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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
30 décembre 2024

Etats-Unis: La plus grande faute de Jimmy Carter

Jimmy Carter est décédé à l’âge canonique de cent ans ! Il souffrait d’un cancer depuis 2014. Il fut le 39e président des États-Unis, occupant la Maison Blanche de janvier 1977 à janvier 1981. Malgré ce mandat unique, sa présidence fut déterminante. Carter a changé le monde. Il a promu la paix entre l’Égypte et Israël, mais il a laissé l’Iran tomber aux mains des mollahs. C’est sa plus grande faute. A elle seule, elle condamne sa présidence qui fut par ailleurs marquée aux États-Unis par le « malaise », une crise de conscience, prélude à un « déclinisme » jusqu’alors inconnu dans l’histoire américaine.  

James Earl Carter Jr est né en Géorgie en 1924, l‘ainé d’une famille de quatre enfants. Il a grandi, pendant la grande dépression, à « Plains », un petit bourg rural, à peine plus grand aujourd’hui qu’il l’était alors. La population était pauvre et surtout noire. Et le sud vivait encore sous le régime de la ségrégation. Mais les parents du petit Jimmy étaient de religion Baptiste et très pratiquants. Ils ne croyaient pas aux vertus de cette séparation forcée et Jimmy eut des noirs pour compagnons de jeu.

Après des études d’ingénieur il entra dans la marine américaine, et fut affecté au programme de développement d’un sous-marin nucléaire. En 1953, à la mort de son père, il dut rentrer en Géorgie reprendre la ferme familiale. Il devint producteur de cacahuètes. Marié,  père de trois garçons, il s’investit dans sa paroisse, enseignant le catéchisme le dimanche. Puis il décida d’entrer en politique et s’attaqua au sénat de Géorgie. En pleine lutte des noirs pour la déségrégation et  leurs droits civiques, Carter choisit leur parti. En souvenir de son enfance. Contre celui de la classe dirigeante blanche. Il fut montré du doigt, mais le temps finit par lui donner raison. En 1970 il parvint à se faire élire gouverneur de Géorgie. Cinq ans plus tard, en plein débâcle républicaine, suite au scandale du Watergate, il jugea le temps venu de viser la Maison Blanche.

Jimmy Carter était un homme simple. Son train de vie et ses ambitions avaient toujours été modestes. Quand il informa sa mère qu’il voulait devenir président, elle lui répondit « président de quoi ? ». C’était en 1975.

Des dix  démocrates à briguer l’investiture de ce parti, il était le moins connu. Mais dans le climat de défiance à l’égard de l’élite politique  américaine, cette faiblesse devint son meilleur atout. Les Américains voulaient quelqu’un qui ne soit pas issu du microcosme de Washington. Quelqu’un en qui ils puissent avoir confiance. Un fermier élevé dans la foi baptiste était parfait.  Carter emporta le droit de défier le président sortant,  Gérald Ford.

La chose s’annonçait facile. Les républicains étaient discrédités et en désarroi. Deux ans plus tôt, le président Richard Nixon avait été contraint à la démission à cause de son implication dans le scandale du Watergate. Son vice-président Spiro Agnew avait été lui aussi contraint de démissionner quelques mois avant pour un autre scandale, de sorte que Nixon avait dû lui désigner un remplaçant en la personne de Gerald Ford.

Ford était représentant du Michigan au Congrès. Il était dénué de charisme. Les mauvaises langues disent même que Nixon le choisit précisément pour ses limites, se disant  que le Congrès ne prendrait pas le risque de le destituer afin de ne pas laisser entrer dans le bureau ovale un homme aussi peu qualifié. Sa légitimité était contestable. Il reste le seul président des États-Unis a n’avoir jamais été élu, ni à ce poste, ni à celui de vice-président. Il emporta néanmoins la nomination en 1976.

