Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
France-Amérique le blog de Gérald Olivier
18 décembre 2020

Etats-Unis: Pourquoi le Trumpisme est là pour rester

 Donald Trump defiant

 Le Collège électoral s’est prononcé et Joe Biden est désormais le « président élu » aux Etats-Unis. Il l’a emporté par 306 voix contre 232 pour Donald Trump. Le même score que celui de Trump face à Hillary Clinton en 2016.

 Les résultats du scrutin de chaque Etat ont été  certifiés par les autorités électorales de ces Etats ( à savoir, le secrétaire d’Etat,) de sorte que les « grands électeurs » ont pu se prononcer sans équivoque. Leur vote a été placé dans une enveloppe et transmis à Washington. C’est là que le 6 janvier prochain le vice-président Mike Pence, présidera une réunion extraordinaire du Congrès, (les deux chambres réunies) et ouvrira solennellement ces enveloppes, par ordre alphabétique du nom des Etats, pour en lire le résultat, officialisant l’issue de l’élection présidentielle de 2020.

 Sauf retournement de situation sans précédent -telle l’invalidation des résultats dans plusieurs Etats par les cours de justice de ces Etats, ce qu’elles ont toutes refusé de faire au cours des sept semaines écoulées malgré les multiples plaintes déposées par les avocats du président Trump et le parti Républicain-  Joe Biden deviendra le 46e président des Etats-Unis à partir du 20 janvier 2021, à l’issue de sa prestation de serment.

Joe biden 3

 Donald Trump reste président jusqu’à cette date. Il conserve l’ensemble de ses pouvoirs jusqu’à la dernière minute de son mandat. Et il garde la possibilité de se présenter à nouveau  en 2024, pour devenir le 47e président des Etats-Unis. Le cas d’un président effectuant deux mandats non consécutifs s’est déjà produit dans l’histoire des Etats-Unis. C’était avec Grover Cleveland, un Démocrate,  de 1885 à 1889 et 1893 à 1897.

 Vue la popularité de Donald Trump auprès de l’électorat républicain, cette possibilité est loin d’être farfelue. D’autant que du point de vue de son électorat le bon travail qu’il a commencé n’est pas achevé. Trump  a rendu sa voix et sa dignité à l’Amérique des déclassés et à l’Amérique invisible,  celle qui travaille, prie et se tait.  Il a montré qu’une autre politique est  possible, et qu’une autre façon de faire de la politique est aussi possible. Il l’a fait en dépit d’une opposition systématique et acharnée des élus démocrates et de leurs alliés dans les médias. Ses soixante-quinze millions d’électeurs sont restés sur leur faim. Ils étaient convaincus qu’il l’emporterait, ils sont convaincus que l’élection lui a été volée et si le résultat ne change pas d’ici au 20 janvier 2021 ils sont prêts à attendre quatre ans pour renvoyer « orange man » à la Maison Blanche.

Donald Trump and trumpmania

 L’ombre  de Donald Trump pourrait planer sur la présidence de Joe Biden.

 Quoi qu’il arrive, Donald Trump a d’ores et déjà marqué l’histoire. Loin d’être une « aberration » comme l’avaient prédit certains, il est l’instigateur d’un réalignement politique majeur. Trump a rassemblé derrière sa bannière, l’Amérique profonde, la classe moyenne blanche et une proportion sans précédent des minorités ethniques – Noirs, Hispaniques et Asiatiques. Il a également réamarré au parti Républicain des femmes, mères de famille et femmes actives qui ont changé le visage de ce parti. C’était le parti des hommes blancs. C’est désormais aussi un parti multi-culturel, rajeuni et féminisé.

