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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
27 octobre 2020

Cour Suprême des Etats-Unis: Amy Coney Barrett, une victoire pour Trump et pour l’indépendance de la Cour

 

Amy_Coney_Barrett_-_Taking_Oath

La confirmation du juge Amy Coney Barrett à la Cour Suprême des Etats-Unis, une semaine avant les élections, est une victoire majeure pour Donald Trump. Une victoire qui devrait galvaniser et mobiliser son camp pour ce scrutin.  C’est aussi l’histoire d’un arroseur arrosé, à savoir le parti Démocrate, pris dans un piège qu’il avait lui-même tendu.

 

Amy Coney Barrett, mère de famille de 48 ans, professeur de droit,  juge d’appel fédéral et catholique pratiquante,  vient d’être confirmée comme juge à la Cour Suprême des Etats-Unis par le Sénat, avec 52 voix en sa faveur et 48 contre. Aucun sénateur Démocrate n’a approuvé sa nomination. Un seul sénateur Républicain lui a tourné le dos, en l’occurrence une sénatrice, Susan Collins du Maine.

Amy-Coney-Barrett with president Trump

 

Ce vote reflète la division partisane qui règne désormais au sein de l’appareil législatif. Pour rappel en 1993, lors de la confirmation de Ruth Bader Ginsburg, juge nommée par le président Démocrate Bill Clinton,  le vote avait été de 97 voix pour et 3 contre. Tous les Républicains, ou presque, avaient approuvé la nomination de Madame Ginsburg, sur ses compétences de juge, pas sur ses idées, puisqu’elle était déjà alors connue pour ses opinions très progressistes. Ce n’est à l’évidence plus le cas aujourd’hui. Personne du côté Démocrate n’a contesté les qualifications de Madame Barrett, mais tous ont critiqué ses positions idéologiques et le processus.

 

Le juge Barrett va donc prendre place sur le banc de la Cour Suprême, à côté de ses huit collègues, six hommes et deux femmes. Sa présence vient renforcer le camp des juges dits « conservateurs », désormais au nombre de six, (John Roberts, Clarence Thomas, Samuel Alito, Neil Gorsuch, et Brett Kavanaugh, plus Amy Coney Barrett) face à trois juges « progressistes » (Stephen Breyer, Sonia Sotomayor et Elena Kagan).

Amy Coney Barrett and family in Oval Office

 

Elle est la cinquième femme à siéger à la Cour et elle est surtout le troisième juge nommé par le président Donald Trump. Quoi qu’il arrive mardi prochain, que Trump emporte un second mandat ou pas, le président aura marqué de son empreinte la Cour Suprême – ainsi que l’ensemble de l’appareil judiciaire – par ses très nombreuses nominations de juges conservateurs.  Ces nominations auront des répercussions dans le vie quotidienne des Américains, car elles donneront une coloration plus conservatrice et moins progressiste aux décisions de justice. C’est capital et les Républicains devraient en être reconnaissant au président Trump. Car récemment cet appareil judiciaire a été quelque peu détourné de sa fonction pour devenir une annexe de l’appareil législatif, et un rouage majeur de la machine progressiste.  Une manœuvre initiée voici un demi-siècle par des Démocrates et qui vient finalement de se retourner contre eux…

Justice Ruth_Bader_Ginsburg_official_SCOTUS_portrait

 

Voici l’explication.

 

La Cour Suprême constitue le sommet de la troisième branche du pouvoir aux Etats-Unis, le pouvoir judiciaire. Elle a été créée par l’article III de la Constitution de 1787 (ratifiée en 1789). Les articles I et II étant consacrés respectivement au Congrès et à la Présidence.

 

La cour Suprême est l’arbitre ultime de tous les litiges, et l’interprète final de la Constitution. Elle peut invalider un texte de loi ou un décret présidentiel si elle les estime « inconstitutionnels ». Elle peut aussi dire la loi et même faire la loi car ses décisions font jurisprudence. Elle est l’aboutissement de toutes les poursuites judiciaires, la plus haute cour de justice.

Supreme_Court_of_the_United_States_-_Roberts_Court_2017

 

La Cour suprême est composée de neuf juges, dont l’un a le titre de « président », (actuellement il s’agit du juge John Roberts), et les autres le titre « de juge associé ». Les décisions se prennent à la majorité simple. Donc, si au moins cinq des neuf juges sont d’accord sur un point leur jugement s’inscrit dans le marbre. Au moins jusqu’à ce qu’un autre jugement vienne le compléter, le limiter ou l’invalider (fait rare).

 

Les juges sont nommés à vie par le président, et leur nomination doit être approuvée par le Sénat.  Ils et elles sont irrévocables, mais peuvent décider de se retirer ! Ils n’ont de compte à rendre à personne, si ce n’est eux-mêmes, puisque leurs décisions doivent être consignées dans des « opinions » et donc argumentées. Pour chaque décision, il existe une « opinion majoritaire » et une « opinion contradictoire ou minoritaire ».

Juge John Roberts

 

Au cours des dernières décennies la Cour Suprême est devenue un élément clé du dispositif institutionnel aux Etats-Unis. Les avocats, et les militants de diverses causes, de l’immigration aux libertés sexuelles en passant par la dépénalisation des drogues et le droit de port d’arme, ont compris la capacité de la Cour Suprême à faire évoluer les règles de la société, sans passer par l’appareil législatif, donc sans passer par le peuple.

 

Le déclic est venu en 1973 lorsqu’une certaine « Jane Roe » (pseudonyme d’une jeune mère de famille du Texas) obtint gain de cause dans son procès contre l’Etat du Texas qui interdisait l’avortement. Basant sa décision sur le XIVe amendement de la Constitution (qui protège les citoyens contre toute forme de discrimination) et l’existence d’un droit à la vie privée exprimé dans le 1er amendement de la même Constitution, la Cour décida à 7 voix contre 2 que l’Etat du Texas ne pouvait empêcher madame Roe de recourir à un avortement si tel était son souhait. En interdisant à un Etat d’interdire l’avortement, la Cour Suprême légalisa de facto la procédure pour l’ensemble des Etats-Unis…

 

En quelques lignes les neuf juges d’alors (tous des hommes) étaient parvenus à accomplir ce qu’aucune législature n’aurait pu faire, car jamais le Congrès n’aurait pu passer une loi autorisant l’avortement,  qui fut acceptée par les cinquante Etats.

anti-abortion-afp

 

Grace à ce détour, ou détournement dirent certains, l’avortement devint légal à travers le pays, sans que les électeurs aient été consultés, et alors que des millions d’Américains étaient opposés à cette pratique. Les socio-libéraux comprirent immédiatement l’arme que pouvait constituer la Cour Suprême et ils décidèrent que dès lors les juges nommés devraient passer sous les fourches caudines de la machine progressiste, via le processus de confirmation du Sénat,  afin de garantir que les droits acquis ne soient pas battus en brèche par quelque juge trop conservateur.

Robert Bork

 

Le premier juge à devoir affronter ce criblage fut un certain Robert Bork, nommé à la Cour Suprême par le président Ronald Reagan en 1987. Bork était un juge conservateur, bourru, en décalage avec la société permissive et hédoniste des années 1970-1980 et il se heurta à l’opposition farouche de la commission judiciaire du Sénat dont le président était le sénateur du Delaware, un certain Joe Biden ! La candidature du juge Bork fut retoquée. Non parce qu’il n’était pas qualifié. Mais parce qu’il ne pensait pas comme il faut! Les Démocrates du Sénat venaient de « politiser » la Cour Suprême et le processus de nomination dès lors  ne serait plus jamais le même.

Joe Biden senate judiciary committee

 

Cette politisation fonctionnait à l’avantage du parti de l’âne (les Démocrates) et de la gauche. A la place de Robert Bork, Ronald Reagan désigna Anthony Kennedy, un juge plus modéré de Californie qui n’eut aucune difficulté à être confirmé et ne cessa de rallier le camp des progressistes dans ses décisions.

 

Ainsi les Démocrates disposaient-ils, à travers la Cour Suprême d’un outil de plus pour faire avancer leur agenda. Le mariage homosexuel fut légalisé en un tour de main, sans faire débat tant l’argument juridique avancé était imparable. L’idée que le mariage ne peut qu’impliquer un homme et une femme n’étant nulle part inscrite dans la Constitution, empêcher un Américain ou une Américaine d’épouser celui ou celle qu’il ou elle aime, devient une forme de discrimination et doit être banni… Le juridisme ne se mêle pas de civilisation, ou de morale, il se contente d’interpréter les textes…

Justice Anthony_Kennedy_official_SCOTUS_portrait

 

Pourtant ce système a fini par se gripper. Car les circonstances se sont finalement et brusquement retournées contre les Démocrates.

