« Midterms » aux Etats-Unis: Pourquoi les Républicains vont remporter le Sénat.
La bataille s’annonce serrée, mais son issue devrait sourire aux Républicains. Il s’agit de la bataille pour le Sénat des Etats-Unis, enjeu phare des élections de mi-mandat qui auront lieu ce mardi 8 novembre.
Il est acquis que la Chambre des représentants va basculer en faveur des Républicains. La seule question est avec quelle marge. Les Républicains ont un retard de cinq sièges à combler et les prévisions les moins optimistes leur donnent un gain de quinze sièges.
Par contre, rien n’est joué au Sénat.
Actuellement Démocrates et Républicains sont à égalité. Cinquante sièges chacun. Grâce à Kamala Harris, la vice-présidente qui est aussi, de par la Constitution, présidente du Sénat, et qui peut apporter sa voix décisive en cas d’égalité de votes, ce sont les Démocrates qui contrôlent de facto cette « chambre haute » du Congrès.
Les Républicains espèrent retrouver la majorité qu’ils avaient entre 2014 et 2020.
Le Sénat étant renouvelé par tiers tous les deux ans, ce sont trente-quatre sièges qui sont à pourvoir. Parmi eux, vingt sont détenus par des Républicains et quatorze par des Démocrates. Les Républicains sont quasiment assurés de l’emporter dans dix-sept duels, et les Démocrates dans dix. De sorte que les projections donnent actuellement 47 sièges sûrs aux Républicains et 46 aux Démocrates, avec sept sièges incertains.
Ce sont ces sept duels serrés qui détermineront la couleur du Sénat. Ils ont lieu dans les Etats suivants (par ordre alphabétique) : Arizona, Géorgie, Nevada, New Hampshire, Ohio, Pennsylvanie, Wisconsin.
Revue de détails :
L’Arizona est un Etat de l’ouest, frontalier du Mexique au sud et de la Californie à l’ouest. C’est un Etat en pleine expansion économique, qui a toujours accordé une place de choix aux libertés individuelles, et à l’initiative économique privée. En clair il a longtemps penché à droite, avant de se recentrer, du fait d’une migration intérieure d’Américains venus du Nord-Est, et d’une communauté hispanique importante. Mais son électorat reste plutôt conservateur. Même ses élus démocrates sont des centristes, à l’instar de Krysten Sinema, jeune sénatrice élue en 2018.
Le deuxième siège de sénateur de l’Arizona est détenu par un autre démocrate, Mark Kelly, un ancien astronaute, élu de peu en 2020 pour achever le mandat de John Mc Cain, décédé. Il ambitionne d’être élu à un mandat complet de six ans, et se trouve opposé à Blake Masters, un dirigeant d’entreprise multi-millionnaire de 36 ans, soutenu par Donald Trump.
Les sondages donnent les deux hommes à égalité. Mais voici quelques jours le candidat du parti libertarien, Marc Victor, jusqu’alors troisième homme de la bataille, s’est désisté en faveur de Masters. Cet apport de voix inattendu pourrait suffire à faire pencher la balance en faveur du candidat Républicain. Car, comme à chaque fois en cas de duel serré ce sont les Indépendants et les indécis qui font la différence. Le parti libertarien est le parti des libertés individuelles, opposé à l’ingérence de l’Etat dans la vie privée des citoyens et opposés à l’extension infinie des politiques publiques chères aux Démocrates. Bref l’agenda libertarien se rapproche plus de l’agenda Républicain que des positions démocrates.
Une victoire de Blake Master serait un gain net pour le parti républicain, puisque le siège est détenu par un démocrate.
Par ailleurs les résidents de l’Arizona auront aussi à élire un nouveau gouverneur, ce mardi 8 novembre. Deux femmes se présentent, Kari Lake pour les Républicains et Katie Hobbs, actuelle secrétaire d’Etat, pour les Démocrates. Kari Lake est une ancienne présentatrice de télévision qui a embrassé l’agenda MAGA (« Make America Great Again » slogan de Donald Trump). L’ancien président est venu faire campagne pour elle en Arizona. Après un début de campagne difficile, les sondages ont basculé en sa faveur. Elle a conquis les électeurs par un discours clair et direct, bien au-delà de l’Arizona, et devance nettement son adversaire. Son élection probable devrait profiter à l’autre candidat républicain, Blake Masters.
Les deux campagnes électorales se sont articulées autour de la question de l’immigration clandestine. L’Arizona est en première ligne face aux entrées massives d’immigrants via la frontière mexicaine, alors que le gouvernement fédéral nie l’existence d’un problème. Nombre d’électeurs sont fatigués de la politique de la sourde oreille jouée par Washington et pourraient sanctionner massivement le parti de gouvernement.
Pronostic : un double Républicain ; Blake Masters élu au Sénat, Kari Lake élue gouverneur.
En Géorgie, le siège détenu par le démocrate Raphaël Warnock depuis 2021 est en jeu, cette fois pour un mandat complet de six ans. Son challenger républicain s’appelle Herschel Walker, c’est un ancien joueur de football américain, star de la NFL, dans les années 1980-1990.
