Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
France-Amérique le blog de Gérald Olivier
24 janvier 2021

"Trump Impeachment" : Episode 2 – ou L’Amérique à l’heure des procès politiques

 Donald Trump second impeachment

 Les procès politiques sont aussi vieux que les civilisations. De Socrate à Trotski en passant par Jacques de Molay, ils offrent un moyen aux détenteurs du pouvoir d’éliminer leurs adversaires, en se drapant dans le manteau de la justice. On les associe plutôt aux régimes autocratiques, tyranniques ou totalitaires et le vingtième siècle en a donné des dizaines d’exemples en URSS, en Asie, en Amérique du sud, ou dans les pays d’Afrique postindépendances.

 Habituellement, on n’associe pas ces procès aux régimes démocratiques. Là les électeurs sont censés avoir le privilège de trancher les différends politiques. Mais tout cela est en train de changer, car dans les semaines à venir la nation qui se présente comme la première démocratie du monde, les Etats-Unis, va tenir un procès qui ne peut être décrit que comme un procès politique, celui de l’ex président Donald Trump !

Donald Trump impeachment 1

 Sous couvert d’une procédure de destitution (« impeachment ») les élus Démocrates, non contents d’avoir remporté une élection présidentielle émaillée de contestations, vont tenter de rayer définitivement Donald Trump de la carte politique américaine, en le privant du droit de se présenter à un nouveau mandat électif. Ils peuvent le faire simplement parce qu’ils contrôlent l’appareil législatif.  Et qu’il n’en faut pas plus.

 Officiellement, il s’agira de protéger les institutions contre la menace que fait peser sur elles celui qui fut le 45e président des Etats-Unis. En vérité, ce sera un détournement de ces mêmes institutions pour asseoir leur pouvoir, diviser l’opposition et réduire au silence 75 millions d’électeurs.

Donald TRump save America Rally assault on capitol 2

 Les Démocrates ont en effet pris prétexte du coup de colère tragique des zigottos qui ont envahi le Congrès le 6 janvier pour dénoncer tous les électeurs de Donald Trump comme de dangereux « terroristes domestiques » et autres « suprémacistes blancs » qu’il importe de pourchasser et d’éradiquer, à commencer par leur chef.

 Le second procès en destitution qui s’annonce constitue un précédent dangereux et inquiétant pour l’avenir des Etats-Unis. Le plus désolant est que nombre d’acteurs et d’observateurs politiques ont décidé d’ignorer ce danger, motivés et aveuglés par leur haine  pour Donald Trump.  Seul point positif, l’issue du procès pourrait ne pas être celle souhaitée par ses promoteurs…

 Voici ce dont il s’agit dans le détail :

 C’est désormais acquis, le second procès en destitution du président Donald Trump débutera le 8 février. Les « articles de destitution », qui constituent l’acte d’accusation, votés par la Chambre des Représentants  le 13 janvier, vont être transmis au Sénat, et l’accusation ainsi que la défense auront quinze jours pour préparer leurs arguments.

Nancy Pelosi impeachment Trump number 2

 Ce sera le deuxième procès en destitution engagé contre Donald Trump. Le premier eut lieu il y a tout juste un an, du 16 janvier au 5 février 2020. Il avait débouché sur l’acquittement du président Trump.

 Ce nouveau procès connaîtra sans doute le même dénouement, un acquittement. Car pour condamner Donald Trump il faudrait que les deux tiers des sénateurs votent en ce sens. Soit tous les sénateurs démocrates (50) plus au moins dix-sept sénateurs Républicains. Pour l’heure,  à peine cinq ont indiqué qu’ils seraient prêts à le faire.

Donald TRump impeachment 1 acquitted

 Les Démocrates se font fort de convaincre une douzaine d’autres de tourner le dos au président battu. Leur principal argument pour cela est que Trump est désormais un produit toxique, un boulet politique, qui va plomber le camp Républicain et le futur de ses élus. Ceux-ci devraient tourner la page et s’en débarrasser au plus vite. Son procès en destitution est une occasion rêvée de le faire…

 On comprend l’intérêt des Démocrates à une telle manœuvre. Au mieux, ils obtiendront la destitution de Trump et une grande victoire politique. Au pire ils auront semé les graines de la division au sein du camp Républicain. Car nul doute que l’avenir de Donald Trump est la question fondamentale que ce parti doit résoudre dans les mois à venir. Par contre cautionner une manœuvre politicienne du parti adverse n’est pas forcément le meilleur moyen d’y parvenir. D’autant que pour l’instant les électeurs rejettent très majoritairement cette option. Selon un sondage récent plus de 70% des électeurs Républicains soutiennent toujours Donald Trump et considèrent qu’il est le leader du parti et le candidat naturel pour la présidentielle de 2024. Au passage, ils rejettent en bloc les accusations portées contre lui dans le cadre de sa destitution.