Carter, entré en campagne avec une large avance, fut élu d’extrême justesse, avec 50,1%  des suffrages et une poignée de voix d’avances au Collège électoral. Il avait multiplié les gaffes, et le courant ne passait guère avec la presse. Carter était un très mauvais communicateur. Il parlait sur un ton monocorde avec un accent à couper au couteau…

Au premier jour de son mandat, il signa un décret amnistiant tous les insoumis du Vietnam. Un geste très mal apprécié des Américains. La guerre du Vietnam, achevée en 1975 avec la chute de Saïgon, avait été un profond marqueur social. Les étudiants et fils de bonne famille pouvaient éviter le service militaire. Et même se faire remplacer. Au contraire des pauvres et des moins instruits. Pardonner aux privilégiés qui avaient eu le pouvoir s’absoudre de leur devoir patriotique quand d’autres les avaient été sacrifiés par milliers ne fit rien pour réconcilier l’Amérique avec elle-même.

La suite est celle que l’on sait. Entré à pied dans la Maison Blanche – le jour de son investiture, il sortit de sa limousine pour remonter Pennsylvania Avenue en marchant– il la quitta quatre ans plus tard, par la petite porte, dédaigné de tous. Y compris au sein de son propre parti qui lui fit l’affront d’organiser une primaire contre lui pour la nomination démocrate de 1980. C’est Ted Kennedy qui mena la charge. Une charge vaine. Ce Kennedy- là n’avait pas la stature de ses frères ainés.

Le mandat présidentiel de Jimmy Carter fut une succession d’échecs, sauvé de l’abîme par un accord de paix historique.

Celui-ci intervint en 1978. Jimmy Carter obtint que l’Égypte fasse la paix avec Israël. L’accord fut signé aux États-Unis, à Camp David, après des négociations marathons entre le président égyptien Anouar el Sadate et le premier ministre israélien Menachem Begin. C’était la première fois qu’un État arabe reconnaissait le droit d’Israël à exister. Ce succès allait valoir à Carter une réputation d’homme de paix qui perdurerait longtemps après sa présidence. Mais il ne suffit pas à compenser ses nombreux échecs.

Échec économique, illustré par la « stagflation », cette combinaison de chômage et d’inflation qui a marqué la fin des années soixante-dix outre-Atlantique. 

Échec social, les années Carter furent marquées par une hausse de la pauvreté, de l’insécurité, de la criminalité.

Échec moral, exprimé par le fameux sentiment de « malaise » (le terme est de Clark Clifford, alors conseiller politique du président Carter) qui s’empara de la société américaine durant son mandat. Ce « malaise » représentait une perte de compas moral. Tandis que son économie balbutiait, l’Amérique se perdait en excès licencieux, marqués par l’explosion de la consommation de drogue et de l’industrie pornographique.

Échec énergétique avec un arrêt du nucléaire, et un marché pétrolier instable résultant en des pénuries de carburant au pays de l’automobile reine.

Échec de communication, illustré par un désastreux discours télévisé prononcé le 15 juillet 1979. Il devait y parler de la crise de l’énergie. Mais il se concentra sur une « crise de confiance » qu’il avait cru déceler chez ses compatriotes. Les Américains, qui attendaient un sursaut de leur chef, eurent droit à une longue introspection existentielle qui tenait plus du sermon dominical que de la mobilisation nationale.

Échec international, surtout, avec l’abandon de l’Iran tombé aux mains des islamistes. A posteriori cet abandon apparait comme sa plus grande faute, celle aux conséquences les plus durables et les plus tragiques.

L’Iran était depuis la fin de la seconde guerre mondiale le grand allié des États-Unis au Proche Orient. Le régime du shah Reza Palhavi était laïc et entièrement tourné vers l’occident. Les filles pouvaient aller à l’école. Les femmes ne portaient pas le voile. Les plus jeunes avaient même adopté la mode de la minijupe. L’avenue centrale de Téhéran s’appelait avenue du président Kennedy. Les meilleures écoles du pays étaient catholiques, pas coraniques. En 1972 l’Iran avait célébré les 2 500 de l’empire perse, affirmant un héritage bien plus ancien et plus important que l’islam. Les islamistes, étaient d’ailleurs interdits de politique et leur leader l’imam Khomeini vivait en exil, en France.