Ce duel met aux prises deux candidats Noirs. Walker est un nouveau venu en politique. Il a bénéficié du soutien de Donald Trump, mais il a été pénalisé par son inexpérience et des attaques venues de sa propre famille. Warnock est un démocrate radical acquis à l’idéologie « woke ».
L’issue se jouera sur la mobilisation et la répartition du vote Noir. Avec deux twists.
D’abord la présence d’un troisième candidat, le libertarien Chase Oliver, qui pourrait accaparer suffisamment de voix pour priver Walker ou Warnock des 50% nécessaires à une victoire. Ensuite une élection pour le poste de gouverneur qui se déroule en même temps. Le candidat républicain et gouverneur sortant Brian Kemp est largement en tête dans les sondages face à la candidate démocrate Stacey Abrams (déjà battue en 2018 et qui n’a jamais concédé cette défaite). Walker pourrait profiter de l’élan suscité par le vote Kemp.
Pronostic : un match nul, aucun candidat n’ayant les 50% nécessaires pour être élu et un troisième tour entre les deux premiers, en décembre.
Le Nevada constitue la chance la plus forte de voir les Républicains prendre un siège à leurs adversaires. Le duel oppose la sénatrice démocrate sortante Catherine Cortez Masto, à Adam Laxalt, ancien procureur de l’Etat.
Le Nevada est un autre Etat de l’ouest, collé à la Californie. Sa principale ville est Las Vegas, sa seconde, Reno, deux métropoles du jeu et des loisirs. Son économie a connu une expansion remarquable au cours des quarante dernières années. Toutefois elle est axée sur le tourisme, et les résidents du Névada ont beaucoup souffert du confinement imposé par les dirigeants démocrates durant la pandémie de Covid-19. Catherine Cortez Masto risque d’en faire les frais.
Le vote de la communauté hispanique, très importante dans le Nevada, sera surveillé de près. Traditionnellement acquis aux Démocrates, il est en train de basculer vers les Républicains, et les observateurs veulent mesurer l’importance de ce réalignement électoral en cours.
Depuis Donald Trump de plus en plus d’hispaniques se tournent vers le parti républicain, le parti de la libre entreprise, du moins d’impôts, et du contrôle de l’immigration, trois éléments déterminants pour le niveau de vie de ses membres dont beaucoup sont des entrepreneurs indépendants qui croient à la « valeur travail ». Si Laxalt remporte plus du tiers du vote hispanique, il sera élu.
Pronostic : Adam Laxalt vainqueur. Avec, dans la foulée, une victoire du républicain Joe Lombardo pour le poste de gouverneur, succédant au Démocrate Steve Sisolak. Bref un deuxième doublé républicain.
Le New Hampshire est l’Etat surprise de ce scrutin pour les Républicains. En début de campagne, la sortante démocrate Maggie Hassan était donnée favorite. A la veille du scrutin c’est son challenger , le Républicain Don Bolduc qui était donné vainqueur. Entre les deux dates, l’effondrement de la cote de popularité du président Biden et les conséquences désastreuses de sa politique sur la vie quotidienne des résidents du New Hampshire. Le prix de l’essence et le prix du gaz ont été multipliés par trois en dix-huit mois, du fait de la décision de l’administration Biden d’abandonner les fuels fossiles. Les Américains payent cette note tous les jours. Surtout dans le New Hampshire Etat du nord de la Nouvelle Angleterre où les hivers sont rudes.
Bolduc est un général en retraite, proche de Donald Trump, qui a longtemps mis en doute la validité du résultat de l’élection présidentielle de 2020. Les médias lui en ont tenu rigueur. Reste à voir si les électeurs le feront aussi, ce qui est moins sûr. Toutefois les démocrates ont une assise forte dans le New Hampshire et Hassan pourrait tirer son épingle du jeu. Si Bolduc l’emporte c’est que la vague républicaine sera devenue un tsunami…
Pronostic : Bolduc passe de justesse et devient l'un des héros de la soirée.
L’Ohio offre une situation inverse. C’est un Etat solidement républicain où les Démocrates ont connu des avancées récentes. Rob Portman sénateur Républicain, en poste depuis 2010 a pris sa retraite. Deux candidats se disputent son siège vacant, J.D. Vance pour les Républicains ; Tim Ryan, pour les Démocrates.
Vance a bénéficié du soutien de Donald Trump, dans un Etat remporté par Trump en 2016 comme en 2020. Sa victoire semblait facile jusqu’à ce que les Démocrates investissent plusieurs dizaines de millions de dollars pour soutenir son adversaire Tim Ryan. Résultat l’écart s’est resserré. A quelques jours du scrutin Vance conservait plusieurs points d’avance dans les sondages. Ce siège devrait rester Républicain.
Mon pronostic : J.D. Vance élu avec 3 points d’avance.
La Pennsylvanie est le morceau de choix du scrutin. C’est le duel qui a suscité la plus importante couverture médiatique. Et le plus d’implication de la part des ténors politiques. Trump est venu faire campagne début novembre. Alors que Barack Obama, Kamala Harris et même le président Biden ont fait le déplacement, en Pennsylvanie. Obama à deux reprises.