Donald TRump welcomed back home

 Cela n’est guère surprenant. Car ce nouveau procès est encore moins justifié que le premier.

La procédure de destitution est supposée être exceptionnelle et apolitique. Elle n’est pas destinée à se débarrasser du président simplement parce que sa politique déplait au parti adverse. Encore moins à éliminer un adversaire politique en le privant arbitrairement de ses droits civiques. Elle existe pour sanctionner des fautes graves, ou des violations de la Constitution.  

Au cours des deux premiers siècles de l’histoire américaine elle n’a été votée qu’une seule fois, en 1868, contre le président Andrew Johnson.

Au cours des vingt-cinq dernières années, par contre, elle a été utilisée trois fois, une contre le président Clinton en 1998 et les deux autres contre Donald Trump en 2019 et 2021.

 Pour rappel la destitution est un pouvoir donné au Congrès par l’article II, section 4,  de la Constitution et qui lui permet de renverser le président en exercice an cas où celui-ci aurait commis des « crimes et délits majeurs », dont « la trahison et la corruption » (« treason, bribery and other high crimes and misdemeanors »). En voici le texte complet :   « Le président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs. »

 D’emblée cela présente un problème. Car Trump n’est plus « président en exercice »  Son mandat s’est achevé pacifiquement le mercredi 20 janvier. Comment et pourquoi destituer un président qui a déjà quitté sa fonction? Comment justifier une procédure dont la finalité n’existe plus? On ne peut pas renvoyer quelqu’un d’un poste qu’il n’occupe pas…Certes, Donald Trump était encore président lors du vote de la Chambre, le 13 janvier, mais il ne  le sera pas lors de son procès. Dès lors, toutes les règles constitutionnelles attachées à la destitution peuvent être remises en cause. Il n’existe pas de précédent pour un tel cas de figure !

Donald TRump & Melania leaving white house 1

 Dans son déroulé cette destitution pose également des problèmes. En effet la procédure d’ « impeachment » compte trois étapes.

 La première étape est une enquête parlementaire. C’est-à-dire des audiences de la part de diverses commissions de la Chambre, en particulier la commission judiciaire, des rapports et des délibérations. Cette fois il n’y a pas eu d’enquête. Aucune audience. Aucun rapport. Aucun débat. Juste un vote, ordonné par Nancy Pelosi,  après deux heures d’exposés. Cela ressemble à une parodie de procédure, à un détournement des institutions par ceux qui contrôlent l’appareil législatif, les Démocrates.  

Nancy Pelosi

 La seconde étape est le vote des articles de destitution par la Chambre des Représentants. Ce vote doit être « bi-partisan », c’est-à-dire réunir largement des élus des deux partis pour illustrer son caractère apolitique. Dix élus Républicains, sur deux-cent-dix environ, ont rejoint leurs collègues Démocrates pour voter la destitution. Techniquement cela suffit à donner au vote un caractère « bi-partisan », mais c’est bien maigre.

 L’acte d’accusation est habituellement constitué de plusieurs crimes. Andrew Johnson, le premier président visé par une procédure en destitution fut l’objet de onze chefs d’accusation, Bill Clinton en 1998, trois, Trump en 2019, deux. Cette fois, un seul.  

Impeachment

 La dernière étape est le procès proprement dit. Celui-ci doit se dérouler devant le Sénat. Au complet ! Sous la direction du président de la Cour Suprême, actuellemenmt le juge John Roberts. Il est supposé monopoliser toute l’attention des sénateurs. En clair les travaux législatifs sont suspendus le temps du procès. Or, comme ce procès coïncide avec les premiers cent jours de la présidence de Joe Biden, le Sénat devrait être autorisé à poursuivre d’autres activités, comme les audiences de confirmation des membres du Cabinet en même temps que se déroulera le procès. Cela constitue un vice de procédure à résoudre.

Juge John Roberts

 Voilà pour la forme. Maintenant le fond.

 Quel est donc le « délit majeur» dont Donald Trump est accusé ? Réponse :« Incitation à une insurrection ». Selon l’acte d’accusation, dans un discours prononcé le 6 janvier devant des dizaines de milliers de personnes, le président aurait incité ses supporters à monter à l’assaut du Congrès pour tenter de renverser le gouvernement et inverser le résultat de l’élection présidentielle. Il aurait trahi son serment présidentiel, en mettant délibérément en danger les institutions qu’il était censé protéger. Ses agissements constitueraient un « acte de rébellion » contre les institutions américaines. Cet acte justifierait qu’il soit interdit de tout mandat électif à l’avenir conformément à une provision du 14e amendement. (Cet amendement qui date de 1868, était destiné à garantir les droits civiques des Noirs, et empêcher que des leaders sécessionnistes du Sud ne puissent retrouver un rôle politique).

 Le discours du président le 6 janvier constitue-t-il un « délit » ? et ce délit est-il passible de destitution ?

