Etats-Unis: Comprendre la politique tarifaire de Donald Trump
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Donald Trump a bouleversé le commerce international le 2 avril avec l’annonce de la mise en place par les Etats-Unis de « tarifs réciproques ».
De quoi s’agit-il ?
De taxes douanières qui vont être appliquées à tous les produits importés aux Etats-Unis, et dont le montant sera calculé à partir des barrières douanières -monétaires et non-monétaires- imposées aux produits américains importés par les pays en question.
En clair, si un pays impose un surcoût de 50% aux produits américains, quand ceux-ci sont vendus sur son territoire, ses propres produits feront l’objet d’un tarif de 50% à leur entrée aux Etats-Unis. En vérité, tous les produits importés aux Etats-Unis, quel que soit le pays d’origine, se verront imposés une taxe de 10%. C’est le tarif minimum, la « baseline », selon les termes de Donald Trump. Au-delà de cette base, la taxe pourra être de zéro (le cas pour les importations en provenance d’Israël) ou de 30% et plus (le cas pour le Vietnam, le Laos ou la Birmanie). La Chine a écopé d’un tarif de 34%, l’Union européenne de 20%.
Cette annonce a été unanimement critiquée par les partenaires commerciaux des Etats-Unis, ainsi que par une très large majorité des acteurs politiques et des médias. Elle est jugée contraire à l’esprit du commerce international, néfaste aux échanges, pénalisante pour la croissance, et potentiellement inflationniste. En plus d’être simpliste et inique. Les marchés boursiers ont tous réagi à la baisse.
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Donald Trump, au contraire, a vanté cette décision comme ouvrant la porte à un « nouvel âge d’or pour l’Amérique ». Il veut « rendre l’Amérique à nouveau riche » (« Make America Wealthy Again) et ces tarifs sont un pas dans cette direction. Il a qualifié le 2 avril de « Jour de libération » et assuré que cette date était « historique », marquant l’avènement d’une nouvelle ère de prospérité…
L’avenir n’est pas écrit. Lui seul dira qui, de Trump ou de ses détracteurs, aura eu raison. L’histoire récente incite, cependant, à ne pas parier contre Trump… Il a fait de « The Art of the Deal » l’art de déjouer les pronostics…
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Quoi que l’avenir réserve, ce qui est acquis aujourd’hui est l’effet perturbateur de la décision américaine. Donald Trump a, une nouvelle fois, chamboulé l’ordre établi et déstabilisé ses partenaires et rivaux par une décision qui défié la pensée dominante. L’important est de comprendre pourquoi !
Or, rien n’est plus simple.
La politique tarifaire de Donald Trump s’inscrit dans l’objectif fondamental de sa présidence, à savoir, rendre sa grandeur à l’Amérique. Les taxes douanières ne sont pas une fin en elles-mêmes. Elles sont un outil de négociation, un encouragement à l’investissement ou encore une source de revenus au service d’une cause plus importante et plus large : redresser l’économie américaine et la reconstruire sur des bases solides.
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Les taxes douanières sont l’un des quatre piliers sur lesquels Trump s’appuie pour atteindre cet objectif. Les trois autres étant : les économies budgétaires, la dérèglementation, et la relance de la production d’énergie, notamment fossile.
Car, si les Etats-Unis restent toujours la première économie mondiale, avec un PIB de 30, 5 milliers de milliards de dollars, leur puissance est fragile. Elle est notamment menacée par un déficit budgétaire chronique et une dette publique galopante. Réduire ce déficit et cet endettement sont l’un des objectifs assignés aux droits de douanes par Donald Trump…. Si Donald Trump parvient d’ici 2028 à équilibrer le budget des Etats-Unis, il aura atteint son objectif et même plus. Il aura aussi, une nouvelle fois, confondu ses détracteurs. Il n’y est pas encore. Mais voici, en quelques lignes, pourquoi et comment il espère y parvenir.
La dette publique des Etats-Unis dépasse désormais trente-six mille sept cents milliards de dollars. Cela s’écrit 36 700 000 000 000. Soit une dette de cent-sept mille dollars pour chaque citoyen Américain. Et plus de trois cent vingt-mille dollars pour chaque contribuable américain !
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Cette dette ne cesse de croitre et sa croissance s’accélère. En 2015 elle n’était que de dix-huit mille milliards de dollars. Elle a doublé en dix ans. Il avait fallu trente-six ans pour qu’elle atteigne mille milliards, de 1945 à 1981. Puis seulement cinq ans pour qu’elle dépasse les deux mille milliards, seuil franchi en 1986. Le cap des dix mille milliards fut atteint en 2008. Puis vingt mille milliards en 2017. Et Trente mille milliards en 2022. Aujourd’hui elle progresse de plus de deux mille milliards tous les ans. Soit un million de dollars toutes les vingt secondes.