Mais le shah Reza Palhavi régnait d’une main ferme, aidée par une police secrète, la Savac, qui surveillait de très près une mouvance communiste active au sein de la bourgeoisie et chez les étudiants. C’est de là que la Révolution est partie.

Et tous les idiots utiles de la gauche internationale, particulièrement nombreux dans les médias, hier comme aujourd’hui, ont emboité le pas et soutenu les révolutionnaires. Le problème est que Carter a fait de même. Il a abandonné le shah au nom des droits de l’homme. Sans voir venir les islamistes, qui attendaient dans l’ombre que les gauchistes fassent le travail pour mieux les éliminer ensuite. Et sans se soucier des conséquences géopolitiques d’un tel abandon. Des millions d’iraniens fuiront le pays, pour la France, le Royaume Uni et les Etats-Unis, notamment la ville de Los Angeles, dont un quartier sera bientôt surnommé « Téhér-Angeles ». Le Proche-Orient sera déstabilisé et plus d’un demi-siècle plus tard, subit toujours les conséquences de cet abandon américain…

Tombée le 16 janvier 1979, la monarchie iranienne fut remplacée par un conseil révolutionnaire. Dix mois plus tard, en novembre, le personnel de l’ambassade américaine était pris en otage, début d’une crise qui allait durer 444 jours et avoir un impact déterminant sur la campagne électorale américaine de 1980. Carter sera incapable d’obtenir la libération des otages. Pire,  il tentera une opération de sauvetage, appelée « Operation Eagle Claw » qui tournera au désastre. Deux hélicoptères américains, envoyés récupérer les otages, s’écraseront un plein désert, faisant huit tués. La pire humiliation militaire de l’histoire américaine.

Dix mois après la révolution iranienne l’Union soviétique envahit l’Afghanistan. Pour éviter une contagion révolutionnaire islamique qui aurait pu gagner ses républiques d’Asie centrale. Un an après cette révolution,  l’Iran entra en guerre contre son voisin l’Iraq, une guerre qui dura huit ans, fit un million de morts, et bouleversa les marchés pétroliers, précipitant des crises multiples en occident et à termes les deux guerres américaines en Irak et le 11 septembre…

Tout cela à cause de la naïveté d’un président Jimmy Carter, bercé de sornettes idéologiques au point de ne plus discerner l’intérêt national américain ni le rôle des États-Unis dans le monde.

En politique intérieure, Carter est à l’origine de la création de deux nouveaux ministères fédéraux, le département de l’Énergie et le département de l’Éducation, qui n’ont pas prouvé depuis qu’ils sont essentiels. Les démocrates voient dans le premier un moyen de contrôle sur un secteur stratégique et dans le second une récompense au syndicat des enseignants qui le soutient à chaque élection depuis. Les Républicains y voient une bureaucratie encombrante et coûteuse, dont le président Trump pourrait se débarrasser…

L’échec final fut inévitablement électoral. Jimmy Carter fut lourdement battu par Ronald Reagan en novembre 1980. Il obtint 41% des suffrages, contre 51% à Reagan (un troisième candidat, John Anderson, obtint 8% des voix), et il ne totalisa que 49 voix au Collège électoral, contre 489. Reagan n’eut même pas à évoquer la situation internationale pour convaincre les électeurs de le soutenir. Il demanda aux Américains si leur vie était meilleure que quatre ans plus tôt. La réponse fut sans appel pour Carter.

