quatre suivants s’attachent à définir les prérogatives des Etats et leur relation avec le pouvoir fédéral.
Instituer une chambre où les Etats auraient une représentation égale, indépendamment de leur démographie, était essentiel aux yeux des Pères Fondateurs, c’est le rôle du Sénat.
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Le mandat des sénateurs est de six ans, et le Sénat est renouvelé par tiers tous les deux ans. Depuis 2022 il compte 50 sénateurs Républicains et 50 sénateurs démocrates (en fait il y a quatre sénateurs "indépendants" mais qui votent avec les Démocrates). Une égalité parfaite qui a donné à Madame Kamala Harris, qui en sa qualité de vice-présidente est aussi présidente du Sénat, le pouvoir d’apporter le vote décisif pour faire passer un texte de loi à plus de vingt reprises.
A l’occasion du scrutin de ce mardi les Républicains espèrent obtenir une majorité, de deux sièges au moins et peut-être plus.
Autant l’issue de la représentation à la Chambre est incertaine, autant celle du Sénat est plus claire. 34 sièges sont en jeu, 23 détenus par un démocrate (ou un indépendant votant avec le bloc démocrate) et 11 par un Républicain.
Première observation donc, les Démocrates sont deux fois plus exposés que les Républicains. Ils ont beaucoup plus à perdre. D’autant que les onze sièges Républicains se trouvent dans des Etats dominés par le parti Républicain et sont considérés comme « sûrs ».
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Neuf sénateurs Républicains sortants se représentent : Rick Scott en Floride, Roger Wicker dans le Mississippi ; Josh Hawley dans le Missouri, Debora Fisher et Pete Ricketts dans le Nebraska, Kevin Cramer dans le Dakota du Nord, Marsha Blackburn dans le Tennessee, Ted Cruz au Texas et John Barasso dans le Wyoming.
Deux sénateurs se retirent, Mitt Romney dans l’Utah et Mike Braun dans l’Indiana. Ce sont deux Etats très solidement ancrés dans le camp républicain et ces deux sièges ne devraient pas changer de couleur.
De sorte que même si Déborah Fisher, dans le Nebraska, est encore à portée de son adversaire et si les Démocrates rêvent de créer la surprise au Texas, contre Cruz et en Floride contre Scott, il est vraisemblable que les Républicains ne perdront pas un seul siège de sénateurs ce mardi 5.
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Par contre ils peuvent en gagner plusieurs.
Ils sont même déjà assurés d’en gagner au moins un. En Virginie de l’Ouest le sénateur indépendant Joe Manchin se retire et il est acquis que les électeurs mettront un Républicain à sa place. La Virginie de l’Ouest est un Etat rural et minier très largement acquis à Donald Trump.
Dans le Montana, autre Etat « rouge », donc acquis à la cause Républicaine, le sénateur démocrate sortant John Tester est distancé dans les sondages par son challenger républicain Tom Sheehy.
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Dans l’Ohio, le sénateur démocrate sortant Sherrod Brown tente de sauver son siège face au Républicain Bernie Moreno soutenu par Donald Trump. L’Ohio fait partie des Etats qui vont voter Trump le 5 novembre. L’ancien président est donné avec huit points d’avance dans les sondages. C’est aussi l’Etat dont est issu le colistier de Trump, J.D. Vance. Moreno pourrait profiter de la popularité de ses deux ainés pour se faire élire. L’Ohio sera d’ailleurs dans l’objectif des observateurs justement pour jauger de la capacité de Donald Trump à faire élire des Républicains derrière lui.
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Cela sera d’autant plus important que quatre autres sièges de sénateurs détenus par un Démocrate sont en jeu dans quatre Etats décisifs : l’Arizona, la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin.
En Arizona, Kari Lake, battue d’extrême justesse il y a deux ans pour le poste de gouverneur, tente de succéder à la sénatrice Kyrsten Sinema qui a choisi de ne pas se représenter. Elle est devancée dans les sondages de plusieurs points par le candidat démocrate Ruben Gallego. L’Arizona étant un Etat frontalier du Mexique, le message anti-immigration clandestine de Trump résonne particulièrement. Toutefois l’Arizona abrite aussi une importante population hispanique qui vote majoritairement Démocrate, ainsi que de nouveaux résidents venus de Californie et des Etats du Nord-Est qui ont certes fui des Etats Démocrates devenus invivables mais continuent néanmoins de voter à gauche… L’affaire semble difficile pour Lake qui ne peut escompter être élue que si Donald Trump remporte cet Etat.