 

Après Reagan, le président Bush put nommer deux juges, le président Clinton, deux, puis George W. Bush deux à son tour, Obama également ; de sorte que le profil idéologique de la Cour, à l’avantage des progressistes, ne fut jamais durablement affecté. Tout a changé en 2016. A cause de la défaite inattendue d’Hillary Clinton à la présidentielle.

Antonin Scalia

 

Au printemps 2016 le juge Antonin Scalia, chef de file des conservateurs à la Cour, est décédé brutalement. Barack Obama occupait encore la Maison Blanche. Il nomma un nouveau juge, un certain Merrick Garland. Remplacer le plus conservateur des neuf juges par une figure progressiste était une aubaine formidable pour le premier président noir. Toutefois les Républicains étaient majoritaires au Sénat et ils refusèrent – usant d’artifices procéduriers– de prendre en considération cette nomination. Une élection présidentielle approchait, peut-être leur serait-elle favorable ? Ils n’avaient rien à perdre. Et en cas de victoire du candidat Républicain, ils pourraient remplacer le juge Scalia par un autre conservateur et préserver leur rang au sein de cette institution.

 

Le candidat républicain en question fut Donald Trump. C’est peu dire que d’affirmer que les Démocrates ne le prirent pas au sérieux. Convaincu de la victoire d’Hillary Clinton, Obama n’insista guère pour pousser la candidature de Garland, persuadé qu’Hillary Clinton reprendrait le flambeau et que le Sénat ne pourrait repousser l’échéance indéfiniment.

Neil Gorsuch swearing in ceremony

 

L’invraisemblable se produisit et c’est Trump qui fut élu. Il nomma immédiatement le juge Neil Gorsuch qui fut confirmé en 2017. Dans la foulée ou presque le juge Kennedy décida de prendre sa retraite à 82 ans, offrant à Donald Trump l’occasion de nommer un second juge. Ce fut Brett Kavanaugh.  En septembre 2020, Ruth Bader Ginsburg, qui souffrait d’un cancer depuis de longues années et qui était âgée de 87 ans, est également décédée. Offrant à Donald Trump une troisième nomination avant la fin de son premier mandat. Un cas exceptionnel dans l’histoire américaine.

Brett Kavanaugh confirmation 1

 

Ruth Ginsberg était l’icône de la gauche progressiste au sein de la Cour Suprême. Elle aurait pu se retirer durant les huit années de la présidence de Barack Obama, offrant à un président Démocrate l’occasion de la remplacer par quelqu’un d’idéologiquement proche. Elle ne le fit pas. Préférant peut-être se retirer sous la présidence attendue d’Hillary Clinton. Mais les aléas électoraux ont bouleversé son plan.

Ruth Ginsburg memorial

 

 

A l’arrivée ces événements profitent aux Républicains, au-delà de leurs espérances. Si quelqu’un leur avait dit au moment du décès du juge Scalia, ramenant leurs rangs à trois juges, que cinq ans plus tard ils seraient six, ils ne l’auraient pas cru…

 

Donald Trump a donc consolidé la nouvelle majorité conservatrice au sein de la Cour. De là à imaginer que la Cour va être à ses ordres ou que l’ordre Républicain règnera aux Etats-Unis pour les décennies à venir, il y a un pas à ne surtout pas franchir. Les juges sont indépendants. Ils statuent en leur âme et conscience, en fonction de la loi, pas en fonction de leur idéologie. C’est du moins ce qu’ils sont supposés faire. Au cours de la seule année passée en dépit d’une majorité conservatrice de cinq juges contre quatre, la Cour Suprême a plusieurs fois pris des décisions à l’encontre des positions de Donald Trump.

Judge Neil Gorsuch with president Trump

 

Prétendre que la Cour Suprême sera désormais à la botte des Républicains est de la malhonnêteté intellectuelle. Rien de tel n’est acquis. Au contraire avec la nomination de la Juge Barrett,  la Cour Suprême retrouve un peu plus de son indépendance, et ses jugements reflèteront désormais beaucoup plus le respect des textes de loi que l’application des agendas politiques.

A moins que les Démocrates du Congrès ne cherchent à augmenter le nombre de juges siégeant à la Cour pour rétablir la majorité idéololgique qu'ils ont perdue... Mais c'est une autre histoire!

 

 

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