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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
6 janvier 2021

Présidentielle USA: le précédent de 1877

 Mike Pence presiding Senate

 Ce 6 janvier à partir de 13h, heure de Washington D.C.,  le Congrès des Etats-Unis se réunira en session extraordinaire pour certifier le résultat de l’élection présidentielle du 3 novembre 2020.  Sous la présidence du vice-président Mike Pence, président du Sénat, les élus des deux chambres se rassembleront pour compter les votes des « grands électeurs » de chacun des cinquante Etats de l’union, certifier ces votes, et déclarer un vainqueur, qui deviendra président à l’issue d’une prestation de serment le 20 janvier à midi !

 D’ordinaire, cette réunion du Congrès est une formalité, expédiée en moins d’une heure. Le résultat est déjà connu.  Le candidat vaincu a concédé sa défaite. Le vainqueur est simplement confirmé dans sa légitimité de futur président.

U

 Mais 2020 n’a pas été une élection ordinaire. Cette fois tout est différent. Donald Trump n’a pas concédé sa défaite. Au contraire, il continue de nier la légitimité de la victoire de Joe Biden. Il continue d’accuser les Démocrates d’avoir triché. Il affirme que l’élection lui a été volée, que le scrutin a été perverti. Ses avocats ont réuni des milliers de preuves, constituées de témoignages, d’enquêtes ou de vidéos, pour étayer ses accusations. Toutefois ses  plaintes ont été presque toutes rejetées par les tribunaux et les médias dénoncent  ses accusations comme infondées.  

Cet échec juridique a deux explications. La première tient de la procédure. Les fraudes, manipulations et irrégularités dénoncées sont tellement éparses que ses avocats n’ont pas eu le temps matériel de les rassembler en un dossier cohérent. La seconde est que, pris un par un les incidents dénoncés ne sont pas suffisants pour inverser le résultat dans un Etat ou sur tout le territoire Américain. Dès lors il devient inutile pour un juge de perdre son temps à examiner une telle plainte.

Donald Trump in Georgia

 Mais ces manipulations, fraudes et irrégularités n’en sont pas moins réelles. Leur étendue n’est pas déterminée car la presse a largement ignoré les accusations avancées par Trump et ses avocats et refusé de mener ses propres enquêtes, ainsi que son rôle et ses moyens le lui permettent d’habitude. Au lieu de creuser ces affirmations pour tirer le vrai du faux, les médias ont détourné la tête. Ils ont abdiqué leur rôle de quatrième pouvoir, simplement parce que le vainqueur déclaré est celui qu’ils souhaitaient…

Du coup la lecture du résultat de l’élection par le Congrès en acquiert une dimension politique majeure. Il est encore possible qu’à l’occasion de cette séance le résultat de l’élection présidentielle de 2020 soit inversé ! Absolument ! Les chances d’un tel scénario sont infiniment petites, mais existent.

March for Trump

Les Républicains contestent les résultats dans six Etats ( il s’agit de l’Arizona, de la Géorgie, du Michigan, du Nevada, de la Pennsylvanie et du Wisconsin). Ils ont même présenté un volte alternatif de leurs propres grands électeurs pour ces Etats. Si le vote de ces six Etats étaient invalidés, Joe Biden n’aurait plus 306 voix au Collège électoral, mais 227. Trump en aurait toujours 232. Avec sept Etats en moins le Collège électoral n’aurait plus que 459 sièges, plaçant sa majorité à 230. Trump aurait donc deux voix de plus que cette nouvelle majorité et pourrait être proclamé réélu…

 On n'en est pas là. En vérité une telle issue est quasiment impossible car elle nécessiterait que les Démocrates votent pour disqualifier les résultats des Etats en question ce qui est peu probable étant donné que ces résultats favorisent leur candidat.

Donald TRump appealing to silent majority

Toutefois, il existe encore une troisième possibilité. Une possibilité espérée par certains sénateurs et élus Républicains. Il s’agirait de différer d’une dizaine de jours la certification du vainqueur,  le temps qu’une commission parlementaire enquête sur les accusations avancées par Donald Trump et fasse la lumière sur la question de manière à restaurer la crédibilité du système et garantir que l’élection fut propre et son vainqueur légitime… Cette possibilité est lointaine mais elle existe et surtout elle a eu un précédent dans l’histoire américaine. Il date de 1877.

Compromise of 1877

 L’élection présidentielle de 1876 fut l’une des plus disputées et des plus serrées de l’histoire américaine jusqu’alors. Elle opposa le Républicain Rutheford B. Hayes au Démocrate Samuel Tilden. Tilden remporta le vote populaire, c’est-à-dire qu’il reçut plus de suffrages au plan national :  4,3 millions contre 4,1 millions. Mais au sein du Collège électoral il n’obtint pas la majorité car les résultats de quatre Etats furent contestés. Il s’agissait de la Floride (déjà !) de la Louisiane, de la Caroline du Sud (trois Etats du Sud) et de l’Orégon, un Etat de l’Ouest.  

