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France-Amérique le blog de Gérald Olivier
10 juin 2012

Elections Américaines : L’oracle du Wisconsin

 2e partie : Un avertissement à Obama et toute la classe politique

wisconsin_recall_medium

Quelle signification faut-il donner au vote du Wisconsin et quelle importance lui accorder ?

Ce scrutin est d’abord une défaite pour le mouvement syndical et pour l’administration.  « Les syndicats ont initié ce combat, et ils l’ont perdu », écrit Harley Shaiken, professeur de sciences politiques à l’université de Berkeley en Californie.  « Ce vote était un référendum sur les négociations salariales. Les électeurs du Wisconsin ont rejeté les avantages accordés jusqu’à présent aux employés du service public, » renchérit M. Luke Hilgemann, président de la branche du Wisconsin de Americans for Prosperity, un think-tank libéral.

Certains observateurs ont comparé ce scrutin au licenciement collectif décidé par Ronald Reagan contre les contrôleurs aériens en grève en 1981. Cette décision avait brisé ce syndicat, imprimé une marque au mandat du nouveau président et affaibli durablement les Trade Unions dans leurs relations avec l’administration.  Il pourrait en être de même pour ce vote.

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Le service public constitue le dernier bastion syndical aux Etats-Unis. Le taux de syndicalisation y est de 37%. Contre 7% dans le privé. Plus de la moitié des personnes syndiquées aux Etats-Unis, sont des salariés du public. Les avantages que l’AFL-CIO, la grande fédération syndicale américaine,  a obtenu pour ces employés sont considérables, en termes de pensions de retraites, horaires de travail, primes diverses, et avantages sociaux. Des avantages qui, à l’heure de la crise financière, des délocalisations industrielles et de la précarité de l’emploi dans le secteur privé, apparaissent injustifiés aux yeux de beaucoup d'Américains. 

L’échec plus profond du mouvement syndical se situe sans doute d’ailleurs dans ce divorce, désormais consommé, entre les salariés syndiqués et les reste de la population.  Les syndicats ne sont plus perçus comme défendant l’intérêt général, ou même l’intérêt d’un service public, mais comme défendant un intérêt bien particulier, celui de leurs seuls adhérents. Dans l’éducation, la police, les pompiers, la santé, etc, la défense de ces intérêts s’est souvent faite aux dépens du service et donc de l’intérêt du public. Le système scolaire américain est particulièrement sinistré alors que le sort des enseignants est plutôt meilleur aujourd’hui  qu’il y a vingt-cinq ans. De même pour les pompiers ou policiers. Dans certains Etats, cinq ans de service ouvrant droit à une pension…à vie !

Badge Fireman L

Ces avantages ont aussi un coût, qui à l’heure des déficits publics, n’apparait plus acceptable à une majorité d’américains. Ceux-ci sont donc prêts à remettre en question un pacte politique vieux de 75 ans.

Les syndicats sont un acteur majeur de la vie politique américaine depuis le New Deal. C’est Franklin Roosevelt qui leur a donné une légitimité en en faisant les partenaires de négociations salariales censées mieux répartir les fruits de la croissance et assurer la paix sociale. (Voir notre post du 9 mai 2012 « réveil syndical aux Etats-Unis : Renaissance ou dernier sursaut »).

San Jose Retirement cost

Ce système a bien fonctionné au sortir de la guerre. L’Amérique était alors l’unique superpuissance mondiale, ses produits s’exportaient de par le monde et ne connaissaient aucune concurrence, l’énergie était abondante et bon marché, la population encore jeune. L’industrie pouvait donc se permettre d’être généreuse avec ses employés. Des taux de croissance de 5% par an et plus, finançaient aisément les avantages consentis. Côté service public, tout était à bâtir. L’Etat providence en était à ses balbutiements et Washington, tout comme les Etats, devaient se doter d’une administration compétente face au baby-boom, à l’urbanisation, ou à la mise en place des droits civiques.

