Pendant ce temps… Ou Pourquoi l’Europe doit mettre sa maison en ordre

Une semaine à peine après la clôture du G20 de Cannes, consacré à la crise grecque et au sauvetage de l’euro, la moitié de ses participants se retrouvaient à Honolulu pour le sommet de l’APEC (Asia Pacific Economic Cooperation). Les média français n’en ont pas parlé. C’est dommage, car l’APEC, fondée voici 21 ans et qui regroupe 21 pays du pourtour pacifique, dont la Chine, le Japon, la Russie,  la Corée du sud et Singapour, vient nous rappeler que contrairement à la représentation du monde que nous, Européens,  avons encore en tête –représentation symbolisée par un planisphère dont l’Europe occupe le centre tandis que le Pacifique est repoussé aux extrémités et divisé en deux-  l’essentiel de la croissance économique et démographique de la planète, se trouve aujourd’hui dans cette région. 

Ces pays ont, rattrapé, en quelques décennies, notre niveau de vie, ou vont le faire,  et si l’Europe n’y prend pas garde, c’est elle qui se retrouvera marginalisée, oubliée par l’histoire, avec le seul réconfort du souvenir de sa grandeur passée.

Le président Obama, le sait. Pour la troisième année consécutive, il a profité de l’évènement pour effectuer une  tournée asiatique. Après Honolulu le 13 pour présider le sommet de l’APEC, il s’est envolé pour l’Australie et sera ce week-end à Bali, en Indonésie, invité pour le Sommet des pays de l’Asie du Sud–Est.

Que va-t-il dire à ses interlocuteurs asiatiques ? Que « l’Amérique est une grande puissance de la région Pacifique et qu’elle le restera » ! Que « la région Asie-Pacifique est vitale pour la croissance américaine », qu’ « aucune autre région du monde n’aura une influence comparable sur le devenir des Etats-Unis » !    Des affirmations qu’il répète depuis trois ans et a encore réitérées à Honolulu.

Ce mois-ci Hillary Clinton, secrétaire d’Etat américain, a publié un long article dans la revue Foregin Policy. Son titre ? « America’s Pacific Century » (Le siècle pacifique américain) ! Son propos ? rappeler que « l’avenir se décide en Asie et que les Etats-Unis entendent être au cœur de l’ action ». "Pour ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises américaines, pour contenir la prolifération nucléaire, pour assurer la liberté du commerce et de navigation sur les voies maritimes, notre engagement est essentiel à notre prospérité et à notre sécurité",  écrit-elle. 

Face à la zone euro et ses 17 membres, ou l’Union Européenne, ses 27 pays et 485 millions d’habitants, l’ APEC représente 2,5 milliards d’habitants. Soit 40% de la population du monde mais déjà 55% du PIB mondial et plus de la moitié du commerce. Son taux de croissance moyen sur les 10 dernières années dépasse 5% alors qu’il reste inférieur à 2% ici.

Au sein de cette région il y a deux poids lourds : la Chine et les Etats-Unis. Partenaires commerciaux et rivaux stratégiques. Et tous ceux qui pensent que l’Amérique, échaudée par ses difficultés en Iraq ou en Afghanistan, et au Proche Orient, serait tentée de s’en retourner chez elle ou de se contenter de ses échanges avec sa vieille amie l’Europe, se trompent.

L’Amérique voudrait-elle ignorer l’Asie qu’elle ne le pourrait pas. Elle est plébiscitée par les « petits pays » du Pacifique qui ont besoin de son appui pour peser face au mastodonte chinois.

Etranglée par sa dette, épuisée par ses dépenses publiques, prise en otage par de doux écolos qui veulent sacrifier son savoir-faire et la moitié de son approvisionnement en électricité,  L’Europe,  si elle veut compter à l’avenir, ferait bien de mettre sa maison en ordre.