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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
3 avril 2014

USA-Arabie Saoudite : la fin d’une alliance privilégiée

A l’issue de son périple européen, le président Obama a fait un détour par le royaume saoudien pour y rencontrer le roi Abdallah. Alliés depuis les années trente, Washington et Riyad n’ont plus aujourd’hui le même regard sur le monde et prennent leur distance l’un de l’autre. Retour sur une alliance vieille de quatre-vingt ans et aujourd’hui dépassée.

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Le 28 mars, Barack Obama a fait une escale à Riyad, capitale de l’Arabie Saoudite, avant de s’en retourner à Washington. Escale bien brève, puisqu’il n’a passé qu’une soirée sur place.   Le président américain  s’est entretenu avec le roi Abdallah. Une rencontre délicate. L’Arabie Saoudite est le plus ancien allié des Etats-Unis au Moyen Orient. Mais cette alliance semble désormais appartenir au passé, même si aucun des deux partenaires n’est prêt à le reconnaître.
L’entente américano-saoudienne remonte aux années trente et au président Franklin Delano Roosevelt. L’accord de départ était simple. Abdelaziz Ibn Seoud, le chef de clan qui avait conquis et unifié ce royaume donnait aux Américains l’exclusivité de l’exploitation des ressources pétrolières récemment découvertes contre une rente annuelle. Au sortir de la seconde guerre mondiale cet accord s’était doublé d’une clause de sécurité. Face à la montée des nationalismes arabes, et face à la menace soviétique, les Etats-Unis s’engageaient à garantir la sécurité du royaume et celui-ci s’engageait en retour à garantir l’approvisionnement énergétique des Etats-Unis.

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Cet accord fut mis à mal une première fois en 1973 lors du premier choc pétrolier, puis en 1979 lors du second. Il apparut dès lors que cette alliance était en porte-à faux avec une autre alliance, encore plus importante pour les Etats-Unis, celle avec l’Etat d’Israël. La première était stratégique, la seconde était quasi filiale. Pour résoudre la tension suscitée par ces deux alliances contradictoires, les Etats-Unis s’efforcèrent de trouver une solution au conflit du Proche-Orient. Un effort qui collait par ailleurs au rôle de gendarme du monde que l‘Amérique avait endossé à partir de 1945.
La fin de la guerre froide, les retombées de la première guerre du golfe et les attaques du 11 septembre sont venues bouleverser cette architecture stratégique. Certains aux Etats-Unis ont dénoncé le double jeu de Riyad, à la fois bénéficiaire de l’aide américaine et premier trésorier des mouvements intégristes sunnites dans le monde, terreau d’organisations terroristes comme Al Qaida.

USA Saudi Arabia George W


L’administration Bush, animée par les néo-conservateurs, se résolut alors à favoriser une transformation radicalement le Moyen Orient. Le plan pour un Grand Moyen Orient, conçu en 2002, consistait à introduire la démocratie et l’économie de marché, au besoin par la force,  pour vaincre la pauvreté et l’exclusion politique. La croissance économique et l’ouverture des frontières couperaient alors naturellement l’herbe sous le pied des revendications terroristes. La guerre en Irak a démontré combien l’analyse des stratèges américains était naïve.
Elu à la Maison Blanche en 2008, Barack Obama hérita d'une situation désastreuse et décida d'en sortir, en éliminant la dépendance des Etats-Unis  au pétrole du Moyen Orient. Un rêve américain vieux de quarante ans, soudain rendu possible par la révolution du gaz de schiste. 

oil and gas revolution, horizontal drilling

 

Du coup Obama s'est employé à désengager les Etats-Unis sur tous les fronts, aussi bien celui d’Irak que celui des négociations israélo-palestiniennes (jusqu'à récemment). Quand est survenu le printemps arabe, Obama s’est rangé avec les forces dites « démocratiques », c’est-à-dire la rue, contre les régimes en place, de Ben Ali à Hosni Moubarak, alors même que ceux-ci avait bénéficié du soutien des Etats-Unis pendant des années. La famille royale saoudienne qui se maintient au pouvoir en gardant une poigne de fer sur la société saoudienne a compris les implications de cette attitude. En cas de soulèvement intérieur, le vieil allié américain ne ferait rien pour lui venir en aide. Au contraire.