L’enjeu est de taille car il s’agit de combler le siège détenu par un Républicain, Pat Toomey, qui vient de prendre sa retraite. Les Démocrates en ont fait leur objectif numéro un.
Les deux candidats sont John Fetterman pour les Démocrates et Mehmet Oz pour les Républicains. La campagne a été hors norme et sans précédent car Fetterman a été victime d’un AVC au printemps ! Cet accident vasculaire-cérébral l’a maintenu hospitalisé et l’a privé de l’usage de la parole pendant de longs mois. Du coup, il n’a pratiquement pas visité le terrain, et n’a pas tenu de réunions publiques. Néanmoins les démocrates n’ont pas voulu changer de candidat, au prétexte que Fetterman se remet progressivement et aura récupéré tous ses moyens, physiques et intellectuels, d’ici à la prochaine session parlementaire.
Toutefois, lors du seul débat télévisé de la campagne, fin octobre, Fetterman s’est montré encore très affaibli par son AVC. Il est incapable de tenir un discours cohérent pendant plus de quelques secondes. Ses phrases se limitent à trois mots. Il ne comprend pas les propos tenus oralement et a bénéficié pour le débat de l’aide d’un téléprompteur. Cela ne l’a pas empêché de bredouiller à maintes reprises. Sa performance fut catastrophique au point d’en devenir dérangeante tant il est apparu affaibli, et ni en mesure de défendre sa candidature, ni en mesure d'assurer le job en cas de victoire…
Fetterman est aussi un cas à part en politique. Il n’a jamais eu de véritable emploi, s’impliquant plutôt dans le service communautaire avant de devenir maire d’une petite ville dans la banlieue de Pittsburgh. Il s’est toujours opposé à la technique de la fracturation hydraulique qui a permis l’essor de l’industrie du gaz de schiste en Pennsylvanie. Récemment toutefois, le « fracking » étant devenu essentiel au maintien de l’activité économique et de l’emploi, il a viré de bord et prétend désormais l'avoir toujours soutenu malgré des dizaines d’entretiens passés où il affirme le contraire…
Son adversaire est le docteur Mehmet Oz, médecin diplômé de Harvard, d’origine turque, et ancienne personnalité de la télévision. Elu, il deviendrait le premier sénateur américain de religion musulmane. Sa seule faiblesse, il n’est pas né en Pennsylvanie et n’y réside que depuis peu. Or certains électeurs n’aiment pas ces déplacés qu’ils qualifient de « carpetbaggers » (« profiteurs »)
Ce duel pourrait souffrir d’un retard dans l’annonce du résultat. En 2020 il avait fallu quatre jours à la Pennsylvanie pour déclarer Joe Biden vainqueur, alors que Donald Trump était largement en tête au soir du scrutin. Ce retard et l’inversion du résultat avaient suscité des accusations de fraudes qui ont laissé une marque dans l’esprit de beaucoup d’Américains. Le scrutin de Pennsylvanie sera donc suivi de près aussi bien pour son déroulement que pour son dénouement.
Pronostic : le républicain Mehmet Oz élu dans un mouchoir de poche avec un possible recompte.
Dans le Wisconsin, le républicain Ron Johnson, sénateur sortant, est défié par un jeune démocrate radical Mandela Barnes. Barnes est un Noir de 36 ans, actuellement lieutenant-gouverneur du Wisconsin, et une star montante du parti. Ses positions le placent à l’extrême gauche. A savoir, droit à l’avortement codifié dans la loi, contrôle des armes à feu, salaire minimum à 15 dollars, transition énergétique et « nouvelle donne verte » (« green new deal »), élimination des cautions pour la remise en liberté de suspects, même en cas de crime violent, légalisation de la marijuana.
Il bénéficie du soutien de Bernie Sanders et de Barack Obama, et a reçu l’appui financier d’importants « PAC » démocrates, ces « Political Action Committees », spécialisés dans le levée de fonds et essentiels pour alimenter une campagne électorale.
Ce siège est un siège clé mais vulnérable pour les Républicains dans un Etat indécis qui a penché pour Trump d’un cheveu en 2016 et pour Biden, dans des conditions contestées, en 2020. Après les déboires de 2020 le mode de scrutin a été revu et la Cour suprême de l’Etat a interdit l’usage des fameuses « boites aux lettres » destinées à récolter les bulletins de vote par correspondance car soupçonnées de favoriser les fraudes… Cela devrait faciliter la tâche du candidat républicain.
Pronostic : Johnson réélu.
A l’arrivée six des sept Etats les plus disputés pourraient sourire aux Républicains. Dans ce cas ils auraient une majorité de 53 sièges contre 47.
Joe Biden se retrouverait donc sans majorité à la Chambre , et sans majorité au Sénat. Il serait un président « canard boiteux » et, vu son âge, la perspective de le voir se représenter en 2024 en serait grandement amoindrie. Quoi qu’il en dise.
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