En Librairie: Inferno de Dan Brown
Dans le dernier Dan Brown, il est question, au détour d’une page, de lapins sur une île du Pacifique. Ces gentilles bêtes à poils avaient été introduites sur cet îlot où elles vivaient et se reproduisaient en toute sécurité. Tant et si bien qu’à force de se multiplier les lapins finirent pas épuiser les ressources naturelles disponibles sur l’îlot et à… mourir de faim.
C’est exactement le sort promis à l’espèce humaine semble vouloir nous dire l'auteur à succès américain dans son dernier ouvrage, « Inferno », un jeu de piste, parsemé de symboles et rébus littéraires, qui mène le professeur Robert Langdon, de Florence à Istanbul, à la poursuite d’un dangereux virus…
Le titre et une bonne partie de l’intrigue tournent autour de l’Enfer, l’un des trois cantiques de la Divine Comédie de Dante et surtout son illustration par Botticelli, la Carte de l'Enfer .
Concrètement Langdon se réveille dans un lit d’hôpital à Florence, rendu temporairement amnésique par une balle qui lui a éraflé le cuir chevelu. Quand son assassin surgit, décidé à ne pas le rater une deuxième fois, Langdon fuit précipitamment, aidée par Sienna Brooks, la jeune médecin de l’hôpital. Langdon s’avère être en possession d’un petit objet contenant une version altérée de l’Enfer de Dante tel qu’illustré par Botticelli. Les altérations introduites par un mystérieux inconnu laissent à penser que celui-ci s’apprête à lâcher un terrible fléau sur l’humanité, une peste noire des temps modernes, avec le dessein revendiqué d'exterminer une partie de l'humanité pour éviter aux hommes un drame plus terrible encore, l’extinction définitive au bout d’indicibles souffrances…
Est-ce pour la possession de cet objet que l’on veut tuer Robert Langdon… ? Parviendra-t-il à remonter la piste du fléau pour empêcher qu’il se répande? Quels rôles jouent donc ceux qui lui courent après … y compris ce « président » agissant en coulisse à partir du magnifique yacht Mendacium croisant en méditerranée.
Comme toujours avec Dan Brown il ne faut pas s’arrêter au style. Il n’y en a pas. Il ne faut pas trop non plus étudier les personnages, ils sont de bois, unidimensionnels. Par contre il faut se laisser porter par le flot d’actions et d’informations qui saturent les premières dizaines de pages et vous accrochent suffisamment pour vous donner l’envie de tourner les suivantes pour découvrir la clé de tant d’énigmes. D’ailleurs en américain ce genre d’ouvrage s’appelle un «page turner».
Il est de bon ton de mépriser Dan Brown et ses lecteurs. Le premier pour ses intrigues prétentieusement savantes. Les seconds pour leur émerveillement béat devant l’ésotérisme à la petite semaine qu’étale l’auteur à longueur de pages.
Loin de cela, je trouve la lecture d'un Dan Brown des plus plaisantes. Au moins pour les deux premiers tiers de ses ouvrages. Car s’il sait parfaitement lancer et mettre en branle une intrigue, ses dénouements sont souvent décevants. Mais sa formule a le mérite extraordinaire de se vendre à des millions d’exemplaire alors que ses livres ne contiennent ni violence, ni sexe, et aucune vulgarité. Rien de glauque ou mortifère chez lui. Aucun voyeurisme morbide. Aucun appel aux instincts vils ou vicieux.
Au contraire il permet de s’intéresser aux Evangiles, à l’œuvre de Leonardo Da Vinci, à celle de Michel-Ange, à l’architecture de la Renaissance ou aux idéaux des Pères Fondateurs, etc.
Ainsi, que dire de sa dernière production qui incite à (re)découvrir le texte de Dante, les œuvres de Vasari, Botticelli ou Brunelleschi. Si un jeune écrivain avait approché un éditeur en disant qu’il lui ferait vendre des millions de livres en explorant l’œuvre d’artistes du XVIe siècle, il se serait fait rire au nez…
Et puis il y a cette manie de la provocation chez Dan Brown. Son Da Vinci Code et ses Anges et Démons étaient des attaques frontales contre l’intolérance de l’église catholique en général et l’hypocrisie du Vatican en particulier. Son Symbole Perdu était une démystification de la franc maçonnerie, dont l’ordre maçonnique sortait plutôt grandi. Et voici que dans cet Inferno les thèses controversées de ceux qui se proclament « transhumanistes » sont présentées sous un jour plutôt favorable. A se demander si dans l’esprit de Dan Brown son « méchant » en est vraiment un… ?
Enfin, méfions-nous, car dans cet ouvrage, rien n’est vraiment ce qu’il semble être. La réalité, si elle existe, se cache sous plusieurs couches d’illusions savantes…
Inferno, Dan Brown, éditons Jean claude Lattès, 567 pages, 22,90 euros