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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
28 mars 2024

Vice-présidence : Un choix qui condamne Kennedy Jr et… Biden

Robert Francis Kennedy Jr, neveu du président John F. Kennedy et candidat indépendant à la Maison Blanche en novembre, a choisi Nicole Shanahan pour être sa vice-présidente.

L’annonce est passée presque inaperçue aux Etats-Unis. Sauf parmi les Démocrates qui n’ont pu masquer leur irritation. Car ce choix confirme que RFK Jr va empiéter sur les terres de Joe Biden et lui prendre  plus de voix qu’à Donald Trump. Il pourrait même priver Biden de toute chance de victoire. Par contre, par ce choix, Kennedy Jr s’est aussi condamné à n’être qu’un candidat marginal.

Explications.

Aux Etats-Unis, l’élection présidentielle implique toujours un duo de candidats. Les électeurs ne votent pas que pour un président. Ils votent pour un « ticket » qui inclut un président et son vice-président. Le rôle du vice-président étant d’être là « en cas de malheur » et de savoir se faire discret en attendant. 

Joe Biden, président sortant, a choisi de rester fidèle à Kamala Harris, la vice-présidente actuelle. Elle n’est pas très populaire auprès des Américains, mais la retirer du « ticket » et la remplacer par quelqu’un d’autre aurait mécontenté les électeurs Noirs et les femmes. Deux catégories d’électeurs essentiels aux Démocrates. Donc l’immobilisme a triomphé. Biden propose aux électeurs de 2024 le même binôme qu’en 2020.

Donald Trump n’a pas encore indiqué qui serait son numéro deux. Il fera l’annonce le plus tard possible, c’est-à-dire en juillet à la veille de la Convention Nationale Républicaine. Retarder cette annonce lui permet de monopoliser l’attention sur sa seule personne d’ici là et de « faire le buzz » au moment le plus opportun, quand tous les projecteurs seront braqués sur les Républicains. Les candidats sont nombreux. L’élu, ou plus vraisemblablement l’élue, n’est pas connu (e). Mais ce ne sera pas Mike Pence, l’ancien vice-président, lui-même brièvement candidat à la Maison Blanche, a pris ses distances avec son ancien mentor…

Robert Kennedy Jr n’avait pas le luxe de pouvoir attendre. Candidat « indépendant », donc faisant campagne sans le soutien d’une organisation politique rodée au processus électoral, il s’affaire à valider sa candidature dans le plus d’Etats possibles. Pour cela, il se devait de désigner un colistier afin de satisfaire à la règlementation de certains Etats, dont le plus peuplé et le plus riche, la Californie.

Son choix s’est porté sur une personnalité totalement inconnue des Américains, Nicole Shanahan, une jeune et riche avocate de Californie. Un choix très discutable mais qui peut s’expliquer. Kennedy a surtout besoin d’argent et Shanahan, qui a déjà déboursé quatre millions de dollars pour lui, a les poches profondes…

Choix très discutable, car par ce choix, Kennedy reconnait implicitement qu’il n’ambitionne pas réellement d’être élu en novembre. Shanahan n’a aucune expérience politique et n’a pas d’aptitude particulière pour occuper la fonction qu’elle brigue, encore moins devenir, le cas échéant, présidente et commandant en chef des armées...

De plus, elle est inconnue du grand public. Elle ne lui apporte aucune crédibilité. Aucune assise territoriale. Au contraire elle le marginalise par des positions personnelles ultra-progressistes sur des questions de société essentielles comme la justice, la criminalité, la drogue, ou la famille.

A travers le choix de son vice-président Kennedy Jr avait une occasion unique de donner de l’envergure à sa candidature. De solliciter une personnalité emblématique et connue, susceptible de parler à l’imaginaire de tous les Américains. Une occasion de convaincre les électeurs indécis, et d’interpeller tous ceux qui se disent « insatisfaits » du choix entre deux vieux messieurs déjà passés par la Maison Blanche, que proposent les deux partis dominants.  