Quelques âmes charitables notèrent que Carter avait joué de malchance, ayant dû affronter  une succession de crises, dont certaines étaient hors de son contrôle: un choc pétrolier parti du Moyen Orient qui avait relancé l’inflation et paralysé l’économie américaine à un an de sa réélection;  la faillite du géant automobile Chrysler, qui avait jeté le doute sur l’avenir industriel américain; un accident dans la centrale nucléaire de Three Miles Island qui avait plongé le pays dans l’angoisse concernant la sureté de ses installations et sa sécurité énergétique ; l’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique qui avait ravivé les tensions  de la guerre froide…

Ces mêmes âmes soulignèrent aussi que son mandat comportait des accomplissements notables. Outre les accords historiques de Camp David, il avait signé un traité de réduction des armes nucléaires avec l’Union soviétique – le traité SALT II pour « Strategic Arms Limitations Talks ».

Il avait aussi restitué le Canal de Panama aux Panaméens. Ce que le président Trump lui reproche aujourd’hui. Les États-Unis, bâtisseurs du canal entre 1904 et 1914, détenaient un bail devant expirer au tournant du 21e siècle que Carter refusa de prolonger, laissant le contrôle et la gestion du canal au gouvernement panaméen et abandonnant la base militaire que les États-Unis détenaient sur place.  A l’époque son geste avait été jugé magnanime. Avec le temps, et l’influence gagnée sur place par la Chine, il peut paraître naïf, comme le reste de sa politique étrangère… 30% du commerce maritime mondial transite par ce canal et ce sont principalement des marchandises destinées aux États-Unis, ou en provenant, qui le traversent.

Quelques furent ses échecs, Carter s’estimait fier d’avoir « défendu les droits de l’hommepréservé la paix, sans tirer un coup de feu, sans lâcher la moindre bombe, ni faire la guerre, ni tuer qui que ce soit. »  « Nous n’avons jamais menti, nous avons respecté la loi, et nous avons maintenu la paix, » dira le vice-président Walter Mondale pour résumer ce mandat.

Néanmoins, c’est un homme humilié, qui s’en retourna dans le petit bourg de Plains en Géorgie, au mois de janvier 1981.  Son seul soutien, son dernier rempart,  était Rosalynn, son épouse depuis 1946. Elle est décédée en 2023 à 96 ans. Leur mariage a duré 77 ans et surmonté toutes les épreuves! Un gage d’amour remarquable.

Car, après sa défaite électorale humiliante, Jimmy Carter allait être pendant quinze ans ce qui s’appelle en politique américaine un « produit toxique ». On l’évitait comme la peste.  Il était la personnification de l’échec. En 1992 durant sa campagne présidentielle Bill Clinton insista auprès des journalistes pour leur dire : « Carter et moi sommes aussi différents l’un de l’autre que le jour l’est de la nuit.»

Avec le temps, ce verdict s’est quelque peu attendri. Les années Carter sont considérées comme  une période de doute, voire de déclin, pour les Etats-Unis. Mais Jimmy Carter a réussi à gagner dans sa retraite le respect qu’il n’a pas eu comme président. Surtout il a accompli sur la scène internationale beaucoup plus que lorsqu’il était aux affaires. Il a monté une fondation « Habitat pour l’Humanité » qui construit des maisons pour les plus démunis. Il a soutenu la recherche médicale, notamment sur les maladies rares. Il a monté une fondation, le Centre Carter, dotée de  six cents millions de dollars, et active dans plus de soixante-dix pays, principalement en Amérique latine, en Afrique et en Asie.

Ces accomplissements furent récompensés par un prix Nobel de la paix en 2002. De sorte qu’il a démontré qu’il y avait, pour les présidents américains, une vie possible après la Maison Blanche – autre que celle des tournées de conférences à deux cent mille dollars la soirée…

 

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O
Tres complete synthese de la vie de Jimmy Carter, de ses ambitions, et surtout de ses echecs. Il est cependant relegue dans le rand des pires President des USA par Joe Biden.
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