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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
17 juillet 2022

Biden au Proche-Orient : de l'embarras à la honte

 Joe Biden Israël trip 2022

Joe Biden vient d’effectuer une visite en Israël et en Arabie Saoudite, les deux alliés les plus importants des Etats-Unis au Proche-Orient. Deux nations emblématiques des paradoxes et contradictions de la politique étrangère américaine dans cette région, puisqu’elles-mêmes, si elles ne sont plus ennemies, au nom d’un ennemi commun l’Iran, n’entretiennent néanmoins pas de relations diplomatiques l’une avec l’autre…

Le déplacement du président américain avait deux objectifs : un, rassurer Israël face à la menace iranienne, deux obtenir des Saoudiens qu’ils mettent plus de pétrole sur le marché pour contenir la spirale haussière du prix du brut et de l’essence à la pompe.

Biden n’a accompli ni l’un, ni l’autre de ces deux objectifs. Pire, il a déçu ses supporters (encore une fois) en faisant exactement ce qu’il avait promis de ne pas faire, en l’occurrence rencontrer le prince Mohamed Ben Salman (MBS), héritier désigné du trône saoudien, que les services secrets américains accusent du meurtre d’un journaliste américano-saoudien en 2018. Mais Biden n’en est plus à une contradiction près, et de toutes façons la majorité des journalistes qui le suivent, feront le silence sur ces erreurs par esprit de corps envers un président qui est Démocrate, comme eux, et pour qui ils ont très majoritairement voté en 2020!  

Joe Biden and Mohamed Ben Salman fist bump

Il n’empêche, Joe Biden a offert de l’Amérique le visage d’une nation fatiguée, confuse et indécise. Exactement l’inverse de ce que les circonstances internationales exigent.

En Israël, Biden a rappelé son amour personnel du pays et l’attachement stratégique des Etats-Unis. Biden est sioniste. Et se revendique comme tel. Il y voit un point d’honneur. C’est tout à son honneur.

Toutefois sa vision de la réalité régionale est forgée dans les couloirs confortables de Foggy Bottom, le département d’Etat américain, et dénuée de considération pour les réalités du Proche-Orient, voire du monde. Joe Biden, et son secrétaire d’Etat, Anthony Blinken veulent croire à un monde régi par les règles du droit  (« Rules based international order » selon le vocable anglais inlassablement repris par les officiels américains). Mais ils sont désemparés face à tout acteur outrepassant la « force du droit » pour imposer « le droit de la force », telle la Russie face à l’Ukraine, l’Iran face à Israël, la Corée du Nord face à celle du sud et la Chine face à Hong Kong ou Taïwan.

Joe Biden & Anthony Blinken

Ils viennent à nouveau d’en faire la démonstration.

A Jérusalem, à l’issue de ses discussions avec le premier ministre Yar Lapid, Biden a signé une déclaration commune qui réitère « le ferme engagement des Etats-Unis à préserver et renforcer la capacité d’Israël à contrer ses ennemis, et à se défendre contre toute menace, ou combinaison de menaces…». Ce texte rappelle aussi « les Etats-Unis sont déterminés à ne jamais autoriser l’Iran à acquérir l’arme nucléaire et à utiliser tous les éléments de leur puissance pour garantir cet objectif. » « Tous les éléments », cela signifie la force militaire si nécessaire.

Joe Biden in Israel Yar Lapid

Néanmoins le président Biden n’a pas voulu définir une date limite aux négociations en cours pour un retour au JCPOA, le fameux accord sur le nucléaire iranien conclus en 2015 sous la présidence de Barack Obama et rejeté deux ans plus tard par le président Donald Trump. Pas plus qu’il n’a souhaité évoquer une « ligne rouge » concernant les actions de l’Iran susceptibles de stopper les négociations et de justifier de nouvelles sanctions.

