Scandale Harvey Weinstein: l’hypocrisie des élites épinglée
Qu’y a-t-il de plus scandaleux : les abus sexuels dont Harvey Weinstein est accusé, ou le silence du tout Hollywood et de ses amis démocrates sur le sujet. ? … L’affaire Weinstein embarrasse la gauche américaine parce qu’elle illustre l’hypocrisie du système et des élites. Pour le plus grand plaisir de la droite populiste.
Depuis qu’elle a éclaté, l’affaire Weinstein embarrasse considérablement Hollywood. Acteurs et producteurs ont assisté, médusés, à la chute fracassante d’un des leurs. Et non des moindres, Harvey Weinstein! Peut-être le plus puissant nabab de la place. Ainsi qu’à l’étalement dans les médias de comportements abjects et répréhensibles, voire criminels. Comportements dont beaucoup, dans son entourage et au-delà, avaient apparemment connaissance. D’où des accusations d’une complicité passive peu reluisante pour les « stars » du grand écran…
Mais le scandale va bien au-delà des couloirs d’Hollywood. Les médias ont aussi été éclaboussés, notamment la chaîne NBC, propriété des studios Universal et partenaire occasionnel de Weinstein. L’enquête publiée par le NewYorker avait, en effet, été proposée à NBC voici plus d’un an. La chaîne avait alors décidé de ne pas la publier ni de lui donner suite. Le travail du journaliste n’était pas assez avancé, se défend–elle à présent pour justifier sa décision. Mais beaucoup voient là, au contraire, une volonté délibérée de préserver l’omerta et protéger Weinstein, producteur de plusieurs émissions à succès pour NBC.
Enfin, le parti démocrate et de nombreux élus sont devenus victimes collatérales du scandale. Car Weinstein était un grand pourvoyeur de fonds pour le parti. Gouverneurs, Représentants ou Sénateurs, les politiques, hommes et femmes, sont nombreux à avoir bénéficié des largesses d’Harvey Weisntein. A commencer par Barack Obama et Hillary Clinton.
Weinstein est un ami des Clinton depuis les années 1990. A l’époque il soutenait Bill et il avait même payé ses avocats quand celui-ci s’était retrouvé empêtré dans plusieurs affaires de … harcèlement sexuel. En 2008 il avait soutenu Hillary contre Barack, En 2016 Weinstein avait organisé un grand diner de lever de fonds pour Hillary. Il lui avait aussi offert une grande soirée d’anniversaire. A Hollywood on sait faire ce genre de chose. Or, Hillary a fait de la cause féministe et de la défense des femmes la colonne vertébrale de sa carrière politique. Quel crédit accorder à ses idées sachant qu’elle a toutes ces années couvert un personnage connu comme un « prédateur sexuel»… ?
Certes Weinstein n’a pas soutenu qu’elle. Il prenait part à toutes les campagnes présidentielles, toujours du côté démocrate. Après Kerry en 2004, il s’était rallié à Barack Obama et a soutenu sa réélection en 2012. Toujours prêt à rendre service, Weinstein avait même engagé la fille du président, Malia, comme stagiaire au sein de sa compagnie TWC. Est-il possible que le couple présidentiel n’ait jamais été alerté des rumeurs concernant les agissements de Weinstein ? Ou bien ont-ils fermé les yeux, comme les autres, parce que Weinstein payait… ?
Les liens entre Weinstein et les démocrates ne s’arrêtent pas là. Weinstein soutenait généreusement toutes les causes progressistes, de la lutte contre le réchauffement climatique, au contrôle des armes à feu en passant par la lutte contre le Sida, contre la pauvreté, pour le droit à l’avortement et les activités du Planning Familial (pourvoyeur d’avortements), ou la promotion d’une assurance santé universelle. Dans les heures ayant suivi les premières révélations à son égard, Harvey Weinstein, n’ayant pas pris toute la mesure de l’évènement, avait simplement promis de contribuer encore plus à combattre la … NRA, le lobby des armes. Comme si ses donations étaient le simple prix du silence et de l’impunité.
Car de l’avis général « tout le monde savait ». Les faits révélés d’abord par le New York Times, puis confirmés et relayés par l’hebdomadaire The New Yorker, remontent pour certains à plus de vingt ans. Et se prolongent jusqu’au présent. Suffisamment longtemps pour que la rumeur se répande.
