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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
3 octobre 2014

France: Il est temps de revoir le droit de grève

 

Air France, au sol, pilotes en grèves

Est-il temps de réformer, le droit de grève en France ?  En le restreignant. A l’heure où gouvernement et patronat tentent de s’attaquer  aux « tabous » qui bloquent les réformes,  la question se justifie. L’urgence économique dans laquelle se trouve le pays incite aussi à se poser la question. Enfin le spectacle et les conséquences déplorables de la dernière grève à Air France imposent de s’interroger.

La  récente grève des pilotes de ligne d’Air France-KLM (dont 16% du capital est détenu par l’Etat français), illustre un confit dont tout le monde est sorti perdant. La compagnie a perdu  des centaines de millions d’euros et des milliers de clients, qu’elle ne retrouvera peut-être jamais. Les pilotes n’ont pas obtenu satisfaction et se sont mis à dos les autres catégories de personnel de la compagnie, pénalisés par leur action. Le SNPL, syndicat majoritaire, s’est décrédibilisé (« quatorze jours de grève et rien au bout, c’est dur », confiait un pilote). Le gouvernement  n’a pas su quel rôle jouer dans le conflit, refusant de nommer un médiateur au profit du fameux « dialogue social » entre personnel et direction mais condamnant ouvertement « l’attitude égoïste » des pilotes et appelant à la fin d’une grève « insupportable ». Les clients d’Air France ont été condamnés à galérer dans les aéroports et les gares à la recherche de solution de substitution. Les professions annexes, taxi, hôteliers, etc,  ont souffert de l’arrêt des activités. Enfin,  la France a vu son image encore une fois écornée et son économie affaiblie un peu plus. 

Air France, pilotes en grève,

Il ne s’agit pas, ici, de discuter du mérite des revendications des uns et des plans de développement des autres. Il s’agit de se demander si pour discuter des perspectives de Transavia France ou Transavia Europe (projet désormais abandonné par Air France), perspectives qui touchent à la stratégie commerciale de la compagnie sur les années, voire les décennies, à venir, la grève était le meilleur moyen.
La réponse est évidemment non ! Et l’idée que l’avenir d’une société puisse être ainsi arbitrairement mis à bas par une caste qui représente 5% de ses employés (trois mille sur soixante-dix mille), va à l’encontre des principes de bases de la liberté d’entreprise et de la liberté du travail.
De plus, les pilotes d’Air France ont fait grève pour défendre des acquis dans un contexte économique défavorable. Une posture désormais typique de nombreux conflits. Les grévistes ne sont plus des cols bleus exploités qui demandent de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail, ce sont des nantis du système qui s’accrochent à leurs privilèges. Face à la mondialisation, la générosité du système social français pénalise nos entreprises, mais il n’est pas question pour les bénéficiaires de cette générosité de lâcher du lest. Désormais on ne fait plus grève pour que le monde change, on fait grève pour qu’il ne change pas. Nous sommes en plein déni de réalité.  Pilotes de ligne ou cheminots, même combat. Et après-moi le déluge. Peu importe le coût économique et social du mouvement, seul prime  l’intérêt corporatiste … La grève est devenue une source de blocage majeure de la société française.

Grève symbolique

Le fait de grève n’est pas nouveau. Et n’est pas lié à l’ère industrielle. Plus de mille ans avant Jésus Christ, les ouvriers de la nécropole de Deir el Medina, dans la Vallée des Rois se sont mis en grève pour exiger le paiement de leurs salaires. Ils ont gagné. En France, la grève est un droit constitutionnel, inscrit dans la Constitution de 1946, et réaffirmé par celle de 1958. Il est accordé aux employés du secteur privé, comme du public. Quelques rares corps de métiers, attachés à la sécurité de l’Etat et à la justice, en sont exclus.
Parce qu’il est garanti par la loi, ce droit est règlementé. Depuis 2007, suite à une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy, il s’accompagne d’un « service minimum » dans les transports, notamment à la RATP et la SNCF, entreprises monopolistiques dont les « clients », ne peuvent se reporter sur une autre. Service minimum trompeur, car il se limite à préavis obligatoire de cinq jours, permettant à l’entreprise de s’organiser et prévenir ses clients. Depuis 2012 cette obligation de préavis a été étendue au transport aérien (loi Diard).
Les syndicats de pilote dénoncent ce préavis comme une atteinte au droit de grève.  Il donnerait à la compagnie le temps  d’engager d’autres pilotes pour remplacer les grévistes. C’est ce qui s’est  produit en 2013 chez Easyjet. Malgré 85% de grévistes, la compagnie a pu assurer tous ses vols en faisant appel à des pilotes remplaçants! En France ce recours à des travailleurs temporaires n’est pas autorisé.

