Opinion: Les Américains de plus en plus « conservateurs » (1ere partie)
Selon les résultats d’un sondage Gallup, publié ce mois, les Américains sont de plus en plus nombreux à se dire « conservateur ». 40% exactement ! Tandis que 36% se disent « modéré » et seulement 21% « liberal » (en anglais être « liberal » ne signifie pas que l’on défend l’économie de marché, mais au contraire que l’on est plutôt « de gauche » sur les questions économiques et sociales).
Ce sentiment conservateur progresse dans tous les Etats de l’Union, sauf l’Alaska. Il est dominant dans 37 états sur 50. Ainsi, mis à part les Etats de la côte ouest, et ceux du Nord-Est, où les idées « de gauche » sont plus largement partagées, le pays intérieur - soit le Mid-West, le Sud et la région des Rocheuses - se décrit comme « conservateur » voire « très conservateur ».
Dans quatre Etats les Conservateurs rassemblent plus de la moitié de la population : le Mississippi, l’Utah, le Wyoming et l’Alabama. L’Etat où les sympathisants de gauche sont les plus nombreux est le Massachussetts, avec un taux d’identification de 30%, contre 29% pour les conservateurs.
En termes politiques, cette identification donne un avantage aux républicains. Le « GOP » (Grand Old Party, surnom du parti républicain) est le porte-drapeau du conservatisme. Tandis que le parti démocrate est celui des « liberals ».
Cela comptera en doublement novembre. Dans la course à la Maison Blanche, puisque l’élection américaine se fait par un scrutin indirect où les votes sont comptabilisés au sein de chaque Etat, et convertis en voix au Collège électoral. Mais surtout, cela comptera dans la course au Congrès puisque l’ensemble des sièges de la chambre des Représentants (435) et le tiers de ceux du Sénat (33 sièges, dont 22 démocrates et 11 républicains) seront à renouveler.
Ce sondage tombe alors que vient de se tenir à Washington la « CPAC », « Conservative Political Action Conference », grand-messe annuelle du mouvement Conservateur.
Année électorale oblige, trois des quatre candidats républicains à la Maison Blanche ont honoré ce rendez-vous: Rick Santorum, Newt Gingrich et Mitt Romney. Et les média ont abondamment couvert l’évènement. Soulignant au passage que le conservatisme a plusieurs visages.
Rick Santorum a mis sa foi religieuse en avant, pour se présenter comme le garant de l’orthodoxie conservatrice. Newt Gingrich a insisté sur son indépendance de vue, se positionnant « en marge du système », en écho au sentiment qu’ont les conservateurs d’être en marge d’un monde dont les valeurs morales sont dictées par des média ancrés à gauche. Mitt Romney s’en est tenu au registre fiscal, évoquant la cure d’amaigrissement qu’il imposerait à Washington, comme il a su l’imposer au Massachussetts entre 2003 et 2007.
Seul Ron Paul était absent. Officiellement retenu ailleurs par sa campagne … En fait, brouillé avec les organisateurs. « Libertarien » et non purement « conservateur », il s’identifie aux idéaux du mouvement sur les questions économiques, mais s’en écarte sur les questions religieuses, internationales, ou de société. D’où sa mise à l’écart. Alors même qu’en 2010 et 2011 il avait participé au CPAC et même remporté le vote blanc (« straw poll ») qui clôt la Conférence et détermine la personnalité préférée des participants.
C’est l’illustration de tensions nouvelles au sein du mouvement.
Les conservateurs ont toujours su inclure différentes tendances et rassembler au plus large. Notamment lors d’élections. Aujourd’hui certaines tendances radicales refusent de rentrer dans le rang. Comme le manifeste l’opposition persistante d’une partie du camp républicain à Mitt Romney, jugé trop modéré.
(A suivre...2e partie: Le conservatisme dans la vie politique américaine)