Pour rappel, selon le NYT, entre 1990 et 2015, Harvey Weinstein - 65 ans aujourd’hui, fondateur des studios Miramar, producteur de films à grands succès tels Pulp Fiction, Gangs of New York, Shakespeare in Love, ou The Artist, et donc l’un des hommes les plus puissants d’Hollywood - a conclu des arrangements financiers avec, au moins, huit femmes pour éviter des poursuites judiciaires. Il appelait cela « acheter la paix ». Sans reconnaître aucun fait ni admettre une quelconque culpabilité il a payé ces différentes personnes – environ cent mille dollars en moyenne – pour qu’elles retirent une plainte déposée contre lui pour harcèlement sexuel et gardent ensuite à jamais le silence… Weinstein aimait que les aspirantes actrices et autres subalternes, lui donnent des massages, prennent des douches avec lui et lui prodiguent diverses cajoleries plus explicites. Il promettait à ces jeunes femmes, de booster leur carrière en échange de ces faveurs intimes…
L’article du NYT a été suivi par la publication par le magazine The NewYorker d’une enquête plus détaillée, assortie de l’enregistrement d’une de ces rencontres… On y entend Weinstein insister longtemps et lourdement pour faire venir à lui une jeune femme qui rejette ses avances. Il s’agit d’une actrice italienne, Ambra Battilana Gutierrez, que Weinstein avait agressée la veille, et qui se présentait à lui équipée d‘un mouchard par la police de New York … L’affaire n’avait pas eu de suite car après une interminable et pathétique négociation Weinstein avait finalement abandonné, laissé partir la jeune femme, et ses avocats avaient ensuite conclu un de ces fameux accords pour acheter son silence...
Parmi les cibles du producteur priapique se trouvent des stars confirmées comme Gwineth Paltrow, Angelina Jolie, et Ashley Judd, et d’autres beaucoup moins ccélèbres, dont la française Emma de Caunes. Avec le temps, son comportement avait fini par faire jaser. Mais plutôt que de susciter le scandale et l’indignation, il prêtait à sourire… Lors de la cérémonie des Oscars de 2013 le présentateur avait introduit les cinq jeunes actrices pressenties pour l’Oscar du meilleur second rôle féminin avec la phrase : « Vous n’aurez plus besoin de faire semblant d’être attirée par Harvey Weinstein ». Ce qui avait fait rire ce soir-là dans la salle, et peut-être au-delà, car les Oscars sont retransmis en direct à la télévision et réunissent des dizaines de millions de téléspectateurs.
De sorte que les abus sexuels de Weinstein tenaient du secret de Polichinelle. Chacun savait, mais personne ne disait mot. Comme pour DSK en France au sein du monde politico-médiatique.
L’article du NYT et l’enquête du NewYorker ont brisé le silence et depuis c’est un déferlement ininterrompu. Il n’y a plus une femme à Hollywood qui n’ait été victime de Weinstein et il n’y a plus une personnalité politique pour le défendre. Mais pour beaucoup d’Américains cet empressement soudain est tout aussi coupable. Car ceux-là mêmes qui se sont tus pendant des années concernant Weinstein, étaient tombés à bras raccourcis sur Donald Trump durant la campagne présidentielle quand une vidéo où il se vantait d’avoir « mis la main au panier » du temps de sa gloire télévisuelle, avait fait surface … Ses vantardises vulgaires de vieux gamin avaient failli lui coûter son élection à la Maison Blanche. Elles lui avaient surtout valu d’être épinglé par les médias et la gauche bien-pensante, comme un « macho », un « sexiste », un « salaud » de mâle blanc et un « sale réactionnaire » …
Voici les donneurs de leçons face au miroir de leur propre hypocrisie. Et du coup, c’est tout « l’establishment » qui est mis en cause, tout le « système » lui-même. Car personne ne doute qu’il y ait d’autres « Weinstein » dans d’autres milieux, et que la loi du silence y opère tout autant…
Aux Etats-Unis, dans le climat culturel actuel, tout est politique et politisé ! Le sport - on le voit avec l’affaire de l’hymne national ; le droit de port d’armes -on l’a vu avec la tuerie de las Vegas ; et bien sûr des faits divers salaces telle l’affaire Weinstein. Et à chaque fois, c’est le camp du peuple contre celui des élites. C’est le camp de l’Amérique profonde, le camp des petites gens qui observent la loi, et respectent l’hymne national et le drapeau, contre le camps des élites urbaines, des millionnaires vedettes de la télévision, du cinéma ou du sport, qui outrepassent les règles et ne respectent rien, tout en donnant des leçons de morale aux autres. Bref c’est l’Amérique de Trump contre l’Establishment. Avec le sandale Weinstein, comme avec ces autres affaires, c’est, encore une fois, l’Amérique de Trump qui l’emporte.