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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
2 novembre 2013

Littérature: les "gays" et la plume

les Anges batailleurs

« La révolution gay  fut d’abord et avant tout une révolution littéraire. »… « Après-guerre une poignée d’écrivains homosexuels audacieux décidèrent d’exploiter leur expérience personnelle dans leur œuvre»…  « Moi-même je suis d’abord un romancier, un romancier gay ».
Ces quelques phrases relevées dans l’introduction d’Anges Batailleurs, essai de Christopher Bram  sur « les écrivains gays en Amérique de Tennessee Williams à Amistead Maupin » donnent  le ton. Il sera question d’écrivains américains étudiés via le prisme exclusif de leur identité sexuelle (revendiquée ou non) par un observateur partageant et revendiquant cette identité, comme un badge d’honneur, un signe distinctif. Un trophée presque…

tennesse williams

L’idée est qu’il faut relire ces auteurs avec en tête cette information nouvelle : Tennessee Williams, l’auteur d’ Un Tramway nommé Désir,  n’est pas simplement un dramaturge, c’est un « dramaturge gay»! Gore Vidal n’est pas qu’un romancier et essayiste, c’est un "romancier et essayiste gay ». Etc. Or, pour connaitre un peu la vie et l’œuvre de ces deux-là, disons poliment qu’ils auraient détesté et rejeté en bloc une telle approche. Mais étant morts ils auront du mal à empêcher aujourd’hui  pareille récupération.

Gore Vidal

Ce qui d’emblée invite une question : un auteur peut-il être réduit à son identité sexuelle ? Surtout si cet auteur a de son vivant nié l’importance et la signification  littéraire de cette identité, comme ce fut le cas pour Gore Vidal ou Edward Albee, amplement couverts dans l’ouvrage. « Je ne suis pas un écrivain gay » disait Albee, l’auteur de Qui a peur de Virginia Woolf ? , « Je suis un écrivain qui se trouve être homosexuel ».

Edward Albee

Mais c’est une des tares de notre époque, de même qu’une excroissance du communautarisme qui gangrène petit à petit la société américaine, que l’humanité de chacun se voit réduite à cette parcelle d’identité, principalement sexuelle ou ethnique,  qui permet de se démarquer le plus aisément de la masse des « hommes blancs hétérosexuels », étiquetés grand oppresseurs du monde par le crédo politiquement correct.

James Baldwin

Au passage de telles simplifications invitent d’autres questions : James Baldwin, descendant d’esclaves et auteur de La ConversionGo tell it on the mountain » en anglais),  doit-il être considéré comme un  « écrivain américain noir gay » ou comme un « écrivain gay noir américain » ?  Sachant que lui-même avait un jour dit « je suis un écrivain, tout court, j’aime travailler seul. »

C’est une manie très américaine et très ancrée dans le monde universitaire américain qu’au nom du droit à la différence et de l’affirmation de soi, on puisse imposer aux autres une vue du monde conditionnée par sa seul expérience, aussi subjective et limitée fut-elle.
Ainsi  parce que M. Bram est professeur à la New York University, critique littéraire et « d’abord gay », il nous faut relire des écrivains, dont l’œuvre tient parfaitement toute seule, sous le prisme de leur homosexualité.

truman-capote-and his Cat-alyst

Cela dit son texte est documenté et riche en anecdotes. Ses portraits d’écrivains sont vivants et agréables à lire. Ses pages permettent de passer en revue un demi-siècle de littérature américaine.
Si certains portraient collent à la culture homosexuelle, comme celui de Truman Capote ou Armistead Maupin, d’autres, celui de James Baldwin, soulignent  au contraire, combien ces auteurs avaient en tête d’autres revendications que celles liés à leur sensibilité sexuelle. Loin d’éclairer, un tel prisme, dès lors, obscurcit l’œuvre. Voire la détourne.  Loin d’ouvrir l’esprit, il limite l’entendement. Réduisant chacun et chacune à son identité sexuelle, quand celle-ci n’est qu’une composante parmi d’autres de complexes  qualités humaines.
Heureusement ce prisme prête aussi à sourire. Dans son chapitre sur Edward Albee, Bram se plaît à souligner combien cet auteur a dénoncé, à travers ses personnages de Martha et George, les vieux époux qui se déchirent dans sa pièce la plus célèbre Qui a peur de Virginia Woolf ?,  les mensonges, non-dits, frustrations et autres jalousies du mariage bourgeois. Il sera heureux d’apprendre que désormais ce privilège n’est plus réservé aux seuls hétérosexuels…

whos-afraid-of-virginia-woolf

Les Anges Batailleurs, les Ecrivains gays en Amérique de Tennessee Williams à Armistead Maupin, Christopher Bram, éditions Grasset, 400 pages, 22,00 euros

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