Kennedy Jr le rappelle lui-même à chacun de ses meetings, 70% des électeurs américains affirment rejeter à la fois Biden et Trump. Le premier parce qu’il est trop vieux. Le second parce qu’il s’est déjà présenté deux fois et que sa personnalité ne s’accorde pas avec la fonction. A croire les sondages il y a donc un boulevard pour un troisième candidat en 2024. Robert Kennedy Jr aurait pu être ce candidat. Dans les enquêtes d’opinion il rassemble entre 10 et 15% des intentions de vote, au plan national. Ce n’est pas assez pour gagner aujourd’hui, mais c’est assez pour bâtir une campagne gagnante. A condition de jouer le consensus et de trouver un colistier susceptible de rassembler au plus large.

Or c’est l’inverse que vient de faire Kennedy Jr. Shanahan est non seulement inconnue et sans expérience politique, mais son mode de vie, ses préoccupations et ses opinions sont disconnectées de celles des Américains moyens.

Nicole Shanahan a 38 ans. Elle est née et a grandi à Oakland en Californie, d’une mère née en Chine et d’un père américain. Elle est brune, petite et menue. Shanahan est diplômée en droit de l’université de Santa Clara, une institution jésuite proche de Palo Alto, au cœur de la Silicon Valley. Spécialiste du droit des brevets elle a monté une société d’assistance légale aux entreprises, Clear Access IP, et a investi dans de nombreux projets, de l’intelligence artificielle aux cryptomonnaies.

Californie oblige, Shanahan est une adepte des spiritualités New Age, qu’elle pratique comme d’autres zappent entre les chaînes de télévision. Après un premier mariage qui a duré trois ans, elle a épousé le fondateur de Google, Sergey Binn, qu’elle avait rencontré lors d’un festival de yoga. Ils ont eu une fille, avant de divorcer. Grâce à Binn, Shanahan est devenue milliardaire et a pu conserver une petite partie de la fortune de son mari à l’issue du divorce. A l’époque le Wall Street Journal avait rapporté que la cause de ce divorce était une relation amoureuse entre Shanahan et Elon Musk…

Shanahan a rencontré son compagnon actuel au « Burning Man Festival » du Nevada en 2020. « Burning Man » (l’homme qui brule) est un rassemblement d’adeptes de la radicalité et de la contreculture organisé tous les ans dans le désert du Nevada et qui se conclut traditionnellement par un immense bûcher. Le festival mêle « happening » d’avant-garde, exhibitionnisme narcissique et promotion des modes de vie alternatifs. C’est devenu un rendez-vous des « geeks » de la Silicon Valley.

Shanahan et son compagnon ne sont pas mariés. Ils sont liés par une cérémonie de fiançailles inspirée de la tradition druidique britannique et connue sous le nom de « handfasting » (l'attache des mains).

Shanahan soutient de multiples causes progressistes, de l’aide aux défavorisés à la réforme du système judiciaire en passant par l’élimination des pesticides dans l’agriculture. Elle est également engagée dans la recherche sur l’autisme, sa propre fille étant touchée par cette condition. En 2020 elle a contribué aux campagnes présidentielles de Pete Buttigieg et Marianne Williamson, avant de se ranger derrière Joe Biden, avec une contribution de vingt-cinq mille dollars. Elle a également soutenu la candidature du Démocrate George Gascon comme procureur de Los Angeles. Gascon est un politicien ultra-progressiste qui refuse de poursuivre la petite criminalité. C’est durant son mandat que les centres-villes de Los Angeles et Sans Francisco sont devenus des zones de non droit dont les boutiques sont régulièrement dévalisées par des voyous en bandes organisées…

Nicole Shanahan est à la confluence du progressisme, de la jet set et des hautes technologies. Elle appartient à l’élite de la côte ouest, soucieuse de « bien-être » et « d’épanouissement personnel », étrangère au souci de boucler une fin de mois. Sa résidence principale est à Malibu, forteresse luxueuse des stars en tout genre, protégée de la plèbe, des criminels et des immigrants clandestins par des gardes de sécurité privés.

