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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
30 octobre 2021

La CRT : Un poison qui divise l’Amérique (et risque d’envenimer l’Europe)

 

 

            Ce mardi 3 novembre, les électeurs de Virginie se choisiront un nouveau gouverneur. Deux candidats s’affrontent, le Démocrate Terry Mc Auliffe et le Républicain ¸Glenn Youngkin. La Virginie est un Etat « bleu », c’est  à dire à majorité Démocrate. Ses résidents ont largement voté en faveur de Joe Biden en 2020 (54% contre 44%). Terry Mc Auliffe, vieil allié du clan Clinton, est favori.  

Terry Mc Auliffe 1

 

Pourtant les sondages donnent les deux hommes à égalité et le scrutin s’annonce serré. Cette élection est donc suivie de près. Elle sera un indicateur de l’état d’esprit des électeurs américains, un an après la présidentielle de 2020, et à un an des élections intermédiaires (législatives et locales) de 2022. 

Glenn Youngkin

 

Toutefois, le plus inattendu de l’affaire est le thème dominant de la campagne. La question qui divise et mobilise les électeurs de Virginie n’est ni la pandémie de Covid, ni le réchauffement climatique, ni la transition énergétique, mais l’éducation et plus particulièrement l’enseignement de la CRT ou « Critical Race Theory », soit, en français, la « théorie critique de la race », dans les écoles publiques de l’Etat.

critical race theory 2

 

Cette question, qui ne fut jamais débattue durant la campagne présidentielle, il y a un an, occupe désormais les esprits, les écrans télés et les unes des journaux aux Etats-Unis.  En quelques mois la CRT est devenue la première pierre d’achoppement politique. Les Démocrates et la gauche progressiste sont favorables à son enseignement généralisé. Les Républicains et les Indépendants y sont fermement opposés. Cette opposition mobilise aussi l’électorat féminin, en particulier les mères de famille de banlieue, celles qui avaient délaissé Donald Trump en 2020, à cause de sa personnalité trop abrasive, et qui se détournent désormais de Joe Biden et du parti Démocrate aux positions jugées trop radicales.

Terry Mc Auliffe with Joe Biden

 

Les Européens, et la France en particulier, feraient bien de s’intéresser à la CRT. Même si ces pays ne sont pas marqués par une fracture raciale aussi profonde que celle des Etats-Unis, ils ont un passé colonial et une importante population noire issue de leurs anciennes colonies. Ces pays sont donc concernés au premier plan parce que la CRT veut enseigner.

 

            De quoi s’agit-il donc ? En une phrase, il s’agit d’une réinterprétation de l’histoire sous le prisme du racisme, visant à culpabiliser, voire diaboliser, la communauté blanche et valoir à la communauté noire de nouvelles formes de compensation. De manière plus générale, la CRT est une attaque contre les fondements de la société américaine, concoctée par quelques intellectuels Noirs néo-marxistes, au nom de l’antiracisme. C’est une théorie subversive qui vise à semer le poison de la division raciale, attiser le ressentiment, et au besoin mettre le feu au pays pour renverser l’ordre social. Tout cela derrière le masque de l’antiracisme.

critical race theory 1

 

            Pour le comprendre il faut remonter un peu en arrière et parler philosophie…

 

            Dans « théorie critique de la race » il y a d’abord « théorie critique ». C’est une référence aux travaux des philosophes de l’Ecole de Francfort dans les années 1920 et 1930, en Allemagne, puis dans les années 1950 aux Etats-Unis, ces philosophes ayant fui le nazisme et émigré en Amérique. Les noms de ces philosophes sont connus de quiconque est passé sous les fourches caudines de l’université moderne. Il s’agit de Théodore Adorno, Mark Horkheimer, Herbert Marcuse, et autres.  

 

            La CRT est donc l’extension au domaine racial des principes émis par la théorie critique. Et la théorie critique est une philosophie sociale qui vise à mettre en lumière les structures du pouvoir au sein de la société pour donner à certains groupes les moyens de leur émancipation.

Terry Mc Auliffe with Barack Obama

 

            Tandis que le marxisme  articule les rapports sociaux en termes de « lutte des classes » - le prolétariat contre le capital – la CRT articule les rapports sociaux en termes de lutte des races, en  l’occurrence les Blancs contre les Noirs, avec les Blancs dans le rôle de l’oppresseur et les Noirs dans le rôle des oppressés. Pour les tenants de la CRT, tout passe par la race. Prétendre faire abstraction de la couleur de peau, c’est être raciste ! 