Middle East CentCom

Depuis deux autres évènements sont venus envenimer un peu plus encore la relation américano-saoudienne. La guerre civile syrienne d’une part,  les négociations sur le nucléaire iranien d’autre part.

Dans le conflit syrien, Riyad a pris parti en faveur des insurgés. Parce qu’il s’agit de sunnites en lutte contre le pouvoir chiite de la famille Assad, et parce qu’un changement de régime affaiblirait un de ses rivaux dans la région. Washington, de son côté a tergiversé. Après avoir appelé de ses vœux la chute d’Assad, Obama s’est bien gardé d’intervenir sur le terrain pour la favoriser. Au contraire de ce qui s’était passé en Libye. Même, l’utilisation d’armes chimiques par le régime, une ligne rouge à ne pas dépasser avait prévenu la Maison Blanche n’a suscité qu’une réprimande verbale.

shale gas boom

Dans les négociations autour du programme nucléaire iranien, Washington et les Européens ont fait preuve de mansuétude face aux négociateurs de Téhéran. Une mansuétude que les Saoudiens assimilent à de la naïveté. Pour eux Téhéran cherche à gagner du temps et son programme nucléaire n’a qu’un seul objectif, fournir une bombe atomique au régime des mollahs. Un tel évènement bouleverserait l'équilibre des forces au Moyen Orient et dans le monde. Car dès lors les musulmans sunnites, saoudiens en tête, seraient obligés d’avoir aussi leur bombe pour rétablir une forme de parité avec les musulmans chiites du camp iranien. Bref ce serait une nouvelle escalade. Les Saoudiens reprochent à Barack Obama de prendre un risque considérable qui met en danger leur avenir et celui de la région. 

 Saudi-kings

Dès lors le lien, vieux de huit décennies, entre Washington et Riyad est fragilisé. Il faudra plus qu’une visite d’un soir pour le raccommoder. Les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite restent de très proches alliés, et Riyad demeure un des premiers clients de l’industrie d’armement américaine. Mais les intérêts régionaux des deux nations étant désormais divergents, leurs prises de position le seront inévitablement de plus en plus à l’avenir.
Ce qui demeure est l’intérêt des Américains pour un prix du pétrole stable et un marché bien approvisionné. Dans cette optique, la perspective d’une guerre de succession au  royaume saoudien serait des plus malvenues. Or, le 27 mars, à la veille de la venue d’Obama, le roi Abdallah a nommé, par décret, un nouveau successeur.

Saudi Arabia, King Abdallah and his Brother Salman

Abdallah est âgé de 90 ans. Selon la règle, le pouvoir se transmet de frère en frère selon le droit d’ainesse entre les nombreux fils d’Abdelaziz Ibn Séoud ( il en a eu plus de 50 de 32 épouses différentes). Le prince héritier désigné est Salmane Ben Adbelaziz, âgé de 79 ans. On le dit malade. Pour rajeunir le pouvoir, Abdallah a donc obtenu  du Conseil d’Allégeance que son frère Moqren, âgé de 69 ans, soit désigné second en ligne de succession. Ce qui en ferait le prince héritier en cas du renoncement (probable) de Salmane. Dans une telle hypothèse, Abdallah a souhaité que son propre fils Mitab, âgé de 62 ans, devienne alors second dans l’ordre de succession. Selon certaines sources les Américains auraient plutôt souhaité voir le prince Mohamed Ben Nayef, âgé de 54 ans et actuel ministre de l’Intérieur, accéder au trône ! Mais il n’appartient plus à Washington de décider qui règne à Riyad…

Hillary_Rodham_Clinton_and_Prince_Mohammed_bin_Naif_bin_Abdulaziz_after_signing_ceremony_2013-01-16

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