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En Pennsylvanie, une victoire du challenger républicain David Mc Cormick n’est pas impossible. Il affronte le démocrate sortant Bob Casey qui postule à un quatrième mandat. Les sondages les donnent dans un mouchoir. Toutefois Casey semble avoir fait son deuil d’une victoire de Kamala Harris en Pennsylvanie pour la présidentielle et il a récemment vanté ses liens avec … Donald Trump.
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Tout comme Deborah Stabenow dans le Michigan et Tammy Baldwin dans le Wisconsin. Ces deux sénatrices démocrates ont clairement indiqué à leurs électeurs qu’elles préféraient les politiques économiques mises en place par Trump quand il était président que celles imposées par l’administration Biden- Harris depuis quatre ans, et celles proposées par la candidate présidentielle démocrate pour les quatre ans à venir. Ce « lâchage » de Kamala par deux femmes politiques dans deux Etats décisifs a fait couler beaucoup d’encre et mis en doute les chances de Kamala de remporter ces Etats, pourtant essentiels à sa victoire finale.
Dans le Michigan, Stabenow ne se représente pas. Le Républicain Mike Rogers et la Démocrate Elissa Slotkin se disputent la succession.
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Un alignement parfait des étoiles donnerait donc aux Républicains 56 sièges au Sénat. Ce serait une victoire triomphale. Il est plus vraisemblable qu’ils sortent du scrutin avec 52 sièges, tant le pouvoir du sortant est important dans une élection américaine.
Mettre un chiffre sur la composition de la Chambre des Représentants est beaucoup plus difficile.
Comme tous les deux ans, tous les sièges des élus sont à renouveler, soit 435. Il en faut 218 pour avoir la majorité. 46 élus ne se représentent pas, dont 25 démocrates et 21 Républicains. Comme ce sont les sièges laissés vacants qui offrent les meilleures chances de basculer, ni l’un ni l’autre des deux partis n’a véritablement l’avantage ici.
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Le site Real Clear Politics, qui fait la moyenne de tous les sondages, évalue le rapport de force à 201 sièges « sûrs » pour les Républicains et 192 pour les Démocrates. Restent 42 sièges incertains. Une répartition égale de ces sièges donnerait donc un très léger avantage aux Républicains avec 222 sièges contre 213 aux démocrates. La composition de la Chambre resterait pratiquement inchangée.
Ce que les observateurs suivront surtout au soir du scrutin sera l’incidence du vote « en haut du bulletin » sur les candidats « en bas du bulletin ». En clair est-ce que le choix des électeurs en faveur de Donald Trump ou de Kamala Harris se reflètera dans le choix de leur représentant ? Si c’est le cas et si Donald Trump réalise le score que les sondages lui prédisent alors les Républicains peuvent ambitionner de gagner une demi-douzaine de sièges dans des Etats qui penchent fortement en leur faveur, comme l’Alaska (Républicain Don Young contre la démocrate sortante Mary Peltola), ou l’Ohio (le Républicain Dexk Merrin contre la Démocrate sortante Marcy Kaptur) , ainsi que dans des circonscriptions qui penchent en faveur du parti Républicain même si l’Etat, dans son ensemble, vote plutôt démocrate, comme dans l’Etat de Washington (Républicain Joe Kent contre la démocrate sortante. Marie Gluesenkamp Perez) et dans le Colorado (Républicain Gabe Evans contre la démocrate sortante Yadira Caraveo) .
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Et il y a bien sûr le cas des Etats décisifs. En Pennsylvanie, le Républicain Rob Bresnahan s’attaque au Démocrate sortant Matt Cartwright dans une circonscription que Trump avait remporté en 2020. Toujours en Pennsylvanie, le Républicain Ryan MacKenzie tente de détrôner la Démocrate Susan Wild dans une circonscription de la périphérie de Philadelphie où les candidats présidentiels sont à parfaite égalité.
Quoi qu’il en soit ce duel, comme celui de la présidentiel s’annonce très serré et très incertain. Mais son issue n’en est pas moins capitale. Un président Trump avec une majorité républicaine dans les deux chambres du Congrès aurait une marge de manœuvre plus importante pour faire voter son agenda. Dans le cas d’une victoire de Kamala Harris, un Sénat contrôlé par les Républicains l’empêcherait de transformer les institutions au point où elle envisage de le faire.