 

            La CRT vise donc à dénoncer ce rapport de force et donner aux Noirs américains les moyens de le renverser.

1619 Projet

 

            Pour les tenants de la CRT, l’histoire américaine commence en 1619, lors de l’arrivée des premiers esclaves africains en Virginie. Le Mayflower et les Pèlerins puritains venus s’établir en Nouvelle Angleterre pour y pratiquer librement leur religion, sont relégués à l’arrière-plan. Le racisme, intrinsèque dans la pratique de l’esclavage, va dès lors colorer toute l’histoire américaine. Il va perdurer au-delà de l’abolition de cette pratique en 1864, au-delà du vote des lois pour les droits civiques un siècle plus tard, et continuer de pervertir le système pour maintenir les Noirs en bas de l’échelle sociale.

 

            Si un sous-prolétariat noir persiste aujourd’hui aux Etats-Unis, avec les problèmes de drogue, de criminalité, de grossesses d’adolescentes, de familles dysfonctionnelles, c’est la faute au racisme des blancs, un racisme « systémique », c’est-à-dire ancré dans le système. La solution ? Faire payer les blancs, rabaisser les blancs, changer les blancs pour les rendre « moins blancs ».  

Mayflower Puritans

 

            La CRT est une donc attaque ouverte contre l’ordre établi, et contre la majorité blanche accusée de bénéficier d’un « privilège blanc », quelle que soit sa condition sociale. Pour contrebalancer ce privilège, il faut instituer « l’équité », c’est à dire non plus l’égalité des chances, mais l’égalité des résultats. La société ne doit pas s’efforcer de devenir indifférente à la couleur de la peau, mais au contraire conditionnée par cette couleur qui donne aux Noirs des droits spéciaux auxquels ne peuvent prétendre les autres groupes ethniques et surtout pas les Blancs !

 

Au-delà du racisme d’une telle approche, c’est une négation de l’idée de « méritocratie » qui est au cœur du projet américain ! L’idée américaine est que chacun doit pouvoir réussir selon son ambition et ses mérites. Il importe que les chances soient égales sur la ligne de départ.

Slavery in the U

 

La CRT se positionne à l’opposé de cette approche. Elle fait fi du mérite et y substitut un système de « discriminations » basé sur une sélection par la race et destiné  à « niveler le terrain de jeu ». L’égalité des chances ne suffit pas, il faut une égalité des résultats. Il faut imposer par la force la réussite des Noirs, qu’ils la méritent ou pas.

 

Non seulement la CRT divise la société en montant les groupes raciaux les uns contre les autres, mais elle va aussi à l’encontre du rêve de Martin Luther King d’une société où la couleur de peau ne compterait pas. Une société qui soit « color blind » en anglais. Dans son fameux discours de 1963 intitulé « I have a dream » , «  Je fais un rêve », Luther King souhaite une Amérique où chacun soit jugé sur « le contenu de son caractère », c’est-à-dire sur lui-même, et pas sur la couleur de sa peau . La théorie critique de la race prend le contrepied de cet  espoir, et juge au contraire chacun exclusivement sur sa couleur de peau.

Martin Luther King I have a dream

 

L’expression  « Critical Race Theory » remonte aux début des années 1980 et revient à Kimberlé Crenshaw, une avocate et militante féministe noire américaine, alors étudiante à Harvard. Elle a été reprise et détaillée par un professeur de droit, Richard Delgado, auteur en 2001 avec son épouse Jean Stefancic du livre « Critical Race Theory ; an introduction » devenu la référence sur le sujet. On peut y lire que « le racisme est profondément enraciné, systémique et répandu… aucun membre blanc de la société ne semble vraiment innocent. » Les deux auteurs reconnaissent aussi que «la CRT, remet en question les fondements mêmes de l’ordre libéral, y compris les théories sur l’égalité, le raisonnement juridique, le rationalisme des Lumières, et les principes neutres de la loi constitutionnelle. »

 

Cette théorie révolutionnaire a fait son chemin à travers les milieux académiques et elle s’est progressivement insinuée dans la vie éducative de la nation américaine, notamment les écoles publiques, sous l’influence de Commissions Scolaires ( les School Boards) ayant autorité sur le contenu des programmes, où siégeaient des militants progressistes plus soucieux « d’antiracisme » et de « justice sociale » que d’instruction. Car bien évidemment la CRT avance masquée ! Elle est mise en avant au nom de la lutte contre le racisme et pour la diversité…