Droit de Grève

Le droit de grève, beaucoup l’oublient, n’est pas une grande conquête du syndicalisme sur le capital. C’est au contraire une réforme libérale, introduite au XIXe siècle, au nom de la liberté des ouvriers. La Révolution française avait interdit ce droit par la loi Le Chapelier de 1791 qui visait à détruire les « guilds », corporations d’artisans capables d’imposer leurs conditions. Il fut rétabli un siècle plus tard, par deux députés de la droite libérale, Emille Ollivier qui abolit le « délit de coalition », en 1864, autorisant les actions collectives et donc les grèves, puis Pierre Waldeck Rousseau qui autorisa les syndicats en 1884.

WALDKER_ROUSSEAU

Mais le théoricien  du droit de grève est Frédéric Bastiat, économiste et homme politique que l’on qualifierait aujourd’hui « d’ultra-libéral ». Pour Bastiat, le doit de grève était le droit pour l’ouvrier de refuser de vendre son travail à un prix ne lui convenant pas et sa liberté d’aller proposer ce travail ailleurs. Le droit de grève, c’est ce qui séparait l’ouvrier de l’esclave, condamné au travail, sans conditions. Quant au « prix » de la grève, une retenu sur les salaires, elle devait « responsabiliser » les travailleurs. Selon Bastiat, ils se rendraient compte par eux-mêmes que leur action était au final plus nuisible que profitable…

Frederic-Bastiat

On est  bien loin de cette conception aujourd’hui.  Le droit de grève est utilisé en France, à tort et à travers, le plus souvent comme un outil de nuisance contre l’entreprise, ou le gouvernement, par le biais de clients, ou « d’usagers », pris en otage. Son coût est quasi nul, pour les employés. Quand le paiement des jours de grève n’est pas inclus dans la négociation, il est pris en charge par le syndicat… La grève est aussi pratiquée bien plus dans le secteur public que dans le secteur privé. Ce qui se comprend. Les employés du public bénéficient de la garantie de l’emploi et les entreprises publiques étant renflouées par l’Etat en cas  de besoin, elles ne peuvent pas faire faillite. Le risque à long terme pour l’employé est inexistant. Par contre, le coût pour le contribuable, exorbitant. Dans les années 2000, une étude avait révélé que le total annuel des journées de grève à la seule SNCF, dépassait le total des journées de grève de l’ensemble du secteur privé !

SNCF Grève

Supprimer le droit de grève n’est ni envisageable, ni souhaitable. Politiquement l’idée est irrecevable. Le dernier gouvernement qui ait interdit ce droit était celui de Vichy ! On imagine les commentaires…
Il s’agit plutôt de le règlementer pour qu’il ne soit plus détourné, galvaudé, abusé. Par exemple en limitant strictement ce droit chez les fonctionnaires, et les employés d’entreprises en situation de monopole. Quand quelques personnes, qu’ils soient pilotes de ligne, cheminots, employés d’EDF, ou autres, ont le pouvoir de paralyser un pays, il importe que leur intérêt particulier soit subordonné à l’intérêt général.
Selon une enquête Ifop, un français sur deux souhaite voir le droit de grève interdit dans la fonction publique. Ce pourcentage monte à 85% parmi les sympathisant de droite, mais tombe à 26% chez les fonctionnaires, eux-mêmes…

collective_bargaining_stamp

Une telle mesure ne serait pas si exceptionnelle. En Allemagne les fonctionnaires et employés fédéraux ne peuvent pas arrêter le travail. Au Canada non plus. Aux Etats-Unis et au Royaume Uni, certains le peuvent mais courent le risque de se voir remplacés, ou renvoyés. On se souvient qu’en 1981 le président Reagan n’avait pas hésité à licencier onze mille contrôleurs du ciel parce qu’ils avaient refusé de reprendre le travail, suivant son injonction. 

Thatcher and Reagan

Dans le secteur privé, aux Etats-Unis et en Allemagne, les relations entre employés et employeurs sont régies par des conventions collectives négociées à dates fixes. Avec, en contrepartie,  une interdiction du recours à la grève entre deux négociations.
D’aucuns jugeront ces choix comme de l’ultra-libéralisme intolérable en France. A ces nostalgiques, il faut rappeler que du temps de la défunte  Union soviétique,  Trotski avait suggéré d’envoyer les grévistes… en camps de concentration.

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