Les seuls intérêts de la dette avoisinent mille milliards de dollars par an. C’est devenu le premier poste budgétaire. Avant la Défense. Le milliardaire Elon Musk, fondateur de Tesla et proche collaborateur du président Trump, s’en est alarmé à maintes occasions. Pour lui « cette situation n’est pas tenable ». « Si rien n’est fait notre pays va à la banqueroute.» répète-t-il. Et même si les Etats-Unis parviennent à éviter cet écueil, leur dette représente un boulet de poids pour tous les ménages américains et pour l’économie en général. Les sommes dépensées pour payer les intérêts sont autant d’argent qui n’est pas investi dans les infrastructures, la recherche et les programmes sociaux, ou restitué aux Américains sous forme de baisses d’impôts…
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Donald Trump et son administration ont donc décidé de s’attaquer à cette dette. Ils mènent leur charge sur trois fronts.
Le premier est celui des économies budgétaires. Les dépenses fédérales pour l’année 2025 totalisent sept mille milliards de dollars. Sur ce total, quatre mille milliards sont des dépenses obligatoires (mandatory) et incompressibles. Il s’agit du paiement des retraites et de l’aide sociale, programmes auxquels Trump s’est engagé à ne pas toucher. (Ces programmes sont tabous: évoquer leur réduction reviendrait aujourd’hui à un suicide politique aux Etats-Unis). Mille milliards sont constitués par les intérêts sur la dette. Restent un peu moins de deux mille milliards de dollars composés de dépense dites discrétionnaires, c’est-à-dire facultatives. Ce sont elles qui sont visées par Elon Musk et DOGE, le nouveau département de l’efficacité gouvernementale. Il s’agit d’en revoir la justification et l’application, afin d’éliminer tout « gaspillage, fraude ou abus ». En deux mois à peine DOGE a identifié des centaines de milliards de dollars de dépense abusives et ambitionne de parvenir rapidement à mille milliards. Soit plus de la moitié du déficit budgétaire.
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Le second front est celui de la croissance économique. C’est la croissance qui permettra d’augmenter les revenus fiscaux, donc d’équilibrer le budget, voire de rembourser la dette. Plutôt que d’augmenter les impôts, ce qui a souvent un effet inverse de celui recherché (ce que nombre de politiciens et économistes en France semblent être incapables de comprendre) Donald Trump sait que pour augmenter les recettes fiscales il faut développer l’économie. Plus le Produit Intérieur Brut est élevé plus les revenus de l’Etat sont élevés. Les impôts ne sont rien d’autre qu’un prélèvement sur la richesse nationale, si celle-ci augmente, les revenus fiscaux suivent. A l’inverse augmenter les impôts peut nuire à la création de richesse et déboucher sur une baisse des revenus fiscaux…
Pour soutenir la croissance, Trump a ordonné à tous les membres de son administration de couper dans les règlementations qui entravent la création d’entreprises, et l’activité économique. Il a aussi libéré le secteur de l’énergie, notamment en matière d’énergies fossiles, pour soutenir l’activité tout en réduisant les coûts. Une énergie abondante est une énergie bon marché.
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Le troisième front est celui de la politique tarifaire annoncée le 2 avril. Pour rappel, une taxe douanière c’est d’abord un revenu pour l’Etat. Certains l’oublient ou oublient de le rappeler. Les « tarifs Trump » ont été considérablement critiqués ces derniers jours, jusqu’à en oublier leurs vertus. Quand un produit importé est taxé à 10% à son entrée sur le territoire américain, cette taxe est versée directement dans les caisses du Trésor américain !
En 2024, la valeur totale des biens importés aux Etats-Unis était de 3,3 milliers de milliards de dollars. Le tarif douanier minimum de 10% que Donald Trump a imposé à tous les produits importés, quel que soit leur pays d’origine, représente un revenu potentiel de trois cent-trente milliards de dollars par an pour le trésor américain. De quoi combler 20% du déficit budgétaire de 2024.
Donald Trump qualifie ses tarifs de « service des revenus extérieurs » (« external revenue service ») parce que c’est bien de cela qu’il s’agit. Les taxes douanières ne sont rien d’autres que des impôts payés au trésor américain par des producteurs étrangers afin de pouvoir vendre leurs produits aux Etats-Unis. Les Etats-Unis étant le premier marché mondial avec trois cent cinquante millions de consommateurs au revenu élevé, le pari de Trump est que les producteurs étrangers accepteront de payer cette taxe plutôt que de se priver d’un tel marché.
