En Librairie : La vérité sur l’Affaire Harry Québert, ou When Harry met Nora
Que se cache-t-il derrière les murs au couleur pastel des petites maisons de Nouvelle Angleterre ? Ces façades trop lisses ne masquent-elles pas quelques indicibles secrets ? Ces pelouses trop propres, ces rues trop calmes ne sont-elles qu’un décor trompeur qui habille de respectabilité l’âme noire de ses habitants… ?
Ce sont les questions qui viennent à l’esprit à la lecture du roman de Joël Dicker, La vérité sur l’Affaire Harry Québert. Un roman en abîme à la construction redoutablement habile.
L’intrigue s’articule autour d’un jeune écrivain à succès, Marcus Goldman. En panne d’inspiration, il rend visite à son vieux professeur de littérature, Harry Québert, romancier célèbre et adulé qui habite Aurora, localité paisible du New Hampshire. Québert lui avoue une lointaine histoire d’amour avec une jeune étudiante, Nora Kellergan, disparue en 1975. Or voici que l’on découvre le cadavre de la jeune femme dans le jardin de Québert. Avec, entre ses bras squelettiques, un manuscrit de l’écrivain. Québert est arrêté et risque sa tête ! Convaincu de l‘innocence de son mentor, Marcus décide de découvrir qui a tué Nora Kellergan…
Derrière cette énigme, digne d’un « mystery novel », comme les vieilles dames anglaises savent en concocter, Dicker s’amuse à décortiquer l’Amérique, ses faux semblants, son puritanisme de façade et le vampirisme de ses média, experts à créer des idoles et leur bâtir un piédestal pour mieux jouir du plaisir de les en voir tomber.
Au fur et à mesure des pages, qui se tournent avec plaisir et anticipation, on pense au roman Lolita de Nabokov, qui se déroule en Nouvelle Angleterre et dont le protagoniste est professeur de littérature. On pense aussi à Stephen King, natif du Maine, qui situe plusieurs de ses romans dans la région. Et l’on pense bien sûr à Phillip Roth, ponte nobélisable de la littérature américaine contemporaine, qui revisite l’inconscient de l’Amérique dans des romans dont les héros sont souvent professeurs de littérature.
Et surtout on pense au cinéma et à la télévision ! A ces films et séries qui à travers un meurtre, une enquête et un procès nous racontent l’Amérique. Depuis Alfred Hitchcock et «L’Ombre d’un doute », où le calme d’une charmante bourgade (Santa Rosa en Californie) était troublé par la venue d’un assassin en série, jusqu’à Twin Peaks de David Lynch, longue enquête sur le meurtre d’une certaine Laura Palmer, et plus récemment ces Desperate Housewives, professionnelles de la névrose qui cachent leur aliénation derrière une hyper-normalité et un porche fleuri.
Comme ces séries populaires, le roman de Dicker est avant tout un amusant divertissement.
La Vérité sur l’Affaire Harry Québert, Joël Québert, Editions De Fallois, 670 pages, 22 euros.