JFK PublicUnion Flyer

Ces temps sont désormais révolus. Côté services publics, l’administration a été victime de son propre succès, elle est devenue une bureaucratie inefficace alourdie par des sureffectifs. Côté privé, les Etats-Unis sont soumis à une concurrence impitoyable, le coût du travail a débouché sur des délocalisations massives, la population a vieilli, transformant les pensions de retraites en un lourde charge pour les entreprises. Les syndicats tout comme le gouvernement doivent tenir compte de cette évolution. C’est le message que les électeurs du Wisconsin ont voulu faire passer.

union membership U

Le vote du Wisconsin pose la question de l’avenir du consensus « social-démocrate » bâti à partir du New Deal aux Etats-Unis. Ce consensus passe par un Etat fort et bien financé, capable de fournir un certain nombre de services. Devant les difficultés à financer un tel système, ce consensus s’érode. A la faveur de la crise les Américains se demandent s’il ne faut pas changer de modèle…  

Obama & union boss Trumka

Ce message et ce vote concernent principalement le parti démocrate, allié traditionnel des Unions. Les démocrates se sont faits les champions de ce modèle. En échange de la légitimation de leur rôle, Roosevelt avait obtenu des syndicats qu’ils soutiennent le parti démocrate.  Les « cols bleus » votaient démocrate et les syndicats apportaient leur soutien financier au « parti de l’âne ». Une manne de quatre cents millions de dollars en 2008 qui a largement contribué au succès d’Obama. La disparition d’une telle rente affecterait inévitablement le parti…

wisconsin recall Obama statement of support for Barret

C’est pourquoi Barack Obama a été très embarrassé par la campagne du Wisconsin. Il a soutenu Barret, le candidat démocrate, du bout des lèvres, sans jamais faire le déplacement. Pour ne pas être associé à une défaite pressentie. Ou pour ne pas se montrer otage du mouvement syndical. Ce non-engagement lui a été reproché en interne. D’aucuns pensent qu’il aurait pu faire pencher la balance en sens inverse et que sa discrétion a été un aveu de faiblesse…

Quoi qu’il en soit, ce résultat laisse augurer d’une élection très serrée. Obama perd du terrain au fil des mois tandis que Romney en gagne.

Electoral college vote map june 2012

electoral college map

L’élection présidentielle américaine  se déroule au suffrage universel indirect. Les votes sont comptabilisés au sein des Etats, à qui sont attribués des sièges au Collège Electoral, en fonction de leur population. La Californie qui compte 38 millions d’habitants a 55 sièges. Le Dakota du Sud, qui en a moins d’un million, a 3 sièges. Il y a 538 sièges au total et il en faut 270 pour être élu, sachant que le candidat arrivé en tête dans un Etat emporte l’ensemble de la délégation.  

Avec 5,7 millions d’habitants, le Wisconsin possède dix sièges au Collège Electoral. En ordre de grandeur cela en fait le 20e Etat sur 50. Son importance n’est donc pas négligeable.

C’est un Etat « bleu », c’est-à-dire habituellement acquis aux démocrates (dans les conventions graphiques américaines le « rouge » est la couleur des républicains, le bleu celle des démocrates). Depuis 1980, Ronald Reagan est le seul candidat républicain à s’être imposé dans le Wisconsin. En 2008 Obama l’a emporté sur John Mc Cain de quatorze points, 56% contre 42%. A l’aube de la campagne présidentielle, le Wisconsin était placé systématiquement dans la colonne « safe blue state », « Etat acquis aux Démocrates ». Aujourd’hui ce n’est plus systématiquement le cas !

Wisconsin presidential vote 2008 & 2004

Selon les sondages Obama a toujours un avantage de sept points sur Mitt Romney, 53% contre 46%. A la sortie des urnes, le mardi 5 juin, de nombreux électeurs ne cachaient pas qu’ils avaient voté pour Scott Walker, mais qu’ils apporteraient leur soutien à Obama en novembre. Ils avaient souhaité s’opposer au principe du « recall », plus que soutenir le candidat républicain.

 Il n’empêche. Le résultat du Wisconsin va galvaniser les troupes républicaines. Dans une élection, l’enjeu n’est pas de convertir les électeurs à sa cause, mais de convaincre les électeurs déjà acquis à sa cause d’aller voter. Une élection se joue sur la mobilisation. Dans ce domaine les démocrates ont longtemps eu un avantage sur les Républicains. Ce n’est plus le cas.Repubican party big_tent_cardDans de nombreux autres Etats, dont le Wisconsin, mais aussi  la Floride, l’Ohio, l’Arizona ou le Nevada, tous considérés comme des « swing states », les Républicains battent des records d’inscriptions sur les listes électorales.

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