JCPOA partenaires

Au grand dam de son interlocuteur israélien qui a rappelé que le seul langage que les mullahs de Téhéran comprennent est celui de la force, ou de la menace de la force. En l’absence de cette menace, ils poursuivront leur quête pour une bombe. « Les mots seuls n’arrêteront pas (les Iraniens), a dit M. Yar Lapid, la diplomatie ne les arrêtera pas, la seule chose qui les arrêtera est de savoir que s’ils poursuivent leur programme nucléaire, alors le monde libre utilisera la force contre eux… Seule une menace militaire crédible les arrêtera. »

En attendant, l’Iran a profité de la guerre en Ukraine pour choisir clairement son camp et se rapprocher un peu plus de la Russie. D’ailleurs le président Poutine est attendu à Téhéran, entre autres pour finaliser l’achat de drones d’attaques…

Après Israël, et un bref entretien à Ramallah, avec le dirigeant de l’Autorité Palestinienne, le président Biden s’est rendu à Jeddah, en Arabie saoudite, pour des entretiens avec ses dirigeants. C’était l’étape la plus attendue de son voyage.  

FDR with Ibn Seoud

L’Arabie Saoudite est le premier allié des Etats-Unis au sein du monde arabe. Cette alliance remonte aux années 1930 et fut officiellement scellée par le  président Franklin Roosevelt et le roi Ibn Séoud en 1945. Protection américaine pour la monarchie saoudienne en échange d’un flot ininterrompu de pétrole bon marché de l’Arabie saoudite vers les Etats-Unis, et le reste du monde.

Jamal Kashoggi

Cette alliance a connu des vicissitudes. Mais elle a toujours enduré et survécu. Vicissitudes liées à la guerre israélo-palestinienne dans les années 1960 et 1970, ponctuées par un premier embargo sur le pétrole en 1973. Vicissitudes liées aux attaques du 11 septembre 2001, perpétrées par dix-neuf terroristes, dont seize étaient de nationalité saoudienne, et dont le chef et commanditaire Oussama Ben Laden était lui-même un riche héritier saoudien. Mais jamais cette alliance ne fut rompue, malgré des critiques et dénonciations récurrentes au Congrès. Jusqu’à la mort du journaliste americano-saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien d’Istanbul en 2018.

Trump & MBS

Kashoggi était un critique du régime, et sa mort a été attribuée aux services secrets saoudiens placés sous la responsabilité de Mohammed Ben Salman, le prince héritier. Au passage MBS était un ami personnel de Donald Trump, alors président des Etats-Unis et de son gendre Jared Kushner. Au nom de la décence et des droits de l’homme, certains ont alors exigé que les Etats-Unis cessent toute relation avec le royaume. Trump avait promis de faire la lumière sur la mort de Kashoggi et d’en tirer les conséquences. Ce qui avait suscité une réponse cinglante des saoudiens, via le ministère des affaires étrangères : « Si des mesures sont prises contre nous… nous répondrons par des mesures encore plus sévères. » Sous-entendu, le flot de pétrole sera affecté, avec une incidence négative majeure sur l’économie de la planète.

Saudi Arabiaz oil & gas deposits

Être le premier exportateur de pétrole, et détenir parmi les plus importantes réserves d’hydrocarbures, ce qui est le cas de l’Arabie Saoudite, confèrent une certaine puissance… La réponse du président Trump à cette menace fut tout aussi cinglante, le temps était venu pour l’Amérique, dit-il, de se passer du pétrole saoudien. Ce qu’elle pouvait faire compte tenu de ses propres réserves en pétrole et en gaz naturel, dont l’exploitation était désormais possible grâce aux avancées technologiques.

Trump promit donc de concrétiser l’objectif, affiché mais jamais atteint, de tous ses prédécesseurs depuis Richard Nixon en 1973, parvenir à l’indépendance énergétique des Etats-Unis. Et il tint parole. Dès 2020 les Etats-Unis devinrent exportateur net d’hydrocarbures. Certes ils continuaient d’en importer, pour maintenir un « mix » dans leurs sources d’approvisionnement, mais ils n’étaient plus dépendants de livraisons de pétrole extérieures, qu’elles fussent d’Arabie Saoudite ou d’ailleurs.

oil and gas revolution, horizontal drilling

Le prix du brut s’en était d’ailleurs ressenti. En novembre 2020, à la date de l’élection présidentielle américaine il était tombé à 43 dollars le baril. L’essence à la pompe aux Etats-Unis coûtait deux dollars en moyenne. Mais Biden a remporté cette élection.