Donald Trump save america speech jan 6

 A ces deux questions la réponse est « non » !  Le président comme tout citoyen Américain bénéficie de la protection du 1er amendement de la Constitution, qui garantit la liberté d’expression. Alan Dershowitz, professeur émérite de droit à Harvard, a plusieurs fois développé cet argument. Le premier amendement garantit la liberté d’expression politique et le droit de rassemblement et le discours du président rentrait dans cette catégorie. Jonathan Turley, professeur de droit à Georgetown affirme la même chose, avec un peu plus d’ironie : « Tenir des propos exécrables ou odieux n’est pas un motif de destitution, si c’était le cas il n’y aurait plus personne à Washington. »

 L’argument des Démocrates sera de dire que, vu ses responsabilités, le discours du président n’est pas couvert par le premier amendement et que ses propos constituent une tentative d’interférence avec le processus électoral…

Donald Trump save America rally assault on Capitol 4

 Au-delà du premier amendement se pose la question de ce qu’est une « incitation » à la violence. Le président peut-il être tenu responsable des agissements de certains de ceux qui l’ont écouté ce jour-là ?

 La réponse est à nouveau deux fois « non » !

 Dans ses propos oraux, le président n’a pas incité ses supporters à prendre d’assaut le Capitol, il les a invités à « marcher jusqu’au Capitole » pour « montrer leur force », de façon « pacifique et patriotique » afin de «défendre leur pays ». Les formules qu’il a utilisées durant son discours sont les mêmes que celles d’innombrables leaders politiques ou syndicaux en des circonstances comparables. Et la mention du mot « pacifique » va à l’encontre d’une incitation à la violence.  

Donald TRump save America Rally assault on capitol

 Par ailleurs, dans le droit américain, le président ne peut pas être tenu pénalement responsable du comportement des personnes de son auditoire. D’abord parce qu’elles n’ont pas toutes réagi de la même façon. Sur les dizaines de milliers de personnes présentes, seules quelques centaines ont envahi le Capitole.  Le président ne peut être à la fois responsable de ceux qui n’ont rien fait d’illégal, et de ceux qui ont violé les lois. La loi veut que chacun soit responsable de ses actes. Comme l’explique encore le professeur Dershowitz, les casseurs du Capitole ne peuvent pas se défendre en disant « le président m’a dit de le faire », car ce principe n’est pas reconnu par le droit. En conséquence Donald Trump ne peut-être tenu responsable de leurs actes.

Donald TRump save America Rally assalut on Capitol 5

 Enfin se pose la question de la chronologie des évènements et de leur planification. Il semble que le FBI et la police de Washington DC avaient été prévenus de troubles projetés à l’occasion du discours du président. L’envahissement du Capitole avait été évoqué sur les réseaux sociaux dans les jours et même les semaines précédant le 6 janvier. Or si cette attaque avait été préméditée,  elle ne peut être imputée aux propos du président. D’ailleurs l’assaut contre le Capitole a commencé avant même que Donald Trump ait fini son discours… élément supplémentaire allant à l’encontre des charges retenues contre l’ancien président.

 De sorte que la légalité et la validité de la procédure de destitution engagée contre Donald Trump son loin d’être établies. Toutefois il ne s’agit pas ici d’un procès judiciaire mais bien d’un procès politique. Il s’agit d’éliminer Donald Trump.

Donald TRump 's popularity

 Même ex-président Trump conserve une stature imposante et une popularité intacte auprès de ses supporters. Pour ses détracteurs il s’agit de profiter de sa faiblesse actuelle pour l’empêcher de se relever. Au passage cela permet d’attiser les divisions internes au parti Républicain entre les supporters de Trump et ceux qui ne l’ont jamais aimé (les « never-trumpers ») ainsi que ceux qui pensent qu’il est temps de le lâcher.

 Diviser l’opposition est le plus vieil adage politique et les Démocrates seraient ravis de voir le parti Républicain exploser en deux tendances, une formation « trumpiste » et une autre, purement républicaine, incarnée par un Mitt Romney ou une autre figure de l’establishment. Car, dans un système politique dominé par le bi-partisme avec des élections décidées à la pluralité des votes dans un scrutin à un tour, cela leur garantirait de régner sans partage…

 Le procès de Donald Trump a donc pour objectif d’obliger les élus Républicains à choisir leur camp. Misant sur le fait qu’à 74 ans l’avenir politique de Donald Trump semble limité et que même si le « mouvement trumpiste » existe il devra se trouver à terme un nouveau meneur.

Toutefois Donald Trump est un battant et il a su, par le passé, déjouer les pronostics et se sortir des impasses...

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
France-Amérique le blog de Gérald Olivier
  • L'oeil d'un Franco-Américain sur l'actualité internationale, la politique, l'économie, la société américaines, et tout ce qui touche aux États-Unis. Je défends les libertés individuelles et dénonce la pensé unique et les folies progressistes.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
France-Amérique le blog de Gérald Olivier
Visiteurs
Depuis la création 369 174
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité