Art Contemporain: Le Monde Etrange et Familier de Mark Ryden
Mark Ryden est un artiste américain installé à Los Angeles. Âgé de 50 ans, il expose dans le monde entier depuis plus de vingt ans et ses toiles, ou ses illustrations, sont devenues familières. On les connaît parfois sans savoir qu’il en est l’auteur. C’est fut le cas voici vingt ans de la couverture de l’album de Michael Jackson « Dangerous ».
Si un tableau de Ryden est si reconnaissable, c’est que son univers est à nul autre pareil. Il est composé d’animaux fantastiques, d’enfants à la tête surdimensionnée, de jeunes filles au regard éthéré qui portent des robes faites de morceaux de viande ou de poils de yacht, d’icônes de la culture populaire, tels Abraham Lincoln ou le colonel Sanders (le vieil homme à barbiche de l’enseigne des Kentucky Fried Chicken), le Christ, ou Bouddha, le tout baignant dans une ambiance onirique, entre la comptine pour enfants et le film d’épouvante, et accompagné d’une bonne dose de signes kabbalistiques et symboles ésotériques.
Un peu comme si le monde de Lewis Carroll et Beatrix Potter était revisité par Tim Burton et John Waters.
Ryden aime le mystère. Ses toiles sont mystérieuses et fascinantes. Elles captivent sans pour autant plaire, tant l’impression générale qui s’en dégage est inquiétante, voire malsaine. « Une anxiété latente hante ses tableaux… le spectateur est confronté à la juxtaposition de l’innocence de l’enfance avec les recoins les plus tortueux de l’esprit », écrit l'éditeur du peintre.
Les critiques parlent de « surréalisme pop ». Le mot « kitsch » revient aussi souvent. Sans doute parce que Ryden affectionne le rose bonbon dans sa palette.
Les éditions Taschen publient justement une grande monographie qui revisite l’ensemble de son œuvre sous une couverture rose. Le titre de l’ouvrage est « Pinxit ». En latin « pinxit » signifie « il peint ». Mais ici il s’agit aussi d’une façon de détourner le mot anglais « pink », « rose ».
Comme tous les artistes contemporains, Ryden est dans le « détournement ». Il détourne les symboles religieux, notamment chrétiens, comme les Vierges à l'Enfant ou les scènes de Nativité, détourne les objets, détourne les animaux, invente des insectes tireurs de chars, et des lapins géants. Ses toiles sont envahies de références mystiques, mais restent purement plastiques. Il détourne aussi les œuvres de peintres classiques. Les clins d’œil à Bosch, Holbein, Ingres et d’autres abondent. Ryden porte une attention minutieuse au moindre détail et surcharge sa toile et les cadres de ses portraits à la façon des peintres baroques ou maniéristes.
Ryden est un moderne parce qu’il mélange, parce qu’il nivelle, parce qu’il transgresse. Bref il subvertit. A l’image du consommateur de culture de notre monde globalisé qui pioche dans un fatras de symboles, de héros et d’histoires populaires, celles et ceux qui lui conviennent, sans soucis de sens et encore moins de cohérence.
Pinxit : Mark Ryden, éditions Taschen, 28 X 37,4 cm, 360 pages, 49,99 euros