Opinion: Le Conservatisme dans la vie politique américaine (2e partie)
Il existe un Parti Conservateur aux Etats-Unis (American Conservative Party) depuis trois ans à peine. Pourtant le « conservatisme » est ancré dans la vie américaine. Il remonte aux origines de la nation. Mais ce n’est qu’à partir de 1950, avec l’avènement de la Guerre Froide et de l’Etat providence, qu’il est devenu une force politique
Les principes du conservatisme se rattachent aux deux textes fondateurs des Etats-Unis : la Déclaration d’Indépendance de 1776 et la Constitution de 1787. Le premier de ces principes est la liberté : des hommes, des entreprises et des marchés. Le second est la loi, qui doit être forte pour garantir cette liberté mais aussi protéger les droits individuels qui l’accompagnent (dont le droit de port d’arme). Le troisième est un gouvernement restreint, tenu à la rigueur fiscale et garant de l’indépendance nationale. Le quatrième est le respect des valeurs religieuses…
Ces principes vont être remis en question pour la première fois à l’orée du XXe siècle, par un président républicain, Théodore Roosevelt.
L’industrialisation rapide, l’urbanisation, une forte immigration ont changé le visage de l’Amérique. Les villes l’emportent sur les champs, les usines sur les fermes, les machines sur les hommes, les ouvriers sur les artisans, les grandes banques sur les petits commerces, les maladies urbaines sur la robustesse rurale. Roosevelt invente alors la politique sociale, s’attaque aux grands « Trusts », et règlemente pour la première fois le « Big Business ». En même temps il multiplie les conquêtes impériales au-delà des frontières. Cette politique conduit à une rupture avec les « conservateurs » du parti républicain, partisans de la « liberté », donc du laisser –faire et de l’isolationnisme. Roosevelt finit par fonder son propre parti en 1912. Cette division offre la Maison Blanche sur un plateau au démocrate Woodrow Wilson.
A partir des années 1920-1930, la montée des totalitarismes en Europe, et l’expansion drastique du rôle du gouvernement menée par Franklin Roosevelt au nom du New Deal, vont provoquer une résurgence du sentiment conservateur. Dès 1945, le mouvement rassemble à la fois les partisans de « l’American Way of life » face au communisme, les adversaires de la règlementation, et de l’intrusion du gouvernement dans la vie des citoyens, ainsi que les défenseurs de la civilisation judéo-chrétienne face aux assauts du relativisme, du nihilisme et du multiculturalisme.
William Buckley Jr, fondateur en 1955 de la National Review, principale revue conservatrice, définit alors les principes du conservatisme moderne : « Le rôle du gouvernement en temps de paix est de protéger les citoyens et de garantir leur droit à la vie, à la liberté et à la propriété. Tout autre activité tend à réduire les libertés et ralentir le progrès. »
De 1952 à 1992 le Conservatisme domine en apparence la vie politique américaine. Mais en apparence uniquement. Si les présidents républicains gouvernent pendant vingt-huit ans contre douze aux démocrates, ces années voient l’avènement du « complexe militaro-industriel » ; elles voient la mobilisation de l’armée américaine dans des conflits lointains, la consolidation du rôle re-distributeur de l’Etat et l’expansion astronomique de son budget, ainsi qu’une révolution culturelle qui met à bas les valeurs religieuses.
L’élection de Ronald Reagan sonne l’heure du grand reflux: réveil du sentiment religieux, volonté de réduire les impôts et les dépenses de l’Etat, et persistance d’une Amérique forte. C’est la fameuse « paix garantie par la force » (« peace through strength») qui permet de gagner la Guerre Froide, par effondrement de l’ennemi.
Mais trente ans après la victoire de la coalition reaganienne, et vingt ans après la fin de la guerre froide, les conservateurs s’interrogent. Le principe de la paix garantie par la force, n’est plus unanimement partagé. Surtout à l’heure des guerres asymétriques. L’accumulation d’une dette de quinze mille milliards de dollars, donne à l’idée de « rigueur fiscale » une dimension inédite. Elle fédère les Tea Parties, nouvelle force radicale au sein du mouvement, qui demandent le renflouement de cette dette… sans recourir à l’impôt. Car c’est le seul moyen, de réduire la taille d’un gouvernement dont le rôle ne cesse de s’étendre ainsi que le démontre le plan d’assurance santé universelle passé par Obama…
Du coup le mouvement s’est radicalisé et refuse désormais tout compromis. A la tribune du CPAC, Rick Santorum n’hésitait pas à affirmer : « Nous conservateurs et membres des Tea Parties, nous ne sommes pas simplement une aile du Parti Républicain, nous sommes le Parti Républicain. » Pour ces conservateurs là, radicalité et pureté idéologique sont deux vertus. Car, disent-ils, c’est à force de compromis que le pays en est arrivé où il est !
Le risque qu’ils font peser sur le camp républicain est celui d’une division. Comme en 1912.