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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
21 mai 2015

Small Town America: Au commencement était Peyton Place

« Les petites villes ont beaucoup de mémoire et la langue pointue. » Grace Metalious.

Peyton Place

En 1956 parut aux Etats-Unis un roman qui allait faire date, « Peyton Place », dû à la plume d’une mère de famille de 32 ans dont c’était le premier livre, Grace Metalious (de son vrai nom Grace DeRepentigny). Peyton Place était le nom d’une bourgade fictive de Nouvelle Angleterre, une de ces jolies petites villes de province, nichées au pied d’une colline, entre deux clochers, où il fait bon vivre même s’il ne s’y passe jamais rien. Sauf qu’à Peyton Place, il se passait plein de choses dont on ne parlait jamais parce qu’elles étaient  indicibles: adultères, viols, suicides, avortements clandestins (l’interruption de grossesse était alors interdite dans tous les Etats-Unis), incestes, meurtres… Bref à Peyton Place, les placards étaient pleins de squelettes, et Grace Metalious s’était fait un devoir de les ouvrir, pour faire, l’inventaire de leur contenu, au grand jour… Bien sûr, le roman fit scandale. Il fut même banni dans certaines villes. Mais il connut aussi un immense succès. Surtout auprès des lectrices américaines, dont beaucoup étaient persuadées que la bourgade fictive de Peyton Place s’inspirait de leur propre petite ville…

Peyton Place

Ainsi en dénonçant les crimes sordides tapis derrière la façade béate du « rêve américain », Grace Metalious avait mis à jour la nature véritable de  l’Amérique profonde. « Il se dit souvent qu’il ne se passe jamais rien dans les agglomérations comme Peyton Place, alors que les placards des gens sont pleins de squelettes qui, s’ils se mettaient à danser ensemble, feraient un raffut assez puissant pour qu’on l’entende jusqu’à la lune, » écrit-elle.

Grace Metalious

Peyton Place fut porté à l’écran, et devint même un feuilleton télévisé ! (totalement dénaturé d’ailleurs, car son immoralité n’était pas du tout du goût des chaines de télévision d’alors). Surtout, comme c’est souvent le cas des romans à succès, Peyton Place fut imité, dupliqué, copié, prolongé, décliné en autant de formes et modes que le public pouvait absorber. Le livre généra toute une production romanesque et télévisuelle autour des névroses cachées de l’Amérique, des frasques et scandales de la bonne société, qui jadis dissimulés, étaient soudain étalés au grand jour jusqu’à devenir une nouvelle « norme » dont plus personne ou presque ne semblait s’offusquer. De la Vallée des Poupées, un autre roman féminin où les « poupées » en question sont à la fois des femmes riches et désoeuvrés de Los Angeles et le surnom donné aux innombrables psychotropes qu’elles ingurgitent pour surmonter leurs angoisses et leur vide quotidiens, à la série Dynastie ; et de Dallas à Desperate Housewives, en passant par Moins que zéro de Bret Easton Ellis, et les interminables "soap opera", des centaines de  « trash stories» ont vu le jour dans le sillon brillamment tracé par Peyton Place.

La Vallée des Poupées

Le roman, réédité dans une  nouvelle traduction par les Presses de la Cité, se déroule à la fin des années 1930 et met en scène trois personnages principaux, tous féminins: Alison une adolescente qui veut devenir écrivain; Constance sa jeune mère officiellement  « veuve » mais qui ne fut jamais marié au père d’Alison, celui ci ayant déjà une autre famille…, et Selena, la meilleure amie d’Alison, qui habite une cabane dans les quartiers pauvres de la ville et est abusée par son beau-père un bûcheron alcoolique et violent…. Les autres « hommes » du roman sont des notables, le médecin, le riche patron de la grande entreprise de la région, et le directeur du journal local. Mis à part le médecin, ils sont aussi lâches qu’égoïstes et bien-pensants.
Peyton Place n’est pas un monument stylistique. Au contraire. Il est écrit sur un ton simple et direct. C’est ce qui fit d’ailleurs son charme et contribua sans doute à son succès. Le livre est le récit, comme non édulcoré, de faits considérés jusqu’alors comme tabous et touchant notamment à la sexualité féminine. Si la veine en a été surexploitée, il reste le texte original qui a donné ses codes au genre. Une lecture effroyable et inquiétante  qui, en presque soixante ans,  n’a rien perdu de son pouvoir de fascination.

Peyton Place movie adaptation

Peyton Place, Grace Metalious, avec une postface d'Ardis Cameron, "Relire Peyton place: la boite de Pandore"; 618 pages, 22 euros

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