Mais Shanahan est une riche philanthrope. C’est pourquoi Kennedy Jr l’a choisie.  Son porte-monnaie et son carnet d’adresses seront mis à contribution pour la campagne. Elle peut aider Robert Kennedy Jr à lever des fonds au sein du microcosme des super-riches de la Silicon Valley. Elle a d’ailleurs déjà contribué à la campagne. C’est elle qui a financé un clip publicitaire en faveur de Kennedy Jr diffusé durant le Superbowl, quand trente secondes d’antenne coûtent sept millions de dollars…

Shanahan représente aussi une rupture générationnelle. Sa jeunesse est son deuxième atout. C’est une trentenaire. Elle pourra briller par contraste, face au vieux Joe Biden et même face à Kamala Harris, de vingt ans son ainée.

Elle peut aussi attirer le vote des jeunes, les fameux « millenials » et la « génération Z ». Les « millenials » aux Etats-Unis sont les Américains nés entre 1980 et 1996. C’est la génération de Shanahan (elle est née en 1985), les enfants des « baby-boomers ». La génération Z est venue ensuite. Il s’agit des électeurs les plus jeunes, ceux nés à partir de 1997. Ces deux générations ont en commun d’avoir grandi en même temps que les hautes technologies, dans l’abondance matérielle et la carence émotionnelle, avec des parents divorcés, au sein de familles décomposées et pas toujours recomposées… Peu préparés aux épreuves de la vie d’adulte, ils sont très influençables et friands de causes et comportements alternatifs.

Ces électeurs votent massivement Démocrate. C’est même l’un des viviers du vote Biden. La désignation de Nicole Shanahan comme vice-président de RFK Jr leur offre une alternative très attrayante qui va empiéter sur celui du président osrtant. Or la perte de quelques milliers d’électeurs dans les Etats clés, peut suffire à donner la victoire à Donald Trump.

C’est la raison principale de l’inquiétude et de l’irritation manifestés par certains Démocrates à l’annonce du choix de Shanahan par Kennedy Jr. Du coup le parti et la Maison Blanche ont redoublé leurs attaques contre lui.

L’administration Biden refuse toujours d’accorder à Robert Kennedy Jr la protection des services secrets, comme cela est de coutume pour les candidats présidentiels. Une décision honteuse à mettre au crédit d’Alejandro Mayorkas, le secrétaire du DHS, équivalent du ministère de l’Intérieur. C’est Kennedy Jr lui-même qui est obligé de payer pour sa sécurité. Le parti Démocrate a placé des recours contre la validation de sa candidature dans plusieurs Etats. Ce même parti Démocrate a mis en ligne un site anti-Robert Kennedy Jr appelé « rfkjrfacts » où il est présenté comme un dangereux complotiste ayant tenu des propos anti-Noirs, anti-LGBT et antisémites. Ce même site le dépeint aussi comme le meilleur allié de Donald Trump contre Biden.

Kennedy peut effectivement  faire le jeu de Trump, en affaiblissant Biden, mais il n’est en rien un proche de l’ancien président. Leurs vues sont radicalement divergentes. D’ailleurs les Républicains dénoncent en RFK Jr un radical de gauche, acquis à la transition verte (« green new deal ») et à l’agenda « Woke » (Diversity, Equity & Inclusion) en train de détruire la société américaine.

Pour l’heure Kennedy n’est qu’une menace très limitée. Il n’a réussi à faire valider sa candidature que dans un seul Etat, l’Utah, et dispose d’un nombre de signatures suffisant pour se qualifier dans trois autres: Hawaïi, le Nevada et le New Hampshire. Il vise une dizaine d’autres Etats dont l’Arizona, la Californie, la Caroline du Nord,  la Georgie, l’Illinois, le Michigan, New York et le Texas. C’est très insuffisant pour espérer l’emporter. Masi c’est assez pour faire perdre Biden. Car, mis à part le Texas, les Etats ciblés sont des Etats « clés », où la bataille est serrée.

Or l’impact de Kennedy Jr sur la campagne présidentielle est indéniable. L’écart entre Trump et Biden, qui est de deux points, quand eux seuls sont en lice, passe à cinq points en faveur de Trump quand Kennedy Jr  est proposé comme troisième choix. Preuve qu’il constitue une menace sérieuse pour Biden,  beaucoup plus que pour Trump.

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