Primaires Républicaines : le vainqueur de l’Iowa s’appelle… Barack Obama.
L’Iowa a parlé. L’oracle attendu depuis des mois est tombé. Mais cet oracle n’a pas désigné de clair vainqueur. Sauf peut-être … Barack Obama.
Les résultats du caucus de l’Iowa indiquent que Mitt Romney et Rick Santorum sont arrivés en tête, à égalité avec 25% des suffrages chacun et huit voix exactement d’écart en faveur du premier. Suivent Ron Paul avec 21%, Newt Gingrich avec 13%, Rick Perry à 10% et Michele Bachmann à 5%. Jon Huntsman avait fait l’impasse sur cet état pour se concentrer sur les étapes suivantes, le New Hampshire, le 10 janvier, la Caroline du Sud le 21 et la Floride le 28.
Le vainqueur apparent est donc Mitt Romney. Il n’a pas failli à son statut de principal prétendant. L’autre vainqueur, c’est Rick Santorum. C’est lui dont on va parler dans les jours à venir parce qu’on ne l’attendait pas si haut. Voici une semaine il trainait dans les profondeurs des sondages.
Santorum est un ancien sénateur, catholique et très conservateur. Il a rassemblé le vote religieux et l’aile droite du parti, d’un Etat dont 52% des résidents se définissent comme « protestants évangéliques ». Beaucoup doutent de sa capacité à rassembler au-delà de cette base du fait de positions très tranchées, sur l’enseignement du créationnisme, par exemple.
Les deux perdants s’appellent Gingrich et Perry. Le premier a vu sa popularité s’effondrer dans les derniers jours. Le second n’a jamais décollé dans les sondages. Michele Bachmann a déjà tiré les conséquences de son mauvais résultat et abandonné la course, Perry pourrait l'imiter bientôt….
Le face à face entre Romney et Santorum illustre le débat qui divise le parti républicain entre centristes et radicaux, modérés et conservateurs, entre un « establishment » entrepreneurial et une base populiste. Les électeurs de l’Iowa n’ont pas tranché ce débat. Il va donc se poursuivre. Au moins jusqu’au « supermardi » du 6 mars où une dizaine d’Etats voteront en même temps. D’ici là, cette division profitera au locataire actuel de la Maison Blanche, Barack Obama.
Car tant qu’ils se disputent entre eux les Républicains n’attaquent pas leur véritable adversaire. Et si Romney fait campagne, comme s’il était déjà en novembre, ses opposants font campagne contre lui. D’où une surenchère pour s’attribuer le vote conservateur d’une part et le vote « libertarien » de l’autre. Les propositions de Ron Paul pour réduire le rôle et la taille du gouvernement fédéral, plaisent aux radicaux républicains, mais pas à une majorité de l’électorat américain. Pas plus que les propositions sociales d’un Rick Santorum sur l’interdiction de l’avortement, où la réforme de l’enseignement, ne séduisent les électeurs indépendants, susceptibles de faire pencher la balance.
Depuis 1972, l’Iowa, petit état du Middle-West, a le statut de « first in the nation ». Premier des cinquante Etats à voter, il ouvre les scrutins des primaires. Un statut qui vaut de l ‘or. 51 millions de dollars, précisément, dépensés lors de la campagne de 2008. Un statut qui lui vaut aussi une attention médiatique largement supérieure au poids comptable de son vote. Hier, moins de 1% des délégués nécessaires à la nomination ont été attribués. Le scrutin de l’Iowa n’est pas suivi de près parce qu’il est important. Il est important parce qu’il est suivi de près.
L’Iowa mesure 145 000 km² et compte 3 millions d’habitants. Il est quatre fois plus petit que la France et vingt fois moins peuplé. Son nom dérive d’une tribu indienne, les Ioways. Sa capitale s’appelle Des Moines, du nom de son principal cours d’eau. Prononcé à l’américaine, Des Moines devient « di-mogne’z », mais le nom est bel et bien français et rappelle que ce territoire fut propriété de la couronne. L’Iowa fait partie de ce qui était la « Nouvelle France », immense territoire vendu par Napoléon en 1803. Son drapeau est d’ailleurs… bleu blanc rouge.
Longtemps l’Iowa a été « le cœur de l’Amérique » (« Americas’ Heartland »). Le pays votait à son image. D’où sa réputation d’oracle politique. Aujourd’hui sa sociologie n’est cependant plus représentative de celle de l’ensemble de l’Amérique. L’Iowa est blanc à 92%. Avec une population de souche allemande (35%), anglaise, irlandaise, et norvégienne. Moins de 3% de ses résidents sont des « foreign born », c’est-à-dire « nés à l’étranger ». Or les Etats-Unis sont de plus en plus marqués par la mixité ethnique. Les blancs n’y sont plus que 65%, les hispaniques 16% les noirs 12% et les asiatiques 5%.
Les candidats y consacrent néanmoins plus de temps que n’importe où ailleurs. Dans la grande tradition des campagnes américaines. Par du porte à porte. Ils sont accessibles et peuvent rôder leur message. S’ils rencontrent un écho favorable, tout est possible. Si ce n’est pas le cas, ils doivent se rattraper très vite. L’Iowa sert moins à désigner le vainqueur final, qu’à identifier les premiers perdants et éclaircir les rangs des candidats.
Hillary Clinton, troisième en 2008, alors qu’elle était la favorite de la course ne s’est jamais vraiment remise de cette prestation médiocre. Barack Obama, au contraire, vainqueur inattendu en 2008 a bénéficié d’un tremplin qui l’a catapulté vers la nomination puis la Maison Blanche.
Il arrive que des victoires dans l’Iowa soient sans lendemain. En 2008 chez les Républicains, c’est Mike Huckabee, un pasteur évangélique de l’Arkansas, qui l’avait emporté. Devant Mitt Romney. John Mc Cain qui avait emporté la nomination, n’avait terminé que quatrième. Et avait échoué face à Obama pour la Maison Blanche. Tant il est vrai qu’aucun candidat, ayant fait moins bien que troisième dans l’Iowa, n’est jamais devenu président des Etats-Unis.