En Librairie: Le Plaidoyer pour l'Altruisme de Matthieu Ricard
Matthieu Ricard est un homme heureux. Cela a été prouvé scientifiquement par des chercheurs de l'université du Wisconsin! Comme il est aussi très généreux, qualité qui contribue à son bonheur, il tente de le répandre autour de lui.
Fils du philosphe et essayiste, Jean François Revel, feu grand défenseur de l'économie libérale et pourfendeur de l'utopie socialiste, il fit une thèse de génétique cellulaire sous le patronage du professeur François Jacob, avant de partir en Inde, de découvrir le bouddhisme tibétain, et d'entrer dans un monastère au Népal. Monastère où il vit toujours, du moins quand il ne voyage pas aux quatre coins de la planète comme interprète et secrétaire du Dalai Lama ou pour promouvoir ses propres livres. Car Matthieu Ricard, sous sa robe orange et pourpre, est d'abord un penseur, et le temps qu'il consacre à la méditation lui a permis de se pencher sur le sort de ses semblables, c'est à dire, nous, vous et moi, enfin l'humanité. Ayant lui même renoncé aux biens matériels, et aux innombrables frivolités du monde moderne, il propose régulièrement quelque nouvelle recette pour faire partager son heureuse condition à des mortels qui consacrent l'essentiel de leurs temps à accumuler toutes les richesses inutiles auxquelles il a justement renoncé...
Son dernier ouvrage est consacré à l'altruisme. Nous n'imaginons pas, nous dit-il, "la force de la bienveillance... le pouvoir de transformation positive qu'une véritable attitude altruiste peut avoir sur nos vie et sur la société toute entière". En fait si. Chacun peut très bien l'imaginer. Le problème est qu'il y aura toujours quelqu'un de malveillant prêt à en tirer profit et qu'en conséquence, mieux vaut rester sur ses gardes.
Au delà de son message, le livre de Matthieu Ricard est un foisonnant tour d'horizon de l'histoire de l'humanité, et des maux de la société moderne. Il touche à la science, à l'histoire, à l'économie, à la psychologie, l'écologie et à la spiritualité. Il va de la Shoah aux OGM, de Darwin au réchauffement climatique, des grands singes à l'Inquisition, de Jean Jacques Rousseau à Ayn Rand en passant par Freud et Jung. Il relate d'admirables anecdotes qui font chaud au coeur, et d'horribles faits divers qui font froid dans le dos. Le problème étant que les anecdotes concernent quelques individus isolés, les histoires monstrueuses des comportements collectifs répétés à travers les âges...
C'est un ouvrage, d'un grand humanisme, bien pensant et plein de bonnes intentions. Mais en vérité pas très original. Il prêche la tolérance, l'ouverture, la générosité, le respect de la nature, etc. Des beaux sentiments contre lesquels on ne peut pas s'élever, mais qui sont, il faut bien l'admettre, très peu pratiqués en dehors des monastères tibétains. Si tous les gars du monde voulaient se donner la main... Malheureusement, ils disent tous le vouloir mais ils ne le font jamais!
Le plus admirable reste donc qu'après tant d'années d'observation, Matthieu Ricard continue d'accorder sa confiance à l'espèce humaine, alors qu'elle fait tant pour le décevoir. Car une chose est évidente à le lire. Le mal est partout. De tous les temps et toutes les civilisations. Et le 20e siècle offre ce terrible paradoxe d'avoir été celui où l'idée de tolérance aura le plus avancé, tout en étant la période la plus sanglante et la plus dévastatrice de l''histoire. Le mal est dans l'homme. Au sens anthropologique. C'est à dire dans l'être humain, hommes et femmes confondus. Ricard le constate au quotidien, le déplore, mais ne se départ ni de sa foi, ni de son bonheur intérieur.
Plaidoyer pour l'altruisme, la force de la bienveillance, Matthieu Ricard, NIL éditions, 917 pages, 23 euros.