Ibram X Kendi

 

En 2019 l’ouvrage  « Comment être un anti-raciste » de Ibram X Kendi, (de son vrai nom Ibram Henry Rogers), un professeur d’université Noir, a rendu son auteur multimillionnaire.  Kendi est devenu la coqueluche des campus, où il donne désormais des conférences tarifées à 20 000 dollars de l’heure ! C’est un fervent défenseur de la CRT et de la discrimination raciale. Selon ses propres mots « si une discrimination favorise l’équité, elle n’est pas raciste ; si une discrimination renforce l’inéquité, elle devient raciste. »

 

La même années le New York Times a publié le  « 1619 Project », un très long essai de la journaliste noire, Nikole Hannah Jones, reprenant l’histoire des Etats-Unis, à travers le prisme de la CRT. Son article fut décrié par nombre d’universitaires comme « un remplacement de l’histoire par l’idéologie » mais il valut à Jones un Prix Pullitzer.  On trouve pourtant dans ce texte des propos qui, si l’on remplace le mot « Blanc » par le mot « Noir » vaudrait à son auteur d’être instantanément descendu en flamme et banni à jamais de la vie publique. Les Blancs sont décrits comme « les plus grands meurtriers, pilleurs, violeurs, et voleurs du monde moderne». En outre, ils sont « avares », « injustes », « sans merci », et « sanguinaires »…

Nikole Hannah Jones

 

D’autres ouvrages en ont rajouté plusieurs couches. Y compris sous la plume de personnes de race blanche. C’est le cas de Barbara Applebaum, professeur à l’université de Syracuse, qui a publié « Being White, Being Good » (Être Blanc, être bon). Elle écrit que « “Tous les blancs sont impliqués dans la production et la reproduction d’injustice raciale systémique… L’identité blanche est intrinsèquement raciste… Les Blancs n’existent pas en dehors d’un système de suprématie blanche… Le suprémacisme blanc est un système d’oppression qui profite à tous les blancs. En ce sens tous les blancs… sont racistes. » Ils doivent « s’efforcer d’être moins blancs » et « condamner leur propre blancheur » !

critical race theory opposition 2

 

            Finalement c’est la réalisation par des parents d’élèves incrédules de ce que leurs enfants apprenaient désormais à l’école qui a provoqué une tempête. Les premiers tollés ont commencé alors que Donald Trump était président. Inévitablement ils ont été dénigrés comme l’expression d’une « rage blanche » et le fait de « suprémacistes blancs » assimilés à des « terroristes de l’intérieur ». Néanmoins Donald Trump a signé à l’été 2020 un décret interdisant la diffusion de thèses proches de la CRT lors de sessions dites de « sensibilisation à la diversité, l’équité  et l’inclusion », organisée au sein des administrations fédérales. Dès son entrée à la Maison Blanche, Joe Biden a annulé ce décret. Neuf mois plus tard l’Amérique est au bord de l’explosion et les parents d’élèves préfèrent garder leurs enfants chez eux que de les envoyer se faire « endoctriner »

 

Donald Trump patriotic

 

La CRT n’est pas officiellement au programme des écoles  publiques américaines. Le gouvernement fédéral n’a pas le pouvoir de décider des programmes scolaires, c’est une prérogative qui revient aux Etats et aux « comtés ». Mais elle est toujours proposée aux professeurs, à travers des « stages de sensibilisation », ou de formation, proposés au nom de la lutte contre le racisme. C’est ce qui rend la question insidieuse car cet enseignement se fait souvent, sans qu’on en parle, à l’insu des parents d’élèves qui le découvrent en interrogeant leurs enfants et en sont révoltés.

critical race theory opposition

 

Car une immense majorité d’Américains rejette catégoriquement le contenu de la CRT. Qu’ils soient Républicains, Indépendants ou même Démocrates. Qu’ils soient Blancs, Asiatiques  Hispaniques ou même Noirs. Mais l’emprise d’une minorité de militants ultra-progressistes sur les institutions est tel, que cet enseignement perdure encore. Pour eux l’enseignement n’est plus au service de l’enfant et de son éveil intellectuel mais au service de la « justice sociale ». C’est un instrument de transformation social au service de leur idéal révolutionnaire.

 

D’où la volonté nouvelle dans les milieux conservateurs de reconquérir les commissions scolaires et de reprendre à la base les fondements de la culture et de l’éducation américaines.

 

            Le résultat de l’élection du gouverneur de Virginie dira qui à l’ascendant dans cette bataille.

 

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