La guerre de Sécession s’était achevée onze ans plus tôt et ses plaies n’étaient pas cicatrisées. Les Etats du Sud qui avaient appartenu à la  Confédération, étaient administrés par des envoyés du Nord, perçus sur place comme une force d’occupation. De sorte que ces Etats avaient souvent deux administrations parallèles, une légale mais ignorée, celle du Nord, une autre illégale, mais effective, celle du Sud. Lors du scrutin présidentiel de 1876 certains Etats, dont la Floride, la Louisiane et la Caroline du Sud, envoyèrent à Washington deux résultats différents et deux votes de grands électeurs opposés. Plutôt que de trancher et d’attribuer ces Etats à Tilden ou Hayes, le Congrès décida de confier la tâche à une commission avec pour impératif de parvenir à une décision avant la date d’investiture du futur président.

Cette commission fut composée de quinze membres : cinq élus de la Chambre, cinq sénateurs et cinq juges de la Cour Suprême. Parmi eux huit étaient Républicains et sept Démocrates. Après une enquête de pure forme les membres de la Commission passèrent au vote et se prononcèrent en fonction de leur affiliation partisane. Tilden obtint sept voix, le candidat Républicain Hayes en obtint huit et fut déclaré vainqueur de l’élection.

Rutheford B Hayes

Tilden fur le grand battu de la procédure. Toutefois les Démocrates ne perdirent pas tout. Car en coulisse ils avaient négocié en échange de la victoire de Hayes le retrait des troupes et des administrations nordistes des Etats du Sud, autorisant les grands propriétaires et notables locaux à reprendre le contrôle politique et économique de leurs territoires… Hayes fut président quatre ans, mais l’influence de cette reprise en main du Sud par ses élites Démocrates allait durer un siècle

Les onze sénateurs Républicains qui feront objection ce 6 janvier 2021, ont peut-être un dénouement aussi favorable en tête. Mais ils veulent surtout que les accusations de fraudes soient examinées au grand jour, afin de garantir que, quel que soit le vainqueur ultime, celui-ci soit reconnu et accepté,  même par le camp des perdants. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

62% des électeurs Républicains se disent convaincus qu'il y a eu des fraudes, tout comme 28% des électeurs Indépendants et mêmes 17% des électeurs Démocrates. Tant que la lumière n’aura pas été faite sur ces faits, l’élection présidentielle de 2020 ne sera pas terminée dans l’esprit des Américains.

Les onze sénateurs Républicains qui feront objection ce soir proposent donc la désignation d’une commission spéciale dont la mission serait de rendre un rapport d’ici dix jours, soit le 16 janvier au plus tard, quatre jours avant la date de l’investiture. Leur argument est purement juridique mais de poids.

 De quoi s’agit-il ?

U

 Aux Etats-Unis les élections présidentielles sont régies par la Constitution (Article II, section 1), par le 12e amendement (vote en 1803) et par une loi de 1887 le « Electoral Vote Counting Act ». Ces textes affirment, entre autres, que les règles électorales sont déterminées par les assemblées de chaque Etat. Or en 2020 les règles concernant certains Etats dont la Pennsylvanie, le Wisconsin et le Michigan, ont été changées, non par les Assemblées élues, mais par le Secrétaire d’Etat ou la Cour Suprême des Etats. Ces actions étant inconstitutionnelles, les votes qui en ont découlé devraient être éliminés. Or ces votes sont si nombreux que leur disqualification changerait le résultat de l’élection… Afin de garantir la légitimité du vainqueur, il importe à leurs yeux de résoudre cette question constitutionnelle, d’où la désignation d’une commission spéciale…

Les chances de voir cette commission mise en place sont néanmoins faibles. Ce qui est beaucoup plus probable est que les objections seront rejetées à l’issue des débats et l’élection de Joe Biden certifiée. Celui-ci verra simplement son triomphe repoussé de quelques heures, ce qui n’est rien, vu qu’il a déjà attendu 78 ans !

Electoral college vote count

Toutefois il importe aussi de souligner que ces objections et l’insistance du président Trump pour demander des recomptes et la vérification de certains bulletins, sont à cette heure parfaitement légitimes. Les institutions américaines fonctionnent. L’élection présidentielle aux Etats-Unis se déroule en trois temps : le scrutin, le vote du collège électoral, et le décompte des votes et la certification du résultat par le Congrès. Tant que le résultat n’a pas été validé par l’appareil législatif toutes les contestations sont possibles et légitimes.

Jusqu’à ce soir le président Trump est dans son droit. A partir de demain il devra tirer les conséquences de ce que les institutions auront avalisé.

 

 

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Commentaires
R
Gérald Olivier pourrait peut-être nous orienter sur la GEORGIE par un article ad hoc.<br /> <br /> Si Perdue a échoué dans ce fief conservateur dans les conditions exacerbées actuelles, un vote national massif pour Biden s'en trouve-t-il re-crédibilisé ?<br /> <br /> C'est immanquablement la théorie démocrate qui va se répandre.
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R
Brûlante traversée de l'acmé.<br /> <br /> Magistral.
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