Dès son entrée à la Maison Blanche Joe Biden  a déclaré que l’ère des « fuels fossiles » devait se clore, parce que leur exploitation est une importante source d’émissions de CO2 et que celles-ci contribuent au supposé réchauffement climatique. Adieu le pétrole, bienvenue au « Green New Deal ». La suite de l’histoire n’a pas été à la hauteur des promesses. Immédiatement les prix du brut et de l’essence à la pompe sont repartis à la hausse. La production américaine a chuté de plus d’un million de barils par jour et les énergies renouvelables n’ont pas été capables de prendre le relais (ce que tout le monde savait déjà). Sur ce, la montée des tensions avec la Russie autour de la question de l’Ukraine, et finalement le déclenchement de la guerre par la Russie le 24 février 2022 ont fait exploser les cours, plaçant l’Europe sous la menace directe d’une pénurie de gaz cet hiver…

Gas price out of control U

Mais droit dans ses bottes et rigide comme seul un dirigeant guidé par l’idéologie, et non la raison peut l’être, Joe Biden a refusé de relancer la production américaine. Provoquant une envolée sans fin des prix à la pompe qui dépassent désormais sept dollars dans certains Etats américains. Faute de production domestique, il n’a donc eu d’autre choix que de se tourner de façon humiliante vers le vieil allié saoudien…  Le but le plus immédiat de son déplacement au Proche Orient est là ! Obtenir un engagement de Ryad à faire baisser les cours et garantir l’approvisionnement. Comme au bon vieux temps de l’alliance entre FDR et Ibn Séoud.

Et peu importe que le royaume bafoue les droits de l’homme (et des femmes surtout). Nécessité fait loi.

Ainsi Joe Biden qui s’était vanté en 2018 de vouloir faire de Mohammed Ben Salman un « pariah », et de briser les liens avec une Arabie saoudite aux mœurs rétrogrades (non seulement le mariage gay n’est pas autorisé en Arabie saoudite mais l’homosexualité, masculine ou féminine, y est passible de la peine de mort)  a dû se rendre sur place et tendre la main, tel un mendiant désemparé… Car en vérité la demande américaine n’est pas nouvelle. C’est la quatrième fois en un an que les Etats-Unis implorent ainsi l’Arabie saoudite.

Jake Sullivan

 La première demande date d’août 2021. Par la voix de Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale, les Etats-Unis avaient officiellement enjoint tous les pays membres de l’OPEC, organisation de pays producteurs de pétrole dominée par l’Arabie saoudite, d’augmenter leur production, pour faire baisser les cours et soutenir le redressement international post-Covid. Sans résultat.

La seconde date de décembre 2021. Jennifer Granholm, la secrétaire de l’intérieur américaine, éprise d’écologie, avait accusé les Saoudiens de menacer l’économie mondiale en refusant d’augmenter leur production.

Jennifer Granholm

La troisième date d’avril 2022. William Burns, directeur de la CIA, s’est lui-même déplacé à Riyad pour y rencontrer Ben Salman et réitéré la demande américaine.

Rien n’y fit et la visite de Biden risque de ne rien y changer ou presque. C’est une mesure de la faiblesse actuelle des Etats-Unis que de constater à quel point leurs souhaits sont ignorés par le reste du monde.  

Joe Biden mid east trip

Qui craint l’Amérique aujourd’hui ? Et qui écoute ce que son président raconte ? Critiqué de part et d’autre et en particulier par Bernie Sanders, pour sa rencontre avec Ben Salman et son salut « poing contre poing », le président Biden a affirmé qu’il avait soulevé auprès de lui la question des droits de l’homme et celle du meurtre de Khashoggi. Interrogé pour confirmer ce point, le ministre saoudien des Affaires étrangères, présent lors de la réunion, a répondu d’un simple « non ». La parole du président américain est décidément dévaluée.

 

 

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