Donald Trump Latinos for Trump

 Cela se verra à travers les nouveaux visages au Congrès.  Parmi les nouveaux élus Républicains à la Chambre des Représentants, dix-neuf sont des femmes. Elles n’ont jamais été aussi nombreuses au sein du « GOP » (Grand Old Party, surnom du parti Républicain). Au passage, alors que les « experts » prédisaient une déculottée aux Républicains, surtout ceux qui auraient eu l’impudence de soutenir Trump, c’est l’inverse qui s’est produit. Les Démocrates ont perdu quinze sièges à la Chambre et leur majorité ne tient plus qu’à un fil (222 contre 213). Au Sénat, les Républicains ont réussi à préserver leur majorité,  50 sièges contre 48 en attendant les deux élections sénatoriales de Géorgie

TRumpism 2

 Ce réalignement résulte d’un profond malaise : malaise économique, social et culturel vécu par l’Amérique profonde, victime d’une mondialisation sauvage et d’un progressisme sans borne, doublé de l’échec des politiques publiques menées depuis des décennies pour tenter de réduire la pauvreté. La fameuse classe moyenne blanche, socle de la prospérité américaine au vingtième siècle, n’a cessé de voir son niveau de vie stagner et son statut au sein de la société américaine régresser, au profit des nouvelles minorités, sexuelles ou ethniques, et des acteurs de l’économie numérique.  Quant à l’aide sociale elle a engendré une culture de la pauvreté qui condamne ses bénéficiaires à l’assistanat à vie.

 Ce malaise ne disparaîtra pas en quatre ans. Et pour cause ! Ceux et celles qui l’ont engendré sont à nouveau au pouvoir – Joe Biden a 78 ans, dont près de quarante passés au Sénat ; sa carrière d’homme politique coïncide avec les années du déclin de la classe moyenne ! Son administration va mettre en place les mêmes politiques que celles qui ont échoué au cours des décennies passées et elles auront les mêmes résultats… suscitant l’attente d’autres solutions.

Donald Trump supporters 2

 C’est là que Donald Trump et le « Trumpisme » reviendront sur le devant de la scène. Car le « trumpisme » existe bien et il est là pour rester.

 Le Trumpisme s’apparente à une forme de conservatisme populiste et patriotique. Il s’inspire des principes fondateurs du parti Républicain, en les adaptant à la mondialisation et à l’uberisation de l’économie au XXIe siècle.  En ce sens, Donald Trump a remodelé le parti républicain et redéfini les lignes politiques aux Etats-Unis.

 L’idéal Républicain, aux Etats-Unis, peut se résumer à dix principes :  

NRA Charlton Heston

 1 : défense des libertés individuelles  (liberté de culte, liberté de pensée et d’expression, liberté de port d’arme, etc) ;

 2 : défense de la libre entreprise et du libre-échange ;

 3 : Rigueur budgétaire et fiscalité faible. (l’un n’allant pas sans l’autre, certains Républicains réclament même un amendement constitutionnel pour interdire les déficits budgétaires).  

 4: Opposition à l’extension infinie de l’Etat providence (programmes d’aides sociales) ;

 5: Foi en l’autonomie des individus (l’idée américaine de « self-reliance ») et recours à des charités locales privées et l’implication communautaire pour l’assistance sociale.

 6: Attachement aux valeurs traditionnelles et rejet du progressisme, (défense du mariage et de la famille dans leurs définitions classiques).

 7: Foi dans la famille comme vecteur de transmission  de ces valeurs (par opposition à l’Etat via l’administration publique).

 8: Importance de la foi en Dieu

 9: Défense du droit à la vie (opposition à l’avortement).

anti-abortion-afp

 10: Défense de la souveraineté nationale et opposition à toute forme de gouvernement global ( accord international sur le climat, ingérence des Nations Unies, etc) .

 Il fut un temps où il aurait fallu ajouter à ces dix principes, un farouche anti-communisme et une volonté de contenir l’expansionnisme soviétique. La Guerre froide s’est achevée il y a trente ans et a supprimé cette nécessité. Toutefois le regain de popularité des thèses marxistes au sein d’une jeunesse qui n’a pas connu ces régimes, pourrait justifier que l’on ajoute le principe d’opposition au  marxisme, au socialisme et au communisme, bien qu’il soit déjà implicite dans les cinq premiers principes…

 Donald Trump adhère à tous ces principes à quelques nuances près.