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Le président Trump a rappelé dans son discours du 2 avril une vérité historique trop aisément ignorée par ses détracteurs, à savoir que jusqu’en 1913, il n’y avait pas d’impôt sur le revenu aux Etats-Unis. Il n’existait tout simplement pas. C’étaient les tarifs douaniers, ainsi que certaines taxes, notamment sur l’alcool, qui représentaient l’essentiel des revenus de l’Etat fédéral. Ce sont les Démocrates et le président Woodrow Wilson qui ont abaissé ces tarifs douaniers, et crée dans la foulée un impôt sur le revenu pour compenser cette perte…
De retour au pouvoir à partir de 1920 avec le président Warren G. Harding les Républicains ont immédiatement rétabli ces tarifs douaniers. La loi Fordney-McCumber, votée en 1922, a imposé des droits de douanes universels de 25%. Soit plus du double de la « baseline » imposée par Trump. Sans empêcher l’économie américaine de connaître une croissance phénoménale durant cette décennie… .
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Comme quoi, au contraire de ce que l’on peut lire aujourd’hui, l’impact d’un tarif douanier n’est en aucun cas automatiquement négatif. En vérité tout dépend de comment producteurs et pays exportateurs réagissent à ces tarifs…
La taxe est payée par le producteur, le manufacturier ou l’importateur (qui sont parfois les mêmes sociétés). Ils peuvent répercuter ce coût supplémentaire sur le prix de vente de leur marchandise. S’ils le font les tarifs peuvent alors avoir un effet inflationniste car ils renchérissent le prix des produits. En plus ils constituent in-finé une taxe sur les consommateurs qui payent le prix du tarif inclus dans le prix de vente d’un produit…
Mais un produit plus cher se vend moins bien ! Bien souvent producteurs et importateurs ne répercutent pas le prix du tarif douanier sur le prix de vente de leur marchandise pour préserver leurs parts de marchés. Ils préfèrent diminuer leurs marges ou trouver des économies compensatoires ailleurs dans la chaine de production. Surtout s’ils pensent que le tarif est temporaire.
Au contraire s’ils pensent que le tarif est là pour rester et qu’il est élevé, ils peuvent alors décider non plus de construire chez eux pour exporter aux Etats-Unis mais de faire construire directement sur place, de manière à contourner le tarif. C’est le second objectif des tarifs douaniers mis en place par Donald Trump. Forcer les compagnies étrangères qui veulent vendre aux Etats-Unis à produire aux Etats-Unis et donc à soutenir l’emploi, l’économie et les revenus des Etats-Unis. Une société qui produit aux Etats-Unis payent des impôts aux Etats-Unis.
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Restent les pressions inflationnistes qui peuvent résulter d’un tarif douanier répercuté sur le prix de vente final, ainsi que de coûts de production plus élevés. C’est, entre autres choses, pour contenir cette pression inflationniste et favoriser la croissance, que l’administration Trump s’applique à travailler sur un quatrième pilier, l’énergie !
La réouverture du secteur des énergies fossiles à la production est une composante essentielle de la politique de Donald Trump. Les Etats-Unis sont les premiers détenteurs de réserves d’hydrocarbures au monde. C’est une richesse que Trump entend exploiter. Augmenter la production globale débouchera inévitablement sur une baisse du prix des hydrocarbures et donc sur une baisse des coûts de production, donc une pression anti-inflationniste. Cette relance de la production signifie que des milliers d’emplois vont être créés, tout de suite, et des milliers d’autres dans les années à venir du fait de la relance des investissements dans le secteur. Ces emplois seront sources de richesse et de revenus fiscaux. Exporter la production nationale, qu’il s’agisse de gaz naturel, ou de pétrole, sera également une source de revenus et de devises et donc d’enrichissement national. Dans le même temps l’indépendance énergétique des Etats-Unis renforcera son hégémonie stratégique, en même temps qu’elle consolidera ses alliances via les partenariats mis en place.
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Bref, on ne peut pas dissocier la politique tarifaire de Donald Trump du reste de l’action de son administration. Au contraire de ce que beaucoup d’observateurs prétendent, celle-ci n’est ni imprévisible, ni incohérente, ni chaotique. Elle est brutale et perturbatrice mais constitue une tentative pensée et planifiée de redressement de l’économie américaine.
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A ce titre, s’il faut dresser un parallèle historique entre l’action de l’administration Trump et celles d’administrations passées, il ne faut pas remonter à Ronald Reagan (président de 1981 à 1989), ni à William Mc Kinley (président de 1897 à 1901) mais bien plutôt à Warren Harding (président de 1921 à 1923) et à son successeur Calvin Coolidge (président de 1923 à 1929). Dans les années 1920, l’innovation technologique, les dérèglementations, les tarifs douaniers élevés et la fin de l’immigration, avaient engendré une croissance exceptionnelle. Jusqu’au fameux crash d’octobre 1929.
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Ces conditions sont à nouveau réunies : l’innovation à travers l’intelligence artificielle, la dérèglementation après des décennies d’entraves artificielles liées à une duperie de masse, l’urgence climatique, la fin de l’immigration sauvage par le contrôle des frontières, et enfin une politique de tarifs élevés. Les Etats-Unis pourraient vraiment être au seuil d’un nouvel âge d’or. Restera à éviter le crash, dans dix ans !