Donald TRump supporters 5

 Concernant le commerce international il est favorable à un rééquilibrage des termes des échanges. Il préfère le « fair trade » au « free trade », le commerce équitable au libre-échange.  

 Concernant la rigueur budgétaire, Trump demeure pragmatique. Il sait qu’une faible fiscalité est le meilleur moyen de soutenir l’activité économique, mais il sait aussi que l’endettement est parfois nécessaire. En tant qu’homme d’affaire il a bâti sa fortune sur un endettement parfois très lourd. En tant que président il s’est dit prêt à recourir à l’endettement pour venir en aide aux victimes économiques du coronavirus.

 Toutefois le Trumpisme va au-delà de ces principes. Il en ajoute d’autres. Parmi eux le plus important est le concept d’« America First ».

america_first_donald_trump_cap

 « America First » signifie « l’Amérique d’abord ». Cela signifie que dans le contexte d’une compétition globale, Trump mettra les intérêts de l’Amérique avant ceux de ses concurrents. Tout comme il estime que les dirigeants russes, chinois, turcs ou autres mettront naturellement leur intérêt national avant celui de leurs concurrents. Cela tient de l’évidence. Toutefois l’internationalisme a tellement pénétré les esprits progressistes que certains dirigeants Américains, dont Barack Obama, ont parfois sacrifié l’intérêt national à un intérêt global jugé supérieur ! Ce fut le cas de l’accord de Paris sur le Climat, pénalisant les Etats-Unis mais pas  ses concurrents, auquel il avait adhéré avec enthousiasme et que Trump a rejeté en bloc.  

Trumpism and Trump supporters

 Le Trumpisme ajoute aussi la défense des masses laborieuses, contre les élites capitalistes. Avec Donald Trump le parti Républicain est devenu le parti de la classe ouvrière, alors que le Parti Démocrate est devenu le parti des enseignants , des médias, des artistes et du grand capital. Les sommes astronomiques levées durant la campagne présidentielle par Joe Biden et les Démocrates auprès de la finance newyorkaise et des géants des hautes technologies suffisent à prouver ce renversement. Trump n’a pas hésité à menacer les compagnies américaines tentées par les délocalisations pour protéger les emplois américains. Au détriment de la logique financière.  

Donald Trump inauguration speech

 Le Trumpisme pousse cette défense du petit peuple, jusqu’à rejeter l’intellectualisme et le gouvernement des experts. Trump met sa foi dans le bon sens commun ancestral et cultive une posture anti-establishment. Le révolutionnaire aujourd’hui, c’est lui ! Sa façon de lever le poing durant ses discours n’est pas un signe de ralliement socialiste, c’est un symbole de rébellion contre l’establishment, un appel au renversement des élites.  Il renoue ainsi avec la tradition de l’’anti-élitisme et de l’anti-intellectualisme présente à travers l’histoire américaine (et notamment identifiée par l’historien Richard Hofstadter  il y a plus de cinquante ans).  

 Le Trumpisme demande l’élimination de l’immigration clandestine et la réorientation de l’immigration légale en fonction des besoins de l’économie et du marché du travail américains. Sans le dire, le Trumpisme est favorable à une forme d’immigration choisie.

anti illegal demonstration

 Le Trumpisme étend le concept d’autonomie de l’individu à l’ensemble du pays. D’où son insistance sur l’indépendance énergétique ! La liberté d’action d’une nation impose qu’elle ne  dépende de personne pour faire tourner sa machine économique.

USS_naval_force

 Sur le plan international le Trumpisme épouse le principe d’une « paix armée ». « Peace through strength » en anglais. Il s’agit pour l’Amérique d’être si puissante militairement que personne n’osera l’attaquer. Trump est un adepte de l’adage latin « si vis pacem, para bellum », si tu veux la paix, prépare la guerre ! Le Trumpisme rejette l’idée que les Etats-Unis doivent être le gendarme du monde et il rejette également l’idée que les Etats-Unis doivent jouer les redresseurs de torts aux quatre coins de la planète ou remodeler le monde à leur image. Il se place ainsi en double opposition avec l’interventionnisme néoconservateur (de droite)  et l’interventionnisme humanitaire (de gauche) pour prôner la fin des multiples engagements lointains dans lesquels les forces américaines sont impliquées. Donald Trump a été le premier président en plus d’un demi-siècle à n’entamer aucun nouveau conflit durant son mandat. Ce que Barack Obama, pourtant honoré du prix Nobel de la Paix, n’avait pas fait ayant engagé les Etats-Unis dans trois guerres : au Yémen, en Syrie et en Libye.

Joe Biden in his basement

 Quand on observe les maux de l’Amérique aujourd’hui : dislocation sociale et économique, paupérisation de la classe moyenne et multiplication des emplois précaires via « l’ubérisation » de l’économie, faillite du système éducatif, balkanisation culturelle par un culte identitaire qui atomise la société, confusion des genres et inversion des valeurs, effondrement de la cellule familiale, incertitude sur son rôle dans le monde et même  incertitude sur ses alliances, et sur qui sont ses véritables alliés et véritables adversaires… on se dit que ces problèmes ne seront pas résolus par le vieil et fragile président-élu Joe Biden.

 Trump et le « Trumpisme » ne sont pas près de disparaître.

 

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
S
Merci pour vos articles Monsieur Olivier. Vous êtes un des rares français qui propose une analyse juste et honnête concernant Trump. J'aurais aimé que les médias conventionnels vous invitent plus lors de la nuit électorale pour contrebalancer les analyses des autres commentateurs, qui étaient souvent biaisées et parfois profondément malhonnêtes. Je lis votre livre "Sur la Route de la Maison Blache": Excellent. Dommage que j'aie dû l'acheter à la Fnac et que je n'aie pas trouvé le lien sur votre site, je pense que vous auriez été mieux rémunéré. (Vous le méritez!)
Répondre
R
Il y a une faille dans cette analyse par ailleurs d'une rare pénétration : Trump n'est pas spirituellement de taille à dégager les ETATS-UNIS de l'emprise israélienne, emprise sur l'état profond, et sur les chrétiens, pas seulement évangélistes.<br /> <br /> La guerre d'anéantissement de l'IRAN, dont rêve ISRAEL chaque minute, aura des promoteurs américains inlassables, paradoxalement chez les conservateurs, sous diverses approches fallacieuses, jusqu'à ce que l'étincelle se produise.<br /> <br /> C'est la menace de guerre mondiale actuellement sur nos têtes la plus lourde, la plus alimentée ; le fanatique John Bolton, qui voulait être le héros chrétien des Juifs du XXI°s. , en trouvant le chemin de la guerre totale ETATS-UNIS - IRAN n'a pas raté son coup de tant que ça.<br /> <br /> Demander à la RUSSIE, comme à la CHINE, de rester neutre est inconcevable, c'est pourquoi la haine existentielle de l'IRAN (voir la carte Proche-Orient) englobe toujours dans les communautés juives la RUSSIE et la CHINE.<br /> <br /> Biden est une crapule. Trump est un brave type. ISRAEL sait manœuvrer les deux.
Répondre
P
Merci Monsieur Olivier,<br /> <br /> Excellent et courageux.<br /> <br /> Que vive l'indépendance de l'esprit que vous incarnez.
Répondre
France-Amérique le blog de Gérald Olivier
  • L'oeil d'un Franco-Américain sur l'actualité internationale, la politique, l'économie, la société américaines, et tout ce qui touche aux États-Unis. Je défends les libertés individuelles et dénonce la pensé unique et les folies progressistes.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
France-Amérique le blog de Gérald Olivier
Visiteurs
